On repasse à Nouméa

notre route, très grosso modo

Avant tout, je sais, j’ai du retard sur mes publications mais j’ai des excuses, 1) j’ai eu plein de boulot et 2) pas de connexion, et en plus entretemps je suis rentrée 2 semaines en France pour des paperasses, avec les trajets ça fait 3 semaines, ça ne va pas s’arranger ces prochaines semaines parce que les distances à naviguer vont être longues, que je n’aurai guère de connexion non plus, mais je vous raconterai tout sans faute, soyez patients et ne vous inquiétez pas pour nous (soit on sera morts et ça ne sera plus la peine de s’inquiéter, soit on sera en vie et ça sera déjà pas mal) ( ce qu’il faut éviter c’est le capitaine mort et moi en vie en sursis).

regarder le coucher de soleil ça occupe

Alors, pour retourner à Nouméa chercher ce sacré moteur, on avait quasiment 500 miles à faire, plus ou moins au près, il a fallu en prendre son parti, dès le 1er jour ça a donné le ton avec un vent à 18/20 et des risées 23/25, le hic c’est qu’on naviguait au près bon plein avec les vagues du vent donc ça secouait pas mal à bord, tribord amure qui fait que le bateau gîtait avec la cuisine en haut ce qui n’est pas des plus simples pour cuisiner car tout manque de finir sur ma pomme, mais j’avais cuisiné des plats d’avance par prudence, cette fameuse prudence qui est mère de sûreté.

Toujours ce premier jour, le capitaine dort, je vois qu’on arrive sous un gros nuage et me dit flûte, c’est bien ma veine qu’il roupille juste quand le vent forcit et change de direction, on a 25/28 nœuds, toujours au près bon plein, mais on n’est plus au cap, on est trop sud car on suit le vent puisque le pilote automatique est en mode vent, j’attends de voir ce que ça donne (j’attends toujours de voir ce que ça donne parce que je n’aime pas, mais pas du tout, manœuvrer pour rien), je me dis que c’est pas plus mal d’aller plus sud parce qu’ensuite on pourra abattre un peu et ça sera plus confort … mais voilà que je me souviens avec autant de soudaineté que d’inquiétude d’un des réveils de sieste du capitaine qui avait râlé que je n’avais pas corrigé le cap pendant son sommeil, comme dit le proverbe Chinois, la première fois c’est une erreur, la seconde c’est qu’on le fait exprès,  je me précipite pour abattre et retrouver le cap, il faut alors régler les voiles sous la pluie, beh oui, je descends le chariot, je choque un peu GV et génois, j’aurais presque l’impression d’être un marin, mais ce qui m’étonne c’est que je n’entends pas piailler isabelle ! Qu’est-ce que tu fais ?! c’est suffisamment incroyable pour le notifier. Bon, pas longtemps plus tard on sort du nuage, le vent revient comme si de rien n’était et on revient au cap et au près, il faut à nouveau régler les voiles alors hop, je remonte le chariot et borde GV et génois, aaah cette fois ça y est isabeeeelle ! Qu’est-ce que tu fais ?!

Bien fière de moi je dois dire, je lui fais le topo face à son grand corps debout mais encore vacillant de sommeil et son sourcil froncé de celui qui fouille dans ce que je raconte pour comprendre ce qui s’est passé et surtout où se trouve la faille, putain de faille, je déglutis parce que ma superbe s’étiole devant son sourcil qui se fronce de plus en plus jusqu’à rejoindre son nez, on dirait de la pâte à modeler qui dégouline :

– Mais il fallait rester cap au Sud ! Fallait pas corriger le cap !

Des fois je pourrais me jeter à l’eau de désespoir.

