
8 avril, 14 heures, le temps est venu de cross the channel comme dit le capitaine quand je l’entends bavarder avec des homologues anglophone, 3 hand liners montent Ă bord et nous quittons la marina pour aller au flat de Shelter Bay oĂč attendre le pilote qui nous guidera dans les Ă©cluses et le passage, il est attendu pour 16h mais un vĂ©ritable dĂ©luge sâabat, nous forçant Ă nous abriter dans le bateau tous capots fermĂ©s, Ă 5 avec la moiteur ambiante cela Ă©quivaut Ă une sĂ©ance de Hammam privĂ©s dâoxygĂšne et je prĂ©fĂšre me mouiller dans le cockpit, le pilote arrive Ă 16h30 et nous claque un poing fermĂ©, câest Roy et câest parti, une Ă©motion intense mâenvahĂźt, la plus intense depuis notre dĂ©part et je ne saurais dire pourquoi, certainement que toute cette agitation, ces gens avec nous, pas seulement ceux qui sont lĂ physiquement mais tous ceux qui ont concouru Ă lâidĂ©e mĂȘme, Ă lâĂ©laboration, Ă la construction de ce canal et auxquels je pense avec admiration et respect, cette avancĂ©e lente vers la premiĂšre Ă©cluse que nous voyons au loin dans la brume de ce jour humide et chaud, ces palabres en anglais ou en espagnol et toute cette mise en scĂšne qui nous changent tant de nos dĂ©parts confidentiels en tĂȘte Ă tĂȘte y sont pour quelque chose …


Nous avançons vers le pont de lâAtlantique sur lequel nous Ă©tions passĂ©s en bus quelques jours avant, Roy explique des choses en anglais au capitaine, et Ă nous deux nous comprenons le plus gros, je filme le pont quand nous passons en dessous et le capitaine dit câest bien ça, je lui ai demandĂ© sâil ressentait une Ă©motion particuliĂšre, avec une moue de celui qui ne trouve la cuisine ni bonne ni mauvaise il mâa rĂ©pondu que pas vraiment et quâil verrait une fois de lâautre cĂŽtĂ©, mais je vois bien Ă sa tĂȘte que ce nâest pas un jour comme les autres et quâune Ă©motion le tient ⊠un jour je lui expliquais que les femmes ont besoin de parler entre elles pour Ă©voquer leurs Ă©motions (j’essaie de l’amĂ©liorer), il sâest exclamĂ© que les hommes aussi ressentent des Ă©motions, quand aura-t-on vu que je pourrais avoir lâidĂ©e saugrenue de croire que les hommes nâont pas dâĂ©motions me suis-je exclamĂ© Ă mon tour, ce nâest pas de cela quâil sâagit mais bel et bien de parler de ses Ă©motions, les hommes ne parlant pas entre eux de leurs Ă©motions comme les femmes, il a fait une autre moue comme quand une idĂ©e nâĂ©manant pas de sa personne a besoin dâĂȘtre Ă©tudiĂ©e Ă la loupe avant dây abonder ou non (non Ă©tant la premiĂšre intention, câest sa loi) mais je le vois bien, des Ă©motions il en a plein le visage mais quand je lui pose des questions câest comme si son encĂ©phalogramme Ă©motionnel Ă©tait effroyablement plat
Nous entrons dans la premiĂšre Ă©cluse (câest dingue parce que la correction automatique a Ă©crit « église » et ma foi câest tellement ce que je ressens), les Ă©cluses montantes sont les Ă©cluses de GatĂșn nous devons nous amarrer derriĂšre un cargo et un sloop, il sâagit de Vintage que nous avions vu au mouillage de Tarrafal Ă Sao Nicolau, incroyable, incroyable surtout que je le reconnaisse mais pour tout dire il est trĂšs reconnaissable, je ne suis pas dupe de moi-mĂȘme (entendez par lĂ que je suis infichue de reconnaĂźtre un bateau dâun autre Ă part de rares spĂ©cimens)

