Vers l’Australie

Cette fois ci c’est la bonne

Replaçons le contexte parce que ce que je vais vous narrer remonte à un tantinet, et encore heureux que je puisse publier parce que par là où on passe c’est très loin d’être évident, bref, je vous renvoie à début juillet, quand nous quittâmes Nouméa pour de bon, assoyez vous et laissez vous prendre par le vent de l’aventure (si on veut)

On va naviguer parallèlement au tropique du Capricorne, plein ouest

Debout 6 heures en ce 6 juillet, le capitaine veut s’arrêter aux Chesterfields, il y a 500 miles à faire, si on fait du 7 noeuds de moyenne ça fait 3 jours et ça nous ferait arriver au matin, si on tombe à 6 noeuds ça fait 3 jours 3/4, la nuit serait déjà là et il faudrait passer une nuit de plus en mer parce que c’est un mouillage délicat qu’il faut aborder en plein jour pour y voir clair, ça ne le tente pas, en même temps le vent fait ce qu’il veut et il n’existe pas encore de bouton pour programmer ce qu’on souhaiterait, je me demande si un jour l’être humain n’y arrivera pas quand on voit tout ce qu’on voit et qu’on sait ce tout qu’on sait …m’enfin, se lever à 6 heures quand on est sûr de rien …bon, debout.

On sort par la passe ouest, à savoir la passe de Uitoe, cap au 292, pas de vent, alors moteur … c’est mal barré pour arriver dans 3 jours aux Chesterfields… quoique, motivé, le capitaine pousse les gaz pour avancer à 7 noeuds, il espère du vent pour midi et continuer sur cette belle moyenne, l’avantage pour l’instant c’est qu’il n’y a pas de vagues pour nous ralentir ni pour nous rendre malades.
Longue houle de sud-est, mer d’argent, la houle se brise sur le reef, c’est l’avantage qu’il n’y ait pas de vent, on assiste à un spectacle merveilleux.

Je regarde de tous mes yeux, on pourrait se moquer et me dire que je n’en ai que deux comme les copains, mais c’est le regard qu’on porte aux choses et aux gens qui détermine le nombre d’yeux qu’on utilise, et il y a des yeux invisibles qui incrustent ce qu’on regarde en argentique dans le cerveau, cette fois on quitte vraiment la Kanaky, et je me rends compte que je m’y étais drôlement attachée, en même temps je m’attache à presque tout (je réfléchis pour voir à quoi je ne me suis pas attachée, c’est simple, c’est là où on n’est pas restés, dès qu’on reste quelque part, je m’attache)

une fois sortis du lagon, la mer est un lac

Plus tard le vent monte à 2,5 noeuds, la mer frissonne …


et puis 4,5 : des frissons partout !


à 7 noeuds, ça frise carrément, on assiste en direct-live à un cours pour connaître la force du vent en regardant la mer :


Le capitaine hisse la GV tout seul il ne veut pas de mon aide, il n’a que ça à faire et ce n’est pas avec 7 noeuds de vent qu’on risque grand-chose, en plus il trouve toujours qu’il a pris de la brioche et qu’il faut qu’il se dépense pour ne pas lâcher l’affaire, je le laisse se dépenser.

15h30, 5 à 7 noeuds de vent à 100 degrés, bâbord amure, on voit toujours la Kanaky, ce n’est pas qu’on n’avance pas, c’est qu’elle est grande.

Le soir on a 7/8 noeuds, on envoie le spi, parfois le vent pass à 12/13 et on avance à 6, c’est la gagne, mais le lendemain matin, 4/5 noeuds, on avance à moins de 3 … parfois à moins de 2 😳… si on avait seulement 200 miles à faire on mettrait le moteur qu’on se dit, mais il nous en reste 850 jusqu’en Australie, il vaut mieux être prudents et économiser la gazoline, vu notre vitesse et notre cap on décide d’aller directement sur Mackay sans s’arrêter aux Chesterfields qui rallongerait notre route de 50 miles et on n’en a pas besoin quand on voit ce non-vent et puis bon, une île de plus ou de moins après tout (la manière d’envisager les îles dépend de l’instant T) (je ne sais pas pourquoi on ne dit pas l’instant I) …