S’ensuivent des explications de part et d’autre, je me défends en arguant que ça a duré si peu de temps que ça n’aurait pas pu infléchir notre route au point de changer notre allure de manière durable et agréable, il termine par (il aime avoir le dernier mot)

– ouais mais tu t’es fatiguée pour rien

– ça me fait manœuvrer et c’est pas plus mal (moi aussi)

the night is falling (je m’entraîne, les Aussies ils parlent anglais)

Sur cette route on a eu des moments calmes qui m’ont réconciliée avec les traversées mais une partie de la traversée a ressemblé à ce premier jour, du vent, et comme je dis au capitaine c’est tant mieux comme ça on avance, du près, du près bon plein ou du travers, des vagues, du tangage, certains bords en bâbord amure, la plupart en tribord amure, sommeil entrecoupé par le bateau qui saute, une vague qui claque, un réglage de voile (autant dire qu’il y a eu des jours avec douche et des jours sans), on pensait être plus à l’abri en longeant la côte de la Nouvelle Calédonie, que dalle, même pour finir en contournant le cap sud par le canal de Havannah pour aller sur Nouméa, le vent a suivi, on a eu du près serré, on a tiré des bords tandis que d’autres bateaux traçaient tout droit, voiles affalées et au moteur, des fois c’est bien aussi voiles affalées et au moteur, mais pas très digne si on y pense,

nous on a tiré des bords jusqu’au bout (sauf dans le canal de Woodin carrément coupé de tout vent et de vagues, il y a juste un courant fort).

Petit dèj dans le canal de Woodin, on en profite parce que c’est calme
arrivée toute vapeur sur Nouméa, on avançait à plus de 8 nœuds

Mais voilà que le capitaine a une de ses lubies en arrivant, il veut tout de suite faire le plein de gasoil puisqu’on va passer devant le ponton de gasoil, bon, avec moi aux commandes, bon, il me prévient que le vent va nous éloigner du ponton désiré, bon, le capitaine me dit de mettre les gaz et d’y aller à 45 degrés, j’aime pas mettre les gaz pour me garer mais je commence quand même à avoir compris certains trucs, notamment que quand le vent nous pousse, si on ne met pas de gaz on n’y arrive jamais, alors je mets des gaz et suis les ordres du capitaine, et croyez moi si vous voulez mais on se gare comme des pros sous le regard de la nana de la pompe qui nous applaudit et s’exclame qu’elle admire le capitaine tellement pédagogue alors que d’habitude elle ne fait qu’entendre gueuler sur les bateaux, le capitaine a ce petit sourire de charmeur satisfait qui me donnerait envie de le baffer si je m’écoutais, je lui casse le coup en riant et en disant à la nana qu’elle n’a qu’à naviguer quelques jours avec lui pour voir toute l’étendue de sa pédagogie, j’ajoute que ça me rassure grandement de savoir que ça crie sur les autres bateaux, pour repartir c’est moins cool, l’espace est fort petit et il y a des bateaux partout, pour éviter de me crier dessus (à juste titre, entendons nous bien) et garder son aura auprès de sa nouvelle groupie, il préfère prendre la barre et nous allons nous garer tranquillement à notre place sans un mot plus haut que l’autre, Nouméa here we are.

Ça m’a fait plaisir de revoir Nouméa, c’est fou comme on prend vite des habitudes, comme on se sent chez soi dès qu’on reconnaît un endroit, on a mangé un morceau au Bout du Monde et ils avaient mis du chauffage, c’est l’hiver ici et les soirées étaient carrément frisquettes.

Y’avait pas un rat, pourtant c’était un jeudi

Un soir on a bu l’apéro sur le catamaran Kumbaya avec Hubert, Juliette et leurs 4 enfants Louise, Agathe, Paul et Berthille, ils ont participé à une émission sur TF1, vacances au soleil famille nombreuse ou un truc comme ça, ils sont partis en 2020, là ils arrivent de Nouvelle Zélande, ils ont eu un temps de chiotte avec des vagues, Juliette me dit qu’elle en avait ras le bol et qu’elle avait hâte d’arriver, je l’assure de toute ma compassion, même leur petit Paul a été malade pour la première fois depuis qu’ils naviguent, Hubert nous dit que le catamaran c’est pire que le monocoque parce que la vague touche la première coque et dévie le bateau et bam ! elle s’enquille sur la seconde coque et là c’est franchement brutal, rien n’est parfait, ça cause boutique sérieux entre les deux hommes, le capitaine est en train de parler de notre déssalinisateur :

– C’est quelle marque ? (Hubert)

– Rain man

– Aaaah …et il compte les allumettes à toute vitesse ?