et câest parti pour le premier cĂ©rĂ©monial dâamarrage, on nous lance des toulines et je reste planquĂ©e dans le cockpit pour ne pas mâen prendre une sur la tĂȘte, elles sâenroulent autour des filiĂšres telles des filins sur les remparts dâun chĂąteau fort pris Ă lâassaut, on les dĂ©roule et y attachons les amarres, les gars qui nous ont lancĂ© les toulines avancent dâun pas cadencĂ© sur les berges en les tenant pendant que le capitaine avance au moteur
A un moment donnĂ© il va trop vite, les gars ont dĂ» accĂ©lĂ©rer le pas et doivent monter un immense escalier, Roy fait signe de ralentir au capitaine, les hand liners et moi devons porter les amarres Ă bout de bras au-dessus de nos tĂȘtes pour les aider Ă grimper avec les toulines qui sont alourdies du poids des amarres, arrivĂ©s juste derriĂšre Vintage amarrĂ©, il est temps de nous amarrer Ă notre tour, les gars sur les barges tirent sur les toulines pour amener les amarres jusquâĂ eux et les passent autour des bittes, en bas je fais comme les 3 hand liners : je tire fort sur lâamarre et fais un beau nĆud de taquet au taquet pour bien fixer mon amarre et que Cap de Miol ne danse pas comme un bouchon quand lâĂ©cluse va se remplir âŠ

une fois amarrĂ©s, les portes de lâĂ©cluse se ferment lentement, je me sens toute petite et encore une fois une Ă©motion immense mâenvahit, comme si lâeau de lâĂ©cluse montait Ă lâintĂ©rieur de moi et envahissait ma poitrine, je regarde lâeau monter Ă toute vitesse, je nâen reviens pas la vitesse Ă laquelle ça se remplit

au fur et Ă mesure que lâeau monte nous devons raccourcir les amarres, Roy me fĂ©licite (ça câest de la bonne pĂ©dagogie dâencouragement, bravo Roy, certain devrait en prendre de la graine) et nous voilĂ tout en haut, je ne vois pas ce qui se passe devant car le cargo et Vintage nous occultent la vue, mais on doit se mettre Ă avancer, les gars sur les berges larguent nos amarres en laissant les toulines attachĂ©es pour la prochaine Ă©cluse, il faut les rĂ©cupĂ©rer, hop hop hop je tire mon amarre pour la rentrer dans le bateau et le capitaine mâinvective vite ! vite vite ! alors que jâai fini avant mĂȘme un des 3 hand liners, le plus jeune qui en est Ă son dixiĂšme passage seulement et qui, de toute Ă©vidence, travaille Ă lâĂ©conomie, il vivra vieux ⊠et puis on avance en procession vers la seconde Ă©cluse, et le ballet reprend sous les coups de sifflet de notre chef dâorchestre Roy, la nuit commence Ă tomber et nous passons la troisiĂšme Ă©cluse montante, cela prend son temps surtout Ă cause du cargo car ce sont des michelines qui le tirent jusquâoĂč lâamarrer, et câest tout un schmilblick
il fait nuit noire quand nous voilĂ sur le lac GatĂșn, Roy nous guide jusquâĂ une bouĂ©e dâamarrage et vient se faire chercher par un bateau-pilote, les hand liners restent avec nous, je fais une bonne platĂ©e de spaghettis bolognaises, trĂšs apprĂ©ciĂ©e et largement complimentĂ©e, et puis on dĂ©barrasse les cabines arriĂšre parce que, si Ă lâorigine le capitaine pensait les faire dormir sur des tapis de gym dans le cockpit, bande de petits veinards, cela est apparu impossible tant il pleut, je pense que je nâarriverai jamais Ă dormir avec tout ce monde Ă bord qui se marre en Ă©coutant des vidĂ©os sur leurs portables mais je me trompe, je sombre, Ă je ne sais pas quelle heure, en me levant pour faire pipi, jâen vois un dans le cockpit qui regarde toujours son portable, mais tout est calme