c’est mou

Et tant qu’on y est ça tombe encore, moins de 3 noeuds, et pis : ça refuse, on affale le spi et on essaie le génois … ça tombe encore, moins de 2 … on affale tout et moteur, doucement pour économiser la gazoline, on croise les doigts pour que le vent remonte, le GRIB le dit mais le GRIB est comme tout le monde, il n’a pas toujours raison, le capitaine se demande s’il n’y a pas une tornade qui nous arrive dessus en voyant un nuage au loin, il prend une douche sur la jupe et va se coucher, il a réglé le spi plusieurs fois cette nuit et est en dette de sommeil, il me laisse seule avec la tornade en vue, j’espère que ce ne sont que des traînées de pluie, ce le sont, le capitaine est un peu comme moi on dirait, la fatigue lui fait voir les choses un peu en pire.
Un avion de la marine nationale passe à ras du bateau, un falcon ! dit le capitaine, réveillé pour le coup, à peine le temps de se demander quel est ce sifflement que l’avion rase Cap de Miol dans un vacarme assourdissant, on devait vérifier sur internet si c’était bien un Falcon et puis on a oublié.
Au menu du soir, ça occupe de faire à manger : pâtes d’avoine et pak choï, le capitaine tire une de ces tronches à cette annonce, qu’est-ce que je vais encore lui faire avaler, j’ajoute dans un cri de liesse saucisse ! il se détend, il aime la saucisse, en plus on dirait des vraies pâtes dit-il en goûtant l’avoine, tout va bien.

Jour 3, samedi 8 juillet – 15/18 noeuds au travers puis 22/23, on prend un ris, la mer se creuse, peu agitée à agitée, on voulait du vent, on en a, pas pour longtemps.

Voyez comme le vent change la mer !

Jour 4, dimanche 9 – entre 2 et 8 noeuds au travers, après la nuit au moteur – plein d’oiseaux ! on a tout le temps de les regarder … et puis c’est facile de cuisiner parce que ça ne bouge pas, j’avais fait des courses sympas à Nouméa, y’a pas à dire, rien ne vaut la France pour la bouffe, voyons voir un peu ce que ça donne : salade d’épinard au poulet et croûtons faits maison (donc dans du beurre, le capitaine trouve que c’est bon, tu penses), salade de pommes de terre au saumon fumé, pâtes bolognaise sans tomates (l’acidité de la tomate ne lui réussit pas), alors je mets beaucoup d’oignons, riz au curry et lait de coco + crevettes, jambon et écrasé de pommes de terre, plat récessif s’il en est, confit de potiron, sauté de pak-choï etc etc … il se régale,

– je me régale dis !
Ça me fait plaisir.

Jour 5 / lundi 10 – sous spi, 13/14 noeuds, on avance à 5,5/6 en se déroutant un peu mais au moins on avance, le capitaine aimerait arriver jeudi et il nous reste 470 miles, faut pas traîner – le ciel ressemble à un champ de coton

J’ai mal à la tête depuis 3 jours, le capitaine me demande souvent si ça va et essaie de trouver une cause, c’est ce que tu as mangé ? Tu fais de l’hypertension ? Tu n’as pas assez bu ? Pas assez dormi ? Ça serait pas les gass d’échappement ? bin non on n’est plus au moteur depuis plus de 24h, tu as attrapé froid ? avec un petit sourire de commisération qui soulagerait la misère du monde à lui tout seul, c’est quand même pas de chance d’avoir mal au crâne pour une fois que la nav’ est plutôt cool ! Coolitude relative, le vent est instable, adonne ou refuse, le capitaine n’arrête pas de régler le spi (si ça se trouve c’est le spi qui me donne mal au crâne, voire l’idée même du spi), m’oubliant moi et mon mal de tête, il se met à tripoter les données du pilote parce qu’il trouve toujours qu’il ne réagit pas assez vite, il voudrait que le pilote anticipe

– mais comment veux-tu qu’une machine anticipe ? Comment elle ferait pour savoir les aléas des vagues et du vent ?

