On reprend la mer

le port de commerce de Marsden Cove qui s’éloigne

Il fallait partir tôt, c’était dit, on part à 15h, mais pour une fois nous avons une circonstance atténuante de taille, Andrew, le gars des customs qui doit nous faire les papiers de sortie, nous a donné rendez-vous à 11h30, tu m’étonnes, c’est dimanche et il veut faire la grasse mat’, on ne peut l’en blâmer, ça m’arrange, je vais pouvoir dormir en conséquence, parce que partir pour une semaine de nav’ après 5 mois de vie terrestre, si je pars déjà crevée, je vais être malade aussi sûr que 2 et 2 font 4. Mais Andrew a donné un autre rendez-vous à la même heure, un peu brouillon l’Andrew, on passe après les autres, ce brave Andrew nous donne son numéro de téléphone pour l’appeler en mer si on a une merde, c’est gentil mais pas rassurant, pourquoi aurait-on une merde ? qu’est-ce qu’on me cache ?! … il est plus de 13 heures quand on le quitte, ce qu’il y a comme paperasses à faire c’est hallucinant, le capitaine a même dû fournir une photo de Cap de Miol qu’Andrew a imprimée, comme si le numérique n’avait pas été inventé, nous voilà au bateau, l’heure fatidique pointe mais il est déjà temps de manger, alors on mange, c’est sacré, on range, je cale tout dans le bateau, maintenant je sais bien caler tout, je bourre même des sachets en plastique en boule pour bloquer des Tupperware (qui n’en sont pas) dans le frigo, j’ai préparé pas mal de trucs à manger parce que ça va bouger, je suis prévenue, le capitaine a dit qu’on va se faire branler, je calcule in petto qu’il y a donc 3 niveaux de secousses d’après lui : niveau 1) on va se faire chahuter, niveau 2) on va se faire brasser, et niveau 3) on va se faire branler … j’évite d’y penser, je n’ai pas trouvé mieux que cette astuce de ne pas penser, c’est salvateur et je note avec une satisfaction non dissimulée que j’y arrive parfaitement, c’est sûrement génétique, XX je présume.

Bien, il faut préparer les amarres pour partir, je peux vous dire que l’amarrage est une science franchement pointue, je m’en réfère à qui de droit :

– qu’est-ce qu’on fait alors ?

– à toi de me le dire… réfléchis

Réfléchis, réfléchis, il en a de bonnes … je lève le nez vers la girouette, le vent est assez fort et vient de tribord :

– On enlève les amarres bâbord

– c’est bieng … et après on fait quoi ? (ma participation active l’encourage à me pousser dans mes retranchements)

Une fois lancée dans la réflexion, ma cervelle chauffe et ça va tout seul (pas toujours) :

– on laisse la garde, mais si on enlève l’amarre avant, le bateau risque de pivoter et de taper le poteau à bâbord, et si on enlève l’amarre arrière il risque d’aller taper l’autre bateau (on est fichu)

Le capitaine, toujours sur le ponton, balaie la scène d’un seul regard et tranche : ôte les amarres bâbord … aussi la garde … et vire les amarres tribord …

– hum hum … le bateau va partir si on fait comme ça (je n’aurai plus qu’à agiter la main pour dire au revoir au capitaine)

– c’est bon, je tiens le bateau

Alors, je ne sais pas si cette manière de faire est très orthodoxe, mais le capitaine retient le bateau à mains nues, oui mesdames messieurs vous oyez bien (du verbe ouïr, mais ce n’est pas ouïssez, c’est oyez, j’ai vérifié) (ça me donne envie de demander au capitaine s’il m’oit bien lors de la prochaine manœuvre, pour mettre de l’ambiance, est-ce que tu ois ce que je te dis, dis est-ce que tu m’ois), à mains nues, vas-y mets les gass ! Ma confiance en ses ordres est née de ces longues heures, que dis-je, de ces longs mois de compagnonnage marin, même si, en mon for intérieur, j’entrevois les pires séquelles lorsque le dit ordre m’apparaît comme tiré par les cheveux voire totalement dénué de bon sens, je mets les gaz, le bateau commence à avancer, le capitaine le pousse un peu (mais saute, bordel !), pousse encore, encore, un peu plus … et saute enfin dedans à mon grand soulagement, prend la barre, je bondis pour repousser le poteau en bois sur lequel on arrive, c’est pas grave, laisse ! ah bon, on glisse dessus mais le bois c’est mou, et voilà, on s’éloigne dans le chenal, j’ai le cœur bien gros comme à chaque nouvel adieu, mais plus gros ici que dans moult autres endroits, ici je m’y verrais bien vivre, même s’il y a trop de vaches et d’opossums …