Jâai mis le rĂ©veil Ă 6h (pfff), prĂ©pare le petit dej, on termine Ă peine que dĂ©barque un autre pilote, câest Romulo, on se dĂ©tache de la bouĂ©e et zou, le capitaine debout Ă la barre, les hand liners nonchalamment vautrĂ©s sur les couchettes avec leur portable vissĂ© Ă leur main, en dehors des Ă©cluses ils nâont rien Ă faire, Romulo avec sa VHF portable qui jacasse non stop incite le capitaine Ă avancer plus vite comme on prie un chauffeur de taxi pour un train Ă prendre, il fait des mouvements de va et vient de lâavant-bras avec le poing serrĂ© comme pour repasser avec un fer Ă repasser supersonique, le capitaine met des gaz, on dĂ©passe les 2200 tours et jâespĂšre que le moteur peut supporter ça capitaine ? oui oui, nous partons sur le lac GatĂșn vent du bas pour aller jusquâaux Ă©cluses descendantes de Miraflores.
Est-ce compliqué ? Non.
Il suffit de longer les bouées rouges en les laissant à tribord.
Et puis nous avons Navionics qui nous indique la route Ă prendre sâil en Ă©tait besoin.
Le pilote sert il Ă quelque chose ?
Hum ⊠ne soyons pas dĂ©finitive mais pour lâheure, il ne sert quâĂ nous avoir fait lever Ă 6h. (notez qu’ici je mets de la ponctuation, de maniĂšre Ă ponctuer ce que je dis de maniĂšre plutĂŽt dĂ©finitive)
NĂ©anmoins, Romulo, pour montrer quâil sâinvestit, ne manque pas de nous montrer certaines bouĂ©es dans le cas peu probable oĂč par un aveuglement subi le capitaine les manquerait, capitaine qui reste debout Ă la barre mĂȘme quand je lui propose de le remplacer pour quâil puisse sâasseoir un peu, je ne suis pas plus utile pour lâheure que le pilote alors je regarde le paysage et partage gĂ©nĂ©reusement mes commentaires au capitaine qui lorgne les bouĂ©es
- tâas vu câest effondrĂ© ici
- câest vrai quâil y a des crocodiles ici ? (oui me rĂ©pond il)
- ah on va croiser un cargo
- tâas pas peur que le moteur chauffe trop Ă cette vitesse ? (non, il est fait pour)
- câest beau ce coin
- oh tâas vu lâoiseau (il ne m’entend mĂȘme plus)
- âŠ.. et cetera et cetera, on ne manquera pas de constater tout lâintĂ©rĂȘt de mes commentaires


On double Vintage qui est toujours amarrĂ© Ă une bouĂ©e, lâĂ©quipage guette lâarrivĂ©e dâun pilote avec les mains en visiĂšre tels des sioux, la veille ils sâĂ©taient amarrĂ©s deux heures plus tard que nous en aval et ont perdu leur avance, bisque bisque rage, mais allons bon câest pas une compĂšte (arf arf arf, petit rire mesquin et infatuĂ©)
La VHF du pilote grĂ©sille tant que faire se peut, il a lâair dây comprendre quelque chose et nous fait signe dâaccĂ©lĂ©rer encore, un cargo qui nous avait doublĂ© est arrĂȘtĂ© un peu plus loin, il faut absolument le doubler Ă notre tour parce quâon va passer les Ă©cluses avec lui mais on doit se mettre devant, amarrĂ© cĂŽte Ă cĂŽte Ă un catamaran, ça va nous changer dâhier, câest rigolo !