– Si ! elle doit enregistrer tout ce qui se passe et en tirer des conclusions pour anticiper !

C’est le genre de truc qui le met à cran, la question c’est est-ce que c’est possible un pilote qui anticiperait à ce point là ? c’est le cerveau du capitaine qu’il faudrait greffer au pilote, mais bon, comme d’hab quand il tripote les boutons du pilote sous spi, le bateau part sans y être invité, cette fois c’est au lof, je saute sur la barre en même temps que le capitaine qui, plus rapide que moi, récupère le bateau et me demande si j’ai eu peur, non réponds je, j’étais prête parce qu’à chaque fois que tu tripatouilles le pilote ça fait comme ça, tu vois, je fais mieux que le pilote, j’anticipe ! il rit.

Comme je m’instruis à sa source d’abondance, je demande au capitaine comment faire pour affaler le spi quand on est seul, il n’a pas trop envie de causer mais j’insiste, et là il me livre son astuce, prenez note : il faut glisser une écoute entre la GV et la bôme, ok ok … ouais ouais ouais …

– mais ? une fois que l’écoute est au winch et le spi bordé on ne peut plus l’enlever pour la passer sous la GV ! (Voyez comme je suis)(de suivre et non d’être, quoique)

– ébé tu en attaches une autre !

– aaaah !

– pourquoi tu voudrais affaler toute seule ?

Ça m’ennuie de le lui dire mais il faut bien :

– Au cas où tu tomberais à l’eau sous spi

– Mais tu te fais pas chier, tu coupes la drisse, l’écoute, le bras !

– ah bon ? J’y avais pensé mais je ne voulais pas te récupérer en te disant que tu n’as plus de spi !

– mais on s’en fout !

j’attends 3 secondes

– il vaut mieux que je les coupe dans quel ordre ?

Discussion, a t’on une chance de récupérer le spi si on coupe la drisse en premier (je sais bien qu’il voudrait garder son spi malgré tout)

– mais surtout, il faut faire gaffe que les bouts ne s’emmêlent pas en dessous

Ouais, je ne perdrais pas mon temps à vérifier ça plutôt que d’aller le repêcher, encore qu’il ne faudrait pas que les bouts s’entortillent dans l’hélice, on ne le dira jamais assez, si tu tombes à l’eau t’es foutu, pince-moi autant que pince-mi.

Jour 6 mardi 11 / re sous spi, avec 15 noeuds ça va, mais quand ça monte à 20/23 c’est tout de suite moins rigolo parce que quand le vent monte le bateau part au lof, le spi se met à claquer et le bateau à gîter, le capitaine saute sur la barre pour abattre fissa, quand je lui demande des explications sur le réglage du spi il s’exclame qu’il ne faut surtout pas lofer

– sinon ton spi il couche le bateau !

– naaaaaan ?! (Il veut me ficher la trouille)

– Bien sûr que si ! 150 m2 de voile ça te couche le bateau !

Autant vous dire que tintin pour réussir à faire une sieste, je serais à un doigt d’avoir à nouveau mal au crâne …

Le soir on affale pour être peinard la nuit, je baiserais les pieds du capitaine si je me laissais aller, génois tangonné, bien inspirés car le vent monte soudain à 25 noeuds, puis 27/28, ça se met à flotter et on finit même par prendre un ris, si on avait dû affaler le spi là dessous merci – la surveillance est de rigueur parce qu’on arrive près de la grande barrière de corail, il commence à y avoir du trafic, on a vu 3 cargos et 1 bateau de passagers rien qu’aujourd’hui, ça augmente les probabilités d’en encastrer un, on traverse le rail des cargos, il y en a un sur l’AIS, il est encore à 14 miles mais il avance vite ! Ça tient me bien réveillée, au moins maintenant je sais que même si le cargo semble très proche sur l’AIS, pas besoin de réveiller le capitaine en fanfare, on a tout le temps de voir venir, n’empêche que je suis bien contente de sortir du rail des cargos.