on est protégés dans la baie, c’est bien pour se réhabituer au flottement du bateau (j’ai oublié de ranger les pinces à linge)

Le capitaine a décidé de partir en ce dimanche 23 avril car le vent a tourné au sud grâce à une grosse dépression, si on était parti plus tôt, outre une météo de merde, on aurait eu le vent de face, de quoi vous dégoûter à vie de la plaisance (plaisance : navigation pratiquée pour le plaisir), là on est gâtés, on a une météo de merde mais le vent dans le cul.

Mais on va devoir faire un détour pour ne pas tomber dans le gros de la dépression, 45/50 nœuds établis prévus, je suis bien aise que le capitaine préfère rallonger la route que de foncer dans la porte de l’enfer :

le vent va dans le sens de la dépression et pour le coup ça nous arrange

Vendredi ça se calmera mais ça sera encore venteux :

Tant que nous sommes abrités par les côtes de la NZ, c’est tranquille car la mer ne chahute pas trop, mais une fois le Cap Reinga dépassé tout au nord, la danse commence, on passe le lundi avec un vent de travers qui gambade de 26 à 43 nœuds, la nuit suivante c’est du 35/40 nœuds, toujours au travers, mer formée comme on dit, 3 ris et trinquette, pour se réamariner il y aurait mieux, je ne pensais pas que le corps humain pouvait fabriquer autant de bile en 24h … Le capitaine n’est pas très vaillant lui-même, il râle, mal de mer = faiblesse, faiblesse = devenir vieux, c’est mal, moi il y a tellement longtemps que j’ai des faiblesses que je suis largement prête, lui il découvre seulement alors ça l’étonne, il se rebiffe, je ne sais pas si ça sert à ralentir quoi que ce soit, lutter, se débattre, c’est comme accélérer avant un feu rouge, tu dépenses de l’essence pour rien, je garde mes pensées qui ne valent que pour moi, ciel gris, mer grise, le capitaine se fout de ma gueule : alors tu ne fais pas de poésie sur la beauté des ciels gris ni sur l’albatros aujourd’hui ? (un albatros tournoie près du bateau et je m’en fous à un point, c’est dire)

Le jour suivant, d’une part on est au portant, d’autre part on n’a plus que 18/20 nœuds, la mer est plus calme et les estomacs aussi, tant mieux car je commençais à me déshydrater sérieux, finir lyophilisée sur un coin de couchette n’est pas une fin très reluisante, c’est plutôt le genre de fin qu’on se raconte l’air effaré entre marins qui s’enfilent du rhum au yacht club du coin, tu t’rends compte, c’est par Dieu pas possible, mais quel âge qu’elle avait, c’est con dis donc, tiens bois un coup à sa santé hahahaha, RIP …