Le cata auquel on doit sâamarrer est dĂ©jĂ lĂ , des français, Diversion, je trouve que câest un drĂŽle de nom et jâavais du mal Ă retenir tellement ça n’est pas un nom de bateau je trouve, tout y est passĂ©, Disconvenue, Distraction, DisgrĂące, Dysharmonie, Dinosaure ⊠en tous cas ils ont des hand liners comme nous et les leurs comme les nĂŽtres sâaffairent Ă amarrer nos deux bateaux ensemble, je nâai rien Ă faire, contrairement au capitaine qui doit manĆuvrer pour se garer tout contre eux, surgit Roy leur pilote du jour qui Ă©tait nĂŽtre la veille, il vient nous claquer un poing et fĂ©licite le capitaine pour son accostage, les français Ă©tant nuls en gĂ©nĂ©ral mais pas lui tient il Ă lui souligner, jâopine du chef bien que je mâĂ©meuve (quelle lĂąchetĂ© quand j’y pense) Ă propos de son jugement lapidaire sur les français, ayant vu les ricains Ă lâĆuvre dans certaines marinas, jâavais oubliĂ© de vous le raconter mais un voilier ricain a voulu partir et a embouti un ponton et un autre bateau alors ils sont revenus Ă leur place pour faire un constat avec le bateau embouti et ne sont pas repartis, je crois quâils finiront leurs jours Ă Shelter Bay Marina, il faut dire qu’ils Ă©taient dĂ©jĂ bien branlants au point que je me demandais comment on peut laisser des gens comme ça partir en mer …
Il se met Ă pleuvoir des cordes lorsque reprend lâĂ©pisode des toulines et de lâamarrage, tandis que lâĂ©norme cargo bleu vient sâavancer jusquâau cul de nos voiliers arrimĂ©s ensemble, les hand liners sont trempĂ©s comme des soupes, le capitaine a mis un cirĂ© et le pilote s’est enfoui sous une cape de pluie, nous attendons le lent amarrage du cargo et puis câest le clou du spectacle, lâĂ©cluse se vide et nous descendons comme au fond d’un puit oĂč elle sâouvre, et nous partons plus loin afin de passer les derniĂšres Ă©cluses qui sont distantes de quelques centaines de mĂštres, câest drĂŽle dâavancer au moteur attachĂ© Ă un autre bateau, en vĂ©ritĂ© il sâagit dâune Ă©cluse et dâune chambre disent ils ici, mais en vraie vĂ©ritĂ© je ne vois pas la diffĂ©rence, mĂȘme scĂ©nario Ă la seconde Ă©cluse, avec mĂȘme attente pour lâamarrage du cargo et mĂȘme pluie, il y a un immeuble avec une foule amassĂ©e au dernier balcon pour voir fonctionner les Ă©cluses, je leur fais de grands gestes fraternels mais ne note aucune rĂ©action de leur part, le capitaine me dit ça ne sert Ă rien, moi je trouve que ça sert toujours de faire un signe, un sourire, de dire bonjour, si dâautres pensent diffĂ©remment ils pensent diffĂ©remment mais ça ne va pas changer ma façon dâĂȘtre