Quart de nuit
on traverse un rail de cargos

Jour 7 / mercredi 12
Ce n’est pas parce que maintenant on est à l’intérieur de la barrière de corail qu’on est arrivés, on a encore de la route mais ça devrait aller pronto avec 23/25 noeuds en vent arrière, génois tangonné, on se résous à prendre 2 ris à la GV et 1 ris au génois, on va trop vite alors il faut ralentir pour arriver demain matin

c’est ce qu’on appelle la mer du vent

Spectacle de bienvenue, une horde de dauphins vient jouer avec le bateau et dans les vagues, ils se laissent porter par les vagues comme des bodyboarders et font des sauts de dingue, on est debout sur l’étrave avec le capitaine, parfois une grosse vague soulève le bateau qui monte vers le ciel, et déferle devant l’étrave, d’une beauté à pleurer, la mer est verte, on voit qu’on a passé la barrière de corail et que les fonds ne sont plus aussi profonds, à l’heure où je vous écris on n’a que 77 mètres de fond, ce n’est pas du tout la même mer qu’au grand large mais ça bouge autant, les vagues sont serrées entre elles.
Je raconte au capitaine que cette nuit, même si ma raison me disait que les cargos étaient loin, je faisais des calculs pour voir s’il y avait des risques, parce qu’en regardant l’AIS ils paraissaient tellement proches, n’importe qui me dirait mais ouiiiii, c’est tellement ça ! moi aussi ça me fait ça, toi être humain, moi être humain, nous se comprendre !

Le capitaine : t’as qu’à changer d’échelle et ça s’éloignera
Voilà voilà, moi être humain, toi marin, de pied en cap (de miol).

Quand il a traversé l’Atlantique en 82 avec son pote Henri, ils n’avaient ni GPS, ni pilote automatique (enfin ils en avaient un pourri qui ne marchait que par petit temps et selon son bon vouloir) et encore moins d’AIS, ils ont barré la plupart du temps à mains nues, et toujours au sextant et à la caboche pour faire les calculs sans se tromper, ça me semble totalement infaisable, il faut être zinzin,

– Je pense que c’est grâce au pilote automatique qu’il y a plus de monde qui fait des grandes traversées maintenant, dis-je, convaincue

– plutôt le GPS je dirais

Où l’on voit que ça lui avait plus coûté de se demander où ils se trouvaient sur la planète que de barrer.

Comme je n’ai pas beaucoup dormi la nuit précédente, je le préviens que je vais m’allonger, à peine me suis-je jetée comme une perdue sur la couchette que le capitaine hurle en tapant sur la casquette du cockpit isaaaaaa ! Baleiiiiine ! Je bondis, baleine ! Je remonte la descente fesses à l’air pour ne pas manquer ça, et je la vois, énorme, gigantesque, diplodocueste, qui saute hors de l’eau en venant vers nous et fait jaillir des monstrueuses gerbes d’eau en retombant dans l’eau, et qui saute encore, elle avance à une vitesse folle, quelle puissance ! Tout de même ma gorge se serre parce que si jamais elle joue au poisson volant et vient sauter dans le bateau, on sera mal, je prends mon portable mais une vague fait basculer le bateau et la bôme coupe ma prise, elle continue son chemin et ses bonds, un jour j’investirai dans un appareil photo de pro avec un téléobjectif de pro que je grefferai sur mon front pour avoir des photos de pro instantanées (à ce moment de mon récit je dois avouer que je n’ai toujours pas utilisé ma pseudo go-pro parce que je n’arrive pas à l’attacher et je n’ai pas trop étudié le mode d’emploi, mais je vais m’y mettre)

Comme on ne voit rien je vous ai fait un arrêt sur image quand elle commence à sortir de l’eau, quelle poisse que cette vague qui m’a fait rater ma prise de vue !

17h47 de Nouméa : Terre ! On voit la terre ! A peine mais c’est elle, pour fêter ça je prépare une tisane et pendant que nous la sirotons dans le cockpit je vois une immense gerbe d’eau à l’horizon, baleine ! Baleine ?… rien ne se passe, et puis si, on la voit qui saute à la verticale, l’horizon c’est loin mais elle est tellement énorme qu’on la voit comme un cargo, et puis juste derrière le bateau passe la queue d’une autre, ton appareil ! Ton appareil ! Mais on aura beau guetter encore 1 heure, le spectacle est terminé
25/28 noeuds, 3 ris dans la GV et génois roulé, on avance encore à plus de 7 noeuds, on a 1 noeud de courant portant, ça nous pousse.