En tous cas j’ai retrouvé le capitaine, il a sa tête de capitaine sérieux à la manœuvre avec l’œil partout, sa tête de capitaine qui réfléchit ardemment devant les fichiers météo, il ne fait pas semblant, et puis ses mains de capitaine, celles qui moulinent un winch, qui bordent une écoute ou qui lâchent un ris, je ne peux pas vous dire vraiment mais ce ne sont pas les mêmes mains que celles qui enfilent son fameux pull à col cheminée ou qui tripatouillent son téléphone, quand nous étions en France nous avons vu pas mal de monde et avec ce monde, eu différents échos de mon journal de bord, une amie s’esclaffe en visualisant la scène, ah oui ! Son regard noir derrière ses lunettes noires ! froncement de sourcils de l’intéressé dans ma direction, mais qu’est-ce donc que cette histoire de regard noir derrière ses lunettes noires, son copain surenchéri avec je ne sais plus quelle remarque en m’adressant un regard si lourd que s’il avait des lunettes elles tomberaient par terre, il a retenu une pique ou une autre, j’ai envie de lui fourrer un chiffon dans la bouche pour le faire taire, le visage du capitaine va finir par être tout agité de tics si ça continue à balancer mes tacles, mais par chance tout le monde ne retient pas la même chose, une autre fois c’est mon beau-frère qui me tance, il faudrait que j’arrête avec le couplet le-capitaine-est-génial-et-moi-je-suis-nulle (sourire en coin chez le capitaine, ça équilibre) et aussi, il, mon beau-frère depuis bien 40 ans dis donc, aimerait que je raconte la mer, le bateau, les gens que l’on rencontre, et que j’arrête de parler de moi, il m’a demandé si je tiendrais compte de ses remarques et j’ai répondu que oui, ce n’était pas un oui en l’air, en général je réfléchis avant de dire oui (en général), alors quand je dis oui je fais sinon c’est pas de jeu, d’ailleurs j’ai dit oui au capitaine pour le tour du monde exactement en date du 7 août 2020, je ne pouvais plus reculer vous comprenez, on ne dit pas oui sans impunité (j’avoue que pour certains oui il s’est avéré à la longue une date de péremption) (ça me travaille, mais la vie nous joue des tours)

Mais fi de cette philosophie à deux balles dont je suis friande, j’ai beau réfléchir, je ne vois pas comment parler plus de la mer et du bateau, je n’ai peut-être pas du tout l’esprit marin, pour moi la mer est calme ou agitée, il y a de la houle plus ou moins longue, elle peut être grise, bleue, verte ou indigo, il y a plein de ciel au-dessus, et le bateau est bien vaillant quand il rue dans les brancards et que je me tiens à lui comme une cow-girl à des rênes en plein rodéo, et je ne sais raconter que ce que je vois et que je ressens, et si je ne parle pas beaucoup des gens que nous rencontrons, c’est que nous n’en rencontrons guère, ça se limite à des discussions ponctuelles, c’est quel plan ton bateau ? il est en alu ? date de mise à l’eau ? d’où tu viens ? tu vas où ? …je dois dire que mes propres questions au capitaine sont d’un niveau que je juge supérieur, constatez par vous-mêmes :

– Pourquoi il faut reprendre de la balancine quand on ouvre la voile pour prendre un ris ? (ha !)

Ou, lisant un forum de discussion sur le fait de prendre un ris au portant :

– Dis donc, ils disent tous qu’il faut remonter au vent, mais quand on a 40 nœuds et une mer forte, c’est pire que tout ! (double ha !)

Le capitaine lève les yeux au ciel, on en a pris une tripotée des ris au portant, et sans changer notre allure d’un iota, on en a tellement pris au portant que quand il a fallu en faire au près je ne savais même pas comment faire, ça a bien énervé le capitaine, une fois calmé il m’a tout bien expliqué, je n’ai plus qu’à tout bien retenir, je me récite des enchaînements de manœuvres comme on apprend ses tables de multiplication…