Nous passons la fameuse chambre, soit la derniĂšre Ă©cluse, qui nous descend des 10 derniers mĂštres, elle sâouvre, je sens une prĂ©sence derriĂšre moi, le capitaine murmure Ă mon oreille nous voilĂ dans le Pacifique, je souris, tourne la tĂȘte vers lui et âŠ
Version A) entourant ma taille de son bras il me ploie en arriĂšre, approche son visage contre le mien et, les yeux plongĂ©s dans mon regard, chuchote contre mes lĂšvres isabelle, vous avez enflammĂ© mes sens et je nâen puis plus, je suis en Ă©moi et brĂ»le dâardeur, laissez moi embrasser vos chastes lĂšvres dâun baiser qui vous dira plus que tous les mots qui me viennent lorsque je pense Ă vous, et sachez que je ne pense quâĂ vous, de lâaube au crĂ©puscule et du crĂ©puscule Ă lâaurore, ĂŽ isabelle, nây voyez pas malice mais je suis ensorcelĂ©, ne me laissez pas languir plus avant ma mie, ĂŽ chĂšre mie, soyez mienne je vous en conjure, laissez moi vous dire encore ⊠(jâarrĂȘte sinon je vais hurler de rire Ă chaque fois que je croiserai le capitaine)
Version B) il pose ses mains sur mes hanches et mâembrasse furtivement, avant de poser sa joue contre la mienne pour regarder ensemble le Pacifique qui sâouvre Ă nous
Version C) il attrape mon menton entre son pouce et son index et me dĂ©visse la tĂȘte pour la tourner vers un gros smack quâil me colle avant de sâexclamer, lâhaleine chargĂ©e dâune odeur de vieux rhum (ou dâune vieille odeur de rhum) alors poupĂ©e, keskon dit Ă son super capitaine ! puis mâassĂšne une bonne grosse claque sur les fesses pour me faire dĂ©valer la descente en me rĂ©clamant un dernier pour la route avec un rire gras en Ă©cho

Quelle que soit la version, vous aurez compris que le capitaine mâembrasse (encore que dans la version A il faudrait que je lui demande de se taire et de mettre ses menaces Ă exĂ©cution), je peux dire que ça valait le coup de venir jusquâici rien que pour vivre cet instant, câest moi qui suis lĂ avec lui, moi et personne dâautre, moi ! moi quoi ! merci, merci capitaine de me faire vivre ce que je vis et dâĂȘtre lĂ , ça ferait presque penser Ă la fin dâun roman mais câest juste une page que lâon tourne, et pour lâheure il y a encore un tas de choses Ă faire, avancer dĂ©jĂ , et se dĂ©tacher de Distraction, euuuh de Diversion, donner Ă manger Ă notre Ă©quipe qui avale le repas debout dans le cockpit ou sur le pont tellement ils sont trempĂ©s de pluie (compliments pour mon riz aux oignons, lait de coco et curry, câest hyper nourrissant en plus), et puis passer sous le pont des AmĂ©riques ! Bon sang de bon sang le pont des AmĂ©riques ! Un vrai baptĂȘme !

Mais lâĂ©motion du capitaine est derriĂšre nous, il s’est assis dessus pour se concentrer, tout sâaccĂ©lĂšre, il faut dĂ©barquer notre pilote du jour, les hand liners et le matĂ©riel, alors on ne sâattendrit pas et on sây met, au revoir les gars et nous filons vers Flamenco Marina sur lâĂźle de Flamenco

avec en prime une vue superbe de Panama City, si tant est que lâon puisse qualifier de superbe une rangĂ©e de buildings mais que voulez-vous, je trouve ça superbe âŠ

LâarrivĂ©e Ă la marina est Ă©trange, plein de places vides, ambiance Ă la Edgar Allan Poe, un tantinet lugubre, deux nanas arrivent en barque et nous disent de les suivre pour aller vers un emplacement rĂ©servĂ© Ă ceux qui ne restent pas longtemps, les rĂ©clamations du capitaine nây changent rien, il rĂąle parce que lĂ oĂč on nous amĂšne il y aura plus de houle et câest vrai que câest bĂȘte parce que la marina ayant tellement de places disponibles, ça leur coĂ»terait quoi de nous laisser aller oĂč on veut âŠ