Nuit, déjà, nuit, encore, nous veillons car il y a des cargos partout, le jour n’est pas encore levé, je me réveille car le bateau est secoué dans tous les sens, le capitaine manœuvre comme un damné dans le cockpit, on passe sous un grain et il n’y a plus d’air, par contre la mer est bien agitée, les vagues claquent sur la jupe parce qu’on n’avance plus et que ce n’est pas facile de manœuvrer quand le bateau n’avance pas, une fois bien rincés par le grain, le vent remonte et on peut continuer vers l’entrée du chenal en laissant la horde de cargos derrière nous, le jour pointe et je fais le petit déjeuner, des œufs, des crêpes, quand on ne dort pas assez il faut manger !


On approche de Mackay

Direction marina de Mackay, on va aller sur le ponton d’accueil qui est aussi le ponton de gasoil, avant nous y arrivons au ralenti, ça vaut mieux, le ponton est perpendiculaire au vent, voilà le choix qui se présente : soit d’être écartés du ponton par le vent si on se gare ponton à bâbord, soit d’êtres poussés sur le ponton par le vent si on se gare ponton à tribord, le capitaine ne veut pas abîmer la bateau, on (il) choisit de s’amarrer par bâbord, il veut que je barre pour aller lui-même mettre les amarres, je refuse catégoriquement, avec ce vent je serais fichue d’aller me foutre contre la digue, le capitaine me couvre de recommandations et s’approche du quai, je tiens la garde bien serrée dans ma petite main et j’attends que le bateau soit assez prêt du quai pour sauter, saute ! Saute isabelle ! j’attends encore, mais SAUTE ! SAUUUUTE !!! là d’accord, je peux, je saute, manque de m’étaler de tout mon long tellement le quai est bas par rapport à d’habitude, c’est le poste de gasoil qui récupère ma chute, le capitaine crie déjà que je dois mettre la garde sur telle bitte, je cours bras tendus mais c’est déjà trop tard, déjà le bateau a avancé, bordel il va finir dans le mur, je galope vers une autre bitte pendant que le capitaine gueule va à l’avant ! alors je balance la garde autour de la bitte la plus proche et fonce vers l’avant , à l’arrière ! Va à l’arrière ! Vite ! demi-tour en faisant crisser les pneus, j’attache l’amarre arrière, ça grommelle à bord, le capitaine finit par sauter sur le quai et nous finissons d’amarrer le bateau, je le préviens qu’il est trop loin du quai et qu’on ne pourra pas remonter à bord, comment on va faire ?! on se met à tirer sur les amarres pour le rapprocher suffisamment et ça demande de l’huile de coude parce que le vent est fort, c’est bon on peut remonter à bord, le capitaine me tombe dessus et me fait la leçon sur l’amarrage, je lui dis que tout va très vite et qu’il me donne des ordres auxquels je n’ai pas le temps de répondre avant qu’il m’en donne d’autres, que ça va plus vite d’ordonner que de faire et que j’ai perdu du temps à presque me casser la gueule sur le quai et que pourquoi râler puisqu’on est amarrés, on peut se calmer, non ?

Le GPS nous positionne bien au ponton de gasoil, les zigouiguis jaunes c’est quand on a affalé la GV, remonté l’hydrogénérateur et mis les pare battages et les amarres, ça prend son temps et on a attendu d’être au calme pour faire tout ça