Nous avons tout de même vécu quelques mondanités, une fois sur le hard stand de la marina de Marsden Cove on a bu l’apéro avec le gars du bateau d’à-côté, un kiwi qui parlait tellement vite que nous avons passé une soirée à l’écouter sans tout comprendre, nos mimiques enthousiastes et nos of course et yes it is l’encourageant sans mesure, le gars il passe sa vie à retaper des bateaux qu’il achète une bouchée de pain tellement ils sont pourris, il les refait de fond en comble et ensuite il navigue un peu, il les vend et il recommence, alors il a donné des tas de conseils très avisés au capitaine (qui parfois a du mal mais bon, il écoute) et qui lui a prêté du matériel efficace pour bricoler sinon je crois qu’on serait encore en NZ,  ou avec un couple d’écossais, charmants, ils parlaient un peu français et nous un peu anglais, suffisamment pour échanger des bases de civilités avant qu’un ange ne passe et ne finisse par s’attarder pour signifier la fin de la soirée (ils ont découvert et beaucoup aimé le Kombucha au gingembre) (et aussi le petit blanc français), et une troisième fois pour faire bonne mesure, invités à dîner, pas moins, sur le bateau d’un couple de kiwis, Graham et Jenny, fans d’un chanteur australien Guy Sebastian et du ténor aveugle, ils prennent carrément l’avion pour aller le voir en concert en Europe, ils nous ont mis les CD pour qu’on en profite, leur bateau c’est Elkouba, un bateau des années 70 qui a fait 2 fois le tour du monde et eu 7 proprios dont Lindsay Wright qui a fait un bouquin sur son périple au Spitsberg, toute une histoire, on a noté qu’il y a des gens qui achètent un bateau pour son histoire, moi ça ne me viendrait pas à l’idée, mais quand on est adulte et consentant on fait ce qu’on veut avec les bateaux n’est-il pas.

ils ont même gardé le spi

Comme je vous l’ai dit, nous faisons un détour vers l’Ouest de manière à ne se faire que lécher par la dépression, même si les coups de langue sont vifs, nous devrions donc, à l’heure où je regarde les appareils de nav, faire un cap à 305, or je note que l’on fait du 330 et que nous allons droit dans la gueule du loup, à 330 on s’enfonce dans la dépression, or le capitaine dort, il faudrait empanner parce que je ne peux pas abattre plus, je trépigne mais n’ose le réveiller car il a besoin de toutes ses facultés pour nous amener à bon port, quand il se réveille enfin je lui saute dessus avec un grand sourire pour masquer mon impatience à empanner, il trouverait ça louche :

– Alors, on empanne ?

– Tut tut tut claque t’il sa langue avec un signe de dénégation

Mon corps se tasse d’un bon vingt centimètres, si j’insiste il va me dire que je n’ai qu’à prendre les commandes, je souris de plus belle (l’autre jour dans une baie, on allait droit sur un sec, plein vent arrière, on n’avait pas envie d’empanner juste pour l’éviter et puis réempanner juste après, je propose alors au capitaine de slalomer en lofant et abattant alternativement pour incurver notre cap sans empanner, il plisse les yeux et, agacé, me jette un tu vas m’apprendre à naviguer maintenant ? sidérée, je lui réponds que bien évidemment que non, que je fais juste une proposition et à lui de me de dire si c’est une bonne idée ou pas, que où on va si on ne peut pas exprimer une idée sans se faire renvoyer dans ses filets, il finit par grommeler que ça s’appelle faire ça à la bretonne quand on veut contourner un obstacle en fonçant dessus et en manœuvrant au dernier moment, et puis c’est ce qu’il a fait, il a conclu qu’il ne savait pas pourquoi on dit à la bretonne) (une fois je lui ai dit que j’allais finir par ne plus lui poser de questions quand il me répond comme ça, mais il m’a dit que si, que je continue, alors je continue, c’est plus rapide que d’ouvrir un bouquin)

– mais tu as écrit sur ton journal qu’on devrait faire du 305 et …

– va voir combien on fait

– du 330 j’te dis … (je descends vérifier) …méaaaaah là on fait du 310 ! Mais tout à l’heure c’était du 330 ! je t’assure !

– ouais mais le vent tourne un peu plus Est, alors pas besoin de manœuvrer, on y va tout seul

C’est décidément lui le capitaine et il est tout sourire que je me sois faite avoir.

Vendredi, 25/30 nœuds, rafales à 35/38, mer agitée, houle d’est, cap au Nord, 3 ris, trinquette, le bateau nous secoue dans tous les sens au point que nous ne pouvons rien faire, on reste à l’intérieur pour ne pas se faire mouiller quand les vagues finissent dans le cockpit, je suis enchifrenée, ça me donne envie de colorier, c’est ça, j’aurais dû emporter des coloriages comme quand j’étais malade et que je gardais le lit quand j’étais petite, j’ai hâte d’arriver …

Samedi, moins de vent, mais encore très largement pour avancer et arriver ce soir à Nouméa, le capitaine me dit qu’il n’a pas envie de passer une autre nuit en mer, je suis d’accord.

au portant jusqu’au bout, tranquille !