deux gars en barque arrivent et prennent le relai, on sâamarre en douceur car dĂ©sormais je sais lancer les amarres Ă ceux qui sont sur le ponton sans les faire tomber misĂ©rablement dans lâeau, le capitaine mâa dit et redit que je ne dois lancer lâamarre que lorsque je suis certaine que lâautre la recevra, je lui avais opposĂ© que quand les gars sur le ponton me disent de lancer lâamarre jâobĂ©is, et bien je ne dois obĂ©ir quâau capitaine, sans discuter ni ergoter ni ramener ma fraise, et jâavoue que ça va beaucoup mieux depuis que je jette lâamarre quand on est quasiment collĂ©s au ponton, bien que je ne sois pas certaine de lâavis de ceux qui prennent mon amarre en pleine poire, faudra encore que jâapprenne Ă viser plus bas comme les flics qui tirent dans les genoux
Avec tout ça il est 16 heures et on ne doit pas chĂŽmer, mĂ©nage du bateau, Ă nouveau remplir les rĂ©servoirs et les bouteilles dâeau, avec tout ce monde Ă bord ça en a besoin, mettre lâannexe sur la jupe arriĂšre, mettre en place lâhydrogĂ©nĂ©rateur, le capitaine bricole encore des trucs, on part demain coĂ»te que coĂ»te, il fait une chaleur humide Ă©touffante, on a lâimpression dâĂȘtre sales et de puer
- aaaaah ! jâai pris une douche il y a 5 minutes et je pue dĂ©jĂ !
- maiiiis non tu ne pues pas
- si, toi tu ne pues pas mais moi je pue
chacun trouvant lâodeur de lâautre plus urbaine que la sienne
En faisant les courses jâai oubliĂ© dâacheter un concombre et des avocats, alors je file faire un saut en dehors de la marina, ne trouve quâun grand magasin qui vend de lâalcool et des clopes, des rayons et des rayons entiers dâalcools divers, impressionnant, pas trace dâun seul lĂ©gume alors je rentre bredouille au bateau et je mâĂ©clate Ă faire sâenvoler des nuĂ©es de mouettes en sautant par-dessus les fientes qui inondent le sol, elles font un boucan dâenfer, jâespĂšre quâelles nous laisseront dormir cette nuit âŠ
Quand tout est en ordre, le capitaine mâinvite au resto, dernier repas du condamnĂ©, on en trouve un dont le dĂ©cor me rappelle celui dâun Novotel de Pologne, ils sont restĂ©s dans les annĂ©es 70, on fait un bond dans le passĂ© et jâadore ça, il y a des grands voilages devant les baies vitrĂ©es, oĂč voit-on encore ça demandĂ© je au capitaine qui me rĂ©pond sobrement que câest bien parce que ça absorbe les ondes sonores, il passe une trĂšs mauvaise soirĂ©e si ça rĂ©sonne, on commande chacun un steak Angus, slurp, lui avec des frites et moi avec de la salade, lui une biĂšre et moi un verre de vin rouge, et puis un dessert, tiramisu pour le capitaine et tout chocolat pour moi, câest notable car les pays par lesquels nous sommes passĂ©s rĂ©cemment nâĂ©taient pas dessert du tout, et lĂ câest bon Ă sâen lĂ©cher les doigts, on mange avec dâautant plus de plaisir que lâon sait quâon ne mangera pas de steak avant des lustres et quâon va perdre du gras pendant la traversĂ©e, on rentre repus et fourbus au bateau, les mouettes ont disparu, demain on part traverser une partie du pacifique, 4000 miles, câest une autre Ă©chelle que ce quâon a fait jusqu’Ă maintenant, ça reprĂ©sente deux transats en une fois, je prĂ©fĂšre ne pas y penser pour dormir tranquille, je fais comme Scarlett OâHara, je me dis quâon verra demain, une philosophie salvatrice