Il se rend à la capitainerie pour prévenir de notre arrivée et revient, on doit attendre la douane et la bio-sécurité, un autre voilier, Champagne, vient s’amarrer de l’autre côté du quai, trop facile pour eux parce que le capitaine s’en occupe après qu’on lui ai lancé les amarres, ils mettent des pare-battages tout le long de leur tribord tellement le vent les colle au quai, puis ils attendent, comme nous.
La nana de la bio-sécurité passe nous prévenir qu’elle nous laisse déjeuner avant de faire sa visite, afin qu’on mange ce qui nous reste au lieu de jeter, je lui demande si il faudra jeter ce qui est cuit, flûte, en Australie ils nous font jeter même les légumes cuits, j’ai gâché du bon gaz pour rien, en plus elles sont dégueulasses ces endives cuites, je les balance et je fais des œufs, sinon ça sera poubelle, les œufs aussi ils les balancent.
Elle revient plus tard et inspecte tous les placards et le frigo, clame à plusieurs reprises que le bateau est drôlement propre même dans les coins (je récupère des points auprès du capitaine) et puis deux nanas de la douane se pointent, l’une d’elles râle parce qu’il n’y a pas de marche pour monter sur le bateau et qu’il faut lever la jambe bien haut et se tirer à bout de bras pour se hisser (alors tu vois bien comme c’est haut que je te l’avais dit !), les deux douanières comme celle de la bio-sécurité sont de sacrés gabarits, 1m80 tranquille et 80 kilos tranquille, je me demande si les australiens ne mangeraient pas trop de bœuf aux hormones, paperasses dans tous les sens, signatures, consignes en tous genres, le capitaine retourne à la capitainerie et revient avec des badges et une place attitrée, tu crois que t’es tranquille mais t’es jamais tranquille, maintenant il faut aller se garer à notre place, c’est pas de pot on sera amarrés sur notre tribord donc il faut changer les pare-battages et les amarres de côté, pendant que le capitaine barre prudemment vers la dite place, je mets tout de l’autre côté, le capitaine a choisi une place pour que le vent nous éloigne aussi du catway, il n’a pas envie d’entendre toute la nuit le bateau couiner contre les pare-bat’ écrasés contre le catway … on approche de notre place, le capitaine insiste pour que je prenne la barre, même pas en rêve

– Nan mais t’as vu ! La place est toute étroite entre le catway et le gros bateau à moteur !

Dont le moteur énorme dépasse loin derrière, un coup à s’encastrer dedans. Mais ça serait mal connaître le capitaine, qui réussit comme un chef à se glisser juste dans la place, il faut sécuriser vite car le vent nous pousse sur le gros bateau à moteur, j’ai sauté sur le quai et passé la garde de travers sur la bitte au milieu du catway parce que je vais trop vite parce qu’on me crie déjà d’aller à l’avant, pendant que j’attache l’amarre avant on (on !) me crie d’ALLER DERRIÈRE alors je me dépêche et cours derrière parce que le vent pousse le cul du bateau vers l’énorme moteur sus-décrit, le capitaine a sauté sur le catway et me donne des ordres dans tous les sens, râle que je n’ai pas assez tendu l’amarre avant, ça fait un peu trop pour moi alors j’ose

– ah mais ça commence à bien faire ! Merde ! tu me fais chier !!! (Putain ça soulage)

Je remonte à bord à la recherche d’un couteau pour lui crever un œil (mais non enfin ! ne croyez pas tout ce que je vous raconte ! je remonte à bord pour le fuir lui et ses ordres et ses reproches, je le fuis !), il se renfrogne et décide de ne plus rien me demander puisque c’est comme ça, il peut très bien raccourcir l’amarre avant tout seul pour rapprocher le bateau du catway puisque je suis trop conne pour l’avoir fait comme il faut et qu’il faut bien me montrer comment on fait les choses parfaitement, il tire sur l’amarre, et ah, tiens, il ne se passe rien … bon …il tire plus fort … rien … qu’à cela ne tienne, il s’arc-boute et veut ramener le bateau de toutes ses forces … que dalle, le vent souffle trop fort, il n’y arrive pas plus que moi et moi ? Est-ce que je crie et tempête et fais de grands signes à l’encontre du ciel qui m’est témoin ? voix du capitaine qui me parvient :

– passe la marche avant et avance le bateau (il ne crie plus et oserais presque le s’il te plaît) (c’est encore un peu tôt pour lui)