On aurait pu faire une route plus Ouest pour être plus au calme, mais la dépression descendait au Sud (les néo-zèdes ont encore morflé) et si on avait été moins vite on n’aurait plus eu de vent du tout pour finir, et croyez moi sur parole, c’est pire de ne plus avoir de vent et de se taper 2 voire 3 jours de mer en plus.

Résultat, à 22 heures 30 nous entrons dans la passe de Dumbea, le capitaine pilote en se fiant à Navionics devant la table à cartes parce que la nuit est si noire qu’on n’y voit que dalle, je suis dans le cockpit et je l’alerte, il y a des collines et on va droit dessus, il finit par daigner sortir pour voir et hausse les épaules, elles sont loin les collines et on s’en fout, je ne suis toujours pas faite à la perspective en mer et toujours infichue de dire si ce qu’on voit est à 1 mile ou à 5, regarde la carte est le réponse systématique du capitaine à mes angoisses existentielles ou autres, la solution ultime qui panse les plaies et guérit tous les maux.

Arrivée à Nouméa …

13 miles plus tard, on est posés en bout du ponton C à la marina de Port Moselle.

C’est là qu’un vigile nous fiche sa lampe torche dans les yeux et nous demande ce qu’on fiche ici.

Alors ça, c’est bien la première fois que je vois quelqu’un se soucier d’une arrivée nocturne dans une marina, c’est bien notre chance, aveuglée je lui donne le bonsoir et lui explique que vu l’heure de notre arrivée nous n’avons pas eu la possibilité d’avoir quelqu’un en appelant la capitainerie, il y a des gens qui dorment monsieur, le capitaine prend le relai, le gars lui explique que nous aurions dû appeler le 16 et mouiller dans le mouillage devant la marina et attendre demain, demain étant dimanche attendre lundi, on sent gros comme un cargo chinois qu’il va nous faire déguerpir, le capitaine déploie tout son charme ce qui ne fait que rendre le vigile plus sourcilleux, on voit qu’il réfléchit rudement à l’intérieur et va jusqu’à entendre la voix forte et intelligible de son chef lui marteler de ne pas se laisser baratiner par le premier marin venu, j’ai un éclair de lucidité et apporte son portable au capitaine, il avait écrit à la marina qui lui avait répondu, nous sommes attendus dis-je en montrant les échanges d’emails, le vigile déchiffre laborieusement les mails tandis que le capitaine lui en explique les fondements et en rajoute une bonne couche en lui décrivant les affres de notre traversée depuis la Nouvelle Zélande, si ce n’est la raison, qu’au moins la pitié envahisse cette âme dubitative, enfin l’idée de quoi faire lui tombe dessus, il se décide à appeler son chef à la VHF, le son à fond, ça va réveiller toute la marina, grâce à cet échange d’emails le chef retrouve notre trace et donne son accord pour que nous restions là jusqu’à la visite phytosanitaire au bateau et qu’ensuite la capitainerie décidera de notre sort, le vigile attend encore longuement sur le catway jusqu’à ce que tout ce qui a été dit prenne un sens cohérent dans les tréfonds de sa boîte à comprendre, il s’éloigne enfin, d’un pas qui reste hésitant, il va se demander toute la nuit si rien ne lui sera reproché, dur métier, il est 1 heure du mat’, le capitaine a envie d’une bière, on est littéralement assommés mais on s’en partage une, glacée, qui fait mal là où elle passe et tellement de bien, une douche froide sur la jupe, une semaine sans douche je crois que ça ne m’était jamais arrivé, c’est encore meilleur que la bière, j’ai juste le temps de dire au capitaine que c’est bien, qu’il y a du boulot pour tout le monde après tout, et on s’endort comme quand on est tellement vieux qu’on s’en fout de mourir enfin.