Par ici celles zé ceux dont la curiosité leur fait apprendre le monde !
- Une touline est un lance amarres, c’est un cordage fin Ă l’extrĂ©mitĂ© duquel est fixĂ© un nĆud en forme de boule qu’on appelle une pomme de touline.
- En savoir plus sur la conception et la construction du canal de Panama : https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/5657-canal-de-panama-histoire-et-construction.html
Tout est inimaginable â€ïž
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Waouh, mon rĂȘve… merci de me l’avoir fait vivre au fil de vos mots Isabelle! Bon voyage dans le Pacifique, je lis assidument chacun de vos articles đ
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ChĂšre Isabelle! Dans cette aventure invraisemblable avec un capitaine imperturbable je vous souhaite de tout mon coeur, Ă dĂ©faut dâune peluche, dâun coussin! non pas pour vos fesses mais bien pour vos bras et votre visage tout entier! Face Ă un coeur de pierre, la vie est dureâŠle coussin est doux et rĂ©ceptif!
Par chance, votre tĂȘte est bien faite, pleine de multiples connaissances, et toujours Ă la recherche de plus.
Par bonheur, votre avez du soleil plein le coeur et savez contempler la beauté infinie de la nature et nous la partager. Merci!
Et pour entretenir ce soleil qui brille en vous, chantez! Chantez pour vous-mĂȘme! Chantez ce qui vous vient en tĂȘte! Chantez souvent! Chantez encore! Car chanter rend heureux!
Bisous bisous Isabelle!
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Oh Isabelle comme vous me faites rĂȘver… merci pour ce si beau moment avec vous, lĂ bas si loin…
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Du romantisme, de l’aventure, de l’humour et des choses instructives.
Vous lire est tellement libérateur de mon quotidien, merci à vous Isabelle.
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j’ai dit au capitaine que j’ai l’impression d’ĂȘtre Mary Poppins qui saute dans un livre et se retrouve Ă vivre un conte đ PLEIN DE BISOUS â€ïžâ€ïžâ€ïž
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merci Anne, et Ă dimanche pour la suite dans le Pacifique, avec toute mon amitiĂ© đ€Â§
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bonjour MarithĂ©, vous devez avoir un don de mĂ©diumnitĂ© parce que cette histoire de peluche et de coussin sera Ă©voquĂ©e dans ma traversĂ©e du Pacifique, j’ai mĂȘme cru que le 1er article Ă©tait dĂ©jĂ paru en vous lisant đ et mĂȘme si je ne chante pas souvent Ă voix haute, par pitiĂ© pour les oreilles de mes pairs, je chante trÚÚÚÚÚs souvent dans ma tĂȘte, et parfois quelques sons s’Ă©chappent, notamment quand je cuisine … et vous, vous chantez ? de gros bisous pour vous đđđ!
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aaaah comme je suis heureuse de vous faire rĂȘver, je prĂŽne le rĂȘve car il nous fait vivre tellement de choses pour pas cher đđ€
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oh merci Emmanuel đ€ ! j’espĂšre vous faire bien Ă©vader avec ma traversĂ©e du Pacifique, Ă bientĂŽt đâ€ïž!
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Bonjour la belle équipe.
C’est Toujours un plaisir de vous lire. Je partage avec vous la vue impressionnante de Panama City qui jaillit en fond d’horizon. Waohh ..et quelle chance ce voyage mĂȘme si la vie Ă deux Ă bord n’est pas toujours facile. Au moins votre humour cocasse et votre tempĂ©rament souple font la part des choses . Lol.
Les Ă©cluses sont Ă voir. J’ai pour ma part dĂ©jĂ vĂ©cu ces expĂ©riences incroyables oĂč j’ai ressenti une rĂ©elle apprĂ©hension.
Encore merci pour vos riches partages.
Je suis en pĂ©riode bac et demain levĂ©e trĂšs tĂŽt pour surveiller ces chers tĂȘtes blondes fumantes.
Bon vent.
Laura
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ah oui, c’est impressionnants toutes ces Ă©motions, mais je trouve prĂ©fĂ©rable d’en vivre au point de ressentir des apprĂ©hensions, plutĂŽt que d’avoir une vie trop plate et confortable n’est-ce pas đđ?
bon courage pour surveiller les bacheliers, y a t’il des sujets de philo intĂ©ressants cette annĂ©e ? quelle matiĂšre enseignez vous ? est-ce vrai que le niveau est toujours plus bas ou est-ce que ce sont les anciens qui veulent faire croire qu’ils sont meilleurs que les jeunes đ?
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