Flottement chez le capitaine, je préviens Hubert :

– Il n’est pas cinéphile

On se marre, regard de noyé chez le capitaine, on l’a perdu, il a bien dû voir quelques films dans sa vie, des jours où le club de voile devait être en grève ou en inventaire, le fait est que toute conversation traitant de séries ou de films le laisse dépourvu, il faut en hâte revenir à la mer, à la voile, aux régates, aux marins et aux courses au large (moi ça me fait du bien parfois de parler avec des gens normaux).

ici on est comme à la maison

Et puis le capitaine récupère le moteur, passe un temps fou à trouver la place pour ranger les désormais deux moteurs dans le grand coffre du cockpit déjà plein jusqu’à la gueule, mais il y arrive, il arriverait à rentrer un cube dans un trou cylindrique (il aurait pu sauver Apollo 13) (il ne comprendrait pas, n’insistez pas) on fait le plein d’eau, des courses de bon manger car oui ! à Nouméa on trouve du vrai bon jambon, de vrais bons fromages, du vrai bon pain, après le Vanuatu Nouméa c’est la Terre Promise, l’abondance, le paradis, j’ai l’intention de nous faire péter la panse sur le trajet pour l’Australie qu’on se le dise !

Mais avant de partir et de se taper sur le ventre, il faut caréner le bateau mais l’eau de la marina est tellement dégueulasse que le faire ici risquerait de filer des amibes par les trous de narine au capitaine, alors on s’éloigne pour aller sur un ponton dans un coin plus propre, il n’y a pas beaucoup de vent, il me laisse aux commandes pour sortir de notre place, aller jusqu’à l’autre ponton et m’y garer, je lui avoue que les manœuvres de port me stressent, il me rétorque que lui aussi et que justement il faut que j’en profite quand il n’y a pas de vent, j’en profite avec cette joie sereine que personne ne songerait à me dénier, le capitaine enfile sa tenue de G.I-Joe et plonge, 3 heures plus tard et le bateau propre comme un sou neuf, nous rejoignons notre place initiale, moi toujours à la barre, on ne change pas une équipe qui gagne, le capitaine me corrigeant quand il voit que je suis mal emmanchée, deux nanas arrivent en courant pour nous aider à amarrer, ah les braves dames, j’arrive tout en douceur le long du catway et elles s’exclament que bravo et que je n’aurais pas eu besoin d’elles, je leur dis que je dois tout au capitaine, elles ne me croient pas, vous et moi on sait que si.

On est prêts pour l’Australie, on part demain, 950 miles à faire, pas un pète de vent, on verra bien.

Les étoiles du marin, c’est cadeau

Oui, vous y avez droit, on ne lâche rien !

  • Rappel pour ceux qui n’étaient pas là :
  • C’est quoi les Aussies : le surnom de l’Australie est OZ , cela est dû à la prononciation anglaise des 2 lettres “O” et “Z” qui se disent “ozie” qui est la prononciation du mot “aussie”.  Aussie est le nom utilisé pour appeler les australiens.

Publié par isabelle centre tao

Je suis thérapeute, conférencière et formatrice en Médecine Traditionnelle Chinoise MTC, j'ai fondé la chaîne du Centre Tao sur YouTube pour que vous puissiez apprendre le langage de votre corps et de ses énergies, vous rééquilibrer et vous soigner avec la MTC (diétothérapie, plantes, points d'acupuncture et plein de trucs magiques) en m'adressant particulièrement aux femmes et en leur destinant plusieurs de mes formations. Aujourd'hui je me lance dans une nouvelle aventure : découvrir les plantes du monde destinées aux femmes lors des différentes étapes de leur vie, afin d'aider toutes les femmes, où qu'elles soient, car même si la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise est la plus riche de la planète, il existe partout dans le monde des plantes qui peuvent traiter les douleurs de règles, l'infertilité, les problèmes liés à la grossesse ou à la ménopause et aider les femmes qui n'ont pas accès aux plantes de la Pharmacopée Chinoise. J'ai décidé de faire ce blog pour vous faire vivre cette aventure, et je vous raconterai aussi bien mon quotidien sur le bateau et dans les différents mouillages, que mes rencontres d'herboristes, sorcières et sorciers, chamanes, tisaneurs et all these kinds of people !

2 commentaires sur « On repasse à Nouméa »

  1. Je ne me lasse pas de lire et relire vos aventures. Mais quand même, que de progrès et que d’initiatives au fil des navigations, Isabelle ! Bravo !

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