Au bout du ponton, Nouméa

Lendemain matin, ciel bleu, c’est cool, on se dépêche de prendre notre petit déjeuner et de manger quelques uns des fruits qui nous restent (on n’a pas beaucoup tapé dans nos réserves il faut dire), ici c’est comme en Nouvelle Zélande, il ne faut rien apporter de frais, c’est une nana charmante qui se pointe pour le côté phytosanitaire (en NC on dit ça plutôt que biosécurité, très policé, trop NZ), elle nous pose à peine quelques questions, embarque le reste des fruits et nous accorde de garder les 2 steaks sous vide à condition que nous les mangions à midi, promis, et c’est tout, on aurait pu avoir des saucissons planqués dans tous les recoins du bateau, elle n’en aurait rien su, le capitaine dégote un pass pour entrer et sortir de la marina et s’en va débrouiller nos affaires pour obtenir une place officielle dans la marina pendant que je file découvrir Nouméa :

la musique c’est Ten years After : I’d love to change the world … pas pour rien que je l’ai choisie

Je m’ébahis d’avoir autant de chance quand je découvre du premier coup le quartier asiatique … tu parles, juste des magasins de tout à pas cher, valises à roulettes qui ne supportent aucun poids, pyjamas bébé qui peluchent au moindre courant d’air, ouvre-boîtes qui se tordent dès la première boîte et fleurs en plastique, pas l’ombre d’une échoppe d’onguents et autres poudres magiques, désolation, mais bon, c’est de la médecine kanak que je suis venue chercher ici.

Le soir venu, bien que nous ayons boooocoup de sommeil à récupérer, le capitaine m’emmène manger un morceau au Bout du Monde, tout est si bon après une telle nav’ que ça vaut le coup de se faire branler !

Dès le jour suivant, je commence à organiser le road trip que nous allons faire pour découvrir cette île et ses usages, l’odeur de mon cahier neuf me transporte à l’heure chaude de la sieste pendant laquelle je faisais des devoirs de vacances …

le capitaine m’a ramené tout ce qu’il a trouvé de cartes et de guides, y’a plus qu’à !

Il y en a tellement des choses à savoir !

  • El Niño et La Niña sont des caractéristiques du climat dans le Pacifique, j’en parle parce que le phénomène météorologique la Niña a touché à sa fin au début du mois de mars après une durée exceptionnellement longue de trois années, et c’est à cause de lui qu’il y a eu ce temps en Nouvelle Zélande, avec ces pluies diluviennes et le cyclone Gabrielle, entre autres. Explications : les alizés sont des « vents lisses », en ce sens qu’ils sont passablement constants. D’ailleurs, en anglais, on utilise l’expression trade winds (vents du commerce) pour les décrire, car compte tenu de leur stabilité, ces vents permettaient aux grands voiliers – comme les navires commerciaux des 18e et 19e siècles – une navigation plus sûre et plus stable, et, par le fait même, très profitable au commerce maritime. En convergeant vers l’équateur, les alizés poussent les eaux plus chaudes (les eaux de surface) vers l’ouest le long de l’équateur. Ces eaux s’accumulent donc vers l’Indonésie et le nord de l’Australie, et une vaste pente apparaît à la surface de l’océan. Cela provoque, à l’autre extrémité de l’océan (par continuité), une remontée d’eau plus froide, qui provient en grande partie des profondeurs, vers les côtes équatoriennes et péruviennes, et qu’on appelle aussi upwelling côtier. Lorsque les alizés prennent de la vigueur, l’apport d’eau chaude vers l’ouest augmente. Ainsi, l’étendue du courant plus froid près des côtes de l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale prend de l’envergure. C’est La Niña, la petite sœur d’El Niño. Inversement, lorsque les alizés faiblissent (voire tombent totalement), l’eau chaude accumulée vers l’ouest reflue vers l’est. Ce courant d’eau chaude vient alors s’étaler vers les côtes d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. C’est El Niño, le petit enfant, le petit enfant Jésus, car il atteint généralement son maximum vers Noël. Sachant que La Niña et El Niño altèrent les vents (près de la surface et en altitude) dans le Pacifique, et jusque dans l’Atlantique, il existe une relation étroite entre ces derniers et la fréquence et l’intensité des ouragans. En fait, cette perturbation du vent se fait surtout à la verticale en modifiant ce qu’on appelle le cisaillement. Le cisaillement décrit la variation de la vitesse et de la direction du vent avec l’altitude. Lorsque le cisaillement est fort, les bandes orageuses s’étirent et se désagrègent, et l’ouragan ne peut se développer. Un fort cisaillement freine donc la formation des ouragans. Durant un épisode de La Niña, la saison des ouragans est plus active dans l’Atlantique – le cisaillement est plus faible – et moins active dans le Pacifique (cisaillement plus fort). Avec El Niño, c’est l’opposé, soit une saison moins intense dans l’Atlantique et plus forte dans le Pacifique.
  • Vous prendrez bien un peu de Guy Sebastian pour l’apéro ? https://youtu.be/gKKvhA2-j6Y
  • Les cahiers de vacances ont été inventés il y a plus de 90 ans par Roger Magnard, représentant en papeterie installé en Creuse dans les années 1920. Ayant perdu de l’argent après la crise de 1929 qui avait bouleversé tous les marchés dont celui de la papeterie, et ne vendant rien pendant quelques mois juste avant les grandes vacances, il a eu l’idée de booster ses ventes pendant l’été en créant ces cahiers, avec l’aide de professeurs. Roger Magnard a créé ainsi sa maison d’édition. Les premières collections de manuels ont vu le jour après la guerre, avec notamment la méthode de lecture « Rémi et Colette » si ça vous dit quelque chose 🙂
comme quoi ça fait un bout de temps qu’on nous serine avec ça, sacré Roger
ça me rappellera toujours le i