Je m’exécute et ensemble nous réussissons à amarrer le bateau comme le veut le capitaine, à savoir parfaitement, on est coincés bien serrés entre le bateau à moteur et le catway, mais là on peut souffler, le capitaine est tout contrit comme à chaque fois qu’il perd son calme et que j’en fais les frais, il arrive près de moi, me dit qu’il est désolé, qu’il était inquiet parce qu’il avait peur que je me fasse mal en sautant sur le catway (mais prends moi pour une brêle !) que j’ai bien fait tout comme il fallait, qu’il est désolé de m’avoir fait de la peine parce qu’il voit bien que ça me fait de la peine, bon, ce n’est pas grave après tout, et je n’aurais rien à vous raconter sans ces épisodes épiques, parce qu’en live c’est vraiment épique.
On range le bateau et on s’en va poser le pied en Australie.

Mackay, Australie donc, en plein hiver, il fait assez doux dans la journée mais le vent est frisquet et on supporte grandement une polaire, les nuits sont plutôt fraîches et on a même mis 2 couvertures une fois parce qu’on avait froid, à part ça que dire de Mackay … pas grand chose, on loue une voiture pour aller faire des courses parce qu’il n’y a rien près de la marina, même pas une boulangerie, et en priorité trouver une carte SIM avec de la data, j’ai lu que c’était Telstra le mieux donc on cherche un magasin Telstra, il y en a deux, dans 2 zones commerciales, au premier magasin ils nous disent de revenir dans deux heures et notent mon nom sur une liste, impatient le capitaine me drive dans l’autre, là c’est une liste en attente de 3 jours, on revient dare-dare dans le premier pour l’heure prévue, c’est bon, ça nous a fait visiter Mackay : pas vraiment de centre-ville, du moins comme nous les connaissons en France, une église sans âme, des rues désertes parsemées de pavillons en bois derrière des carrés de pelouse, des zones commerciales interminables et des centres commerciaux énormes et remplis de monde, beaucoup d’hommes avec des grandes barbes et des ventres qui leur empêchent de voir quand ils font pipi, beaucoup de femmes en surpoids, presque toutes en leggings, tee-shirts et savates, très peu voire pas d’élégance, ce n’est pas moi qui relève le niveau encore que j’aie passé mon bermuda rose qui plaît bien au capitaine parce qu’il est près du corps, le capitaine aime le moulant qui dessine les formes alors que j’aime être à l’aise et déteste ce qui engonce, je comprends la mode australienne si tant est que ce soit une mode, c’est plutôt un way of life qui me fait grave penser à l’Amérique, les gens sont simples et directs, pas de chichis, les bistrots et terrasses qui nourrissent le peuple de fish and chips et de hamburgers sont pleins, ce premier contact me fait dire que l’Australien de base est brut de décoffrage, ça nous sera confirmé plus tard au fil de nos rencontres quand nous papoterons avec des groupes de jeunes français venus travailler dans les mines de fer Australiennes ou dans les fermes pour des récoltes diverses, ou encore comme serveurs dans des bistrots, c’est clair, c’est brut…
Nous n’avions pas l’intention de rester à Mackay et rien ne nous y retient, le frigo étant rempli nous quittons la marina pour commencer une longue remontée le long de la côte Australienne, à l’intérieur de la barrière de corail.

De Nouméa à Mackay
La marina de Mackay la nuit c’est bien joli

Ne perdons pas les saines habitudes ! voilà un petit plus pour les non-marins :

  • L’état de la mer est la description de la surface de la mer soumise à l’influence du vent et de la houle. La terminologie associée a été normalisée par les services de météorologie maritime pour fournir aux navires et aux installations situées en mer une information qui puisse être utilisable. Pour l’instant je ne suis allée que jusqu’à la mer forte et je peux dire que ça me suffit.
  • Il est dit de la mentalité australienne que l’Australien est très optimiste et plein de bonne volonté, que les Aussies sont de nature plutôt avenante, qu’ils parlent facilement à tout le monde, ne volent pas, ne se regardent pas de travers, ne s’énervent pas sur les autres et ne passent pas leurs journées à critiquer le voisin ( mais qui fait ça ?!). Il est également dit que les australiens sont passionnés par le sport, bon, on n’a pas dû voir les mêmes …