La fin de la suite

on va s’en revenir par là

Ça sent déjà la fin de notre présence à Southland, il nous faut revenir sur Picton, l’ambiance n’est plus la même, je me sens comme quand on remontait de la plage vers le nord à la fin de l’été, l’école au bout de la route (en Simca 1000, rouge, les 4 mômes serrés sur la banquette arrière, poisseux, pas de clim’, papa et maman fumant allègrement, heureusement à l’époque ce n’était pas mauvais pour la santé, des bagages plein la grille de toit et tout un fourniment dans la remorque qu’on se trainait sur la nationale 7, l’exode)  ce goût de fin de vacances et de tout ce qu’on laisse de soi, on se pose dans un camping pas loin de l’embarquement des ferries …

ils font des trucs vachement ingénieux pour le camping ! mais la nana qui montait là-dedans n’avait pas l’air rassuré 😄

Nous réembarquons demain et aurons 2 jours pour faire Wellington-Auckland, c’est gras, nous devons rendre le camion vendredi à 15 heures au plus tard, le capitaine, prévoyant par nature, a arrêté le fait de rendre le camion dès l’ouverture du magasin, puis de filer à l’aéroport au petit trot pour prendre le bus jusqu’à Ruakaka d’où il appellera la marina pour que quelqu’un qui n’aura rien d’autre à foutre vienne nous chercher à la station-service qui fait office d’arrêt de bus, il a déjà acheté les billets de bus sur le net, prévoyant que je vous dis, moi je n’aime pas déranger alors je trouve qu’appeler un taxi c’est mieux, mais y a-t-il seulement des taxis à Ruakaka m’argument-brandit-il tout en regard persuadé, ça … mon portable vibre dans ma poche

– Oh ! un mail d’Interislander !

– I dit quoi ?

– Euuuuh …

– I dit quoi ?!

– Attends … i dit … que notre ferry …(je traduis poussivement au fur et à mesure de ma lecture) … est décalé ! au lieu de partir comme prévu à 2 heures du mat, ça sera à 14 heures … tiens, regarde, c’est bien ça ? Le capitaine confirme ma traduction, à nous deux on est imbattables.

Joie ! une heure d’honnêtes gens qui savent observer les lois de la civilité !

Lendemain, petit-déjeuner, nouvelle vibration, nouveau mail d’Interislander

– Bin crotte, notre ferry est annulé !

– Fais voir !