Publié par isabelle centre tao

Je suis thérapeute, conférencière et formatrice en Médecine Traditionnelle Chinoise MTC, j'ai fondé la chaîne du Centre Tao sur YouTube pour que vous puissiez apprendre le langage de votre corps et de ses énergies, vous rééquilibrer et vous soigner avec la MTC (diétothérapie, plantes, points d'acupuncture et plein de trucs magiques) en m'adressant particulièrement aux femmes et en leur destinant plusieurs de mes formations. Aujourd'hui je me lance dans une nouvelle aventure : découvrir les plantes du monde destinées aux femmes lors des différentes étapes de leur vie, afin d'aider toutes les femmes, où qu'elles soient, car même si la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise est la plus riche de la planète, il existe partout dans le monde des plantes qui peuvent traiter les douleurs de règles, l'infertilité, les problèmes liés à la grossesse ou à la ménopause et aider les femmes qui n'ont pas accès aux plantes de la Pharmacopée Chinoise. J'ai décidé de faire ce blog pour vous faire vivre cette aventure, et je vous raconterai aussi bien mon quotidien sur le bateau et dans les différents mouillages, que mes rencontres d'herboristes, sorcières et sorciers, chamanes, tisaneurs et all these kinds of people !

10 commentaires sur « Vers l’Australie »

  1. Excellent récit entre la nouvelle Calédonie et Mackay. L’Australie n’a pas changé. En 1968 lors de ma premiére escale a Sydney le controle sanitaire battait son plein. Dés l’attérissage séance d’insecticide en cabine durant 1h…..et ensuite passage dans un long tunnel ou il y avait de la paille humide qui devait contenir un désinfectant puissant qui te nettoyais le nez et les sinus en plus du reste.
    Quand à la douane il fallait pas sortir le sauciflard ou la boite de paté.
    Dans le récit le capitaine a eu chaud , c’était presque ce qui est arrivé a Bligth sur la Bounty.
    Bonne continuation et grande prudence. Merci à vous lire.
    Amicalement jacques Salvetat

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  2. Je pense souvent au Queensland chéri où tout est BEAU, les Bleue Mountains, l’architecture bois, Brisbane, puis Sydney, Darling Harbor, toutes les îles de la baie ET la plage des surfers avec des sportifs au corps sculpté par la planche qui s’envolent par dessus les vagues 🌊
    Vivement un retour la bas et d’autres états à la splendeur incomparable, et des Australiens adorables.

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  3. Hello Isabelle
    Juste bravooo Femme soleil c’est sûr!
    J’adore ta façon d’écrire et de témoigner. C’est vivant, je peux même sentir les embruns, l’écume, ou l’immobilité de l’air.
    L’éclat du soleil et la dose de courage et d’ouverture et d’adaptabilité dont tu uses quotidiennement.
    A tout bientôt

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  4. J’adore ! En plus je prends des notes pour quand on le fera (si on y arrive, je croise les doigts !). Et ça me rassure aussi sur la capacité à supporter les sautes d’humeur / états d’âme / ronchonneries… de nos capitaines respectifs. Je pense qu’on a toutes un peu les mêmes 😉 !
    Bises, à très vite en France !

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  5. Bonjour Isabelle, et merci pour ton message et ton esprit de corps 😄
    Mon capitaine me fait te dire que si vous voulez des tuyaux ou avez des questions, il ne faut pas hésiter à lui demander et à s’appeler au besoin, car les capitaines ont un coeur derrière cette cuirasse en croûte de sel, il faut bien le reconnaître 😉 Bien des bises à toi et à ton capitaine !

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  6. Oh merci Carmen, ça me fait très plaisir que tu aimes mon style, style que tu connaissais un peu par ailleurs au vu de ce que nous avons partagé … je me souviens avec beaucoup de bonheur de ces partages d’ailleurs, ils font partie de toutes les chances que j’ai eues jusqu’ici 😘

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  7. Merci pour vos commentaires Jacques, ça m’intéresse beaucoup, je ne pensais pas que les contrôles sanitaires étaient déjà en place de cette façon en 1968, à se demander comment le Covid a pu passer les frontières plus de 50 ans plus tard ! Bien amicalement, isabelle

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