Le capitaine, l’expérience aidant, préfère vérifier mes dires, mais constate : notre ferry est annulé, on nous demande de ne pas venir à l’embarquement, on fonce aussi sec à l’embarquement, la gare est vide, pas un chat, je vais voir ce qui se passe à l’intérieur, trop de vent, trop de vagues, tous les ferries sont annulés :

Je trouve une hôtesse qui me propose un remboursement, que nenni que je me récrie, nous devons absolument, a-bso-lument tu comprends ! rentrer à Northland, we are french and we have a flight for Paris on Sunday lui mens-je effrontément, elle me sourit sur une façade de compassion incarnée, imparable, nous inscrit sur la liste d’attente, me dit de revenir demain à midi pour voir où ça en sera et me souhaite bonne chance, ça mange pas de pain, je retrouve le capitaine sur le parking et lui explique le topo, faisant contre mauvaise fortune bon cœur nous allons randonner autour de Picton pour finir en beauté, c’est la fête des herbes, fleurs, arbres et arbustes en tous genres, l’éclate, dans la forêt on aperçoit régulièrement des pièges à rats ou autres opossums, il est précisé qu’il est interdit d’y toucher, que seuls les bénévoles autorisés peuvent ramasser les bestioles prises au piège, entendez bien : de ces sales bestioles nuisibles ! que ça soit clair : de ces saletés vous comprenez ! la pitié n’est pas de mise, fourrez vous ça bien profond dans le crâne ! … ça me file une angoisse

– On fait quoi si on en trouve un dans un piège ?

– Euuuuh …

J’ai le don de lui poser des questions qui l’acculent

– J’sais pas (il a le don d’éluder) (il ne se laissera jamais acculer, foi de marin)

J’accélère mon pas pour me rapprocher de lui afin de fouiller le sujet, il faut se préparer à ce qu’on fera le cas échéant

– On ne peut pas laisser crever une bestiole dans un piège ! il faudra la laisser filer la pauvre !

– ….

– C’est inhumain !

– ….

– Je sais bien qu’il y a trop d’opossums et qu’ils sont nuisibles à ce point là, mais les humains n’avaient qu’à pas en rapporter ! ils en rapportent et après ils se plaignent ! ils éradiquent ! ils exterminent ! ils génocident !

– …

– Alors voilà ! maintenant c’est un pauvre opossum qui n’a rien demandé qui va être pris au piège et crever là-dedans ? (je me demande si son dos n’est pas en train de me dire de la fermer)

– …

– On le libère si on en voit un ?

– …

– J’espère qu’on n’en verra pas hein, on n’aura pas à choisir comme ça

– Oui (la sagesse a parlé)

Le dieu des isabelle a intercédé, pas de prisonnier, tant mieux, les animaux ne sont pas bêtes, ils ont compris le truc maintenant, c’est possible me répond le capitaine jamais à court d’argument-massue pour enrichir le débat sur des sujets qui lui tiennent à cœur autant que la confiture sur une tartine qui fait un vol plané.

Lendemain, jeudi, 8 heures, sommes dans les premiers véhicules à attendre un ferry qui pourra partir, on nous donne un badge d’attente en nous expliquant que tous les ferries sont pleins et que nous n’aurons pas de place, c’est fait pour se le mettre où le badge alors, à midi ça embarque mais au dernier moment, pile à la porte de l’embarcadère on se fait refouler ainsi que nos compagnons de fortune (le capitaine râle que je porte la poisse parce que j’ai eu le malheur de dire que les premiers à être refoulés devant l’entrée feraient une drôle de tête, je confirme), le ferry est blindé, on retourne aussitôt sur l’aire d’embarquement avec un nouveau badge d’attente, la journée s’écoule, papotages, échanges de vues avec les autres conducteurs, la nuit tombe, on est comme des cons, je vais prendre des infos dans la cahute de la nana qui lève la barrière, un néo-zélandais se plaint auprès d’elle du manque de communication, j’adhère, elle s’en fiche avec une application bornée qui confine à la prouesse, personne n’est fichu de nous dire quoi que ce soit à part que les ferries sont pleins, et puis à minuit tout ce monde là se réveille et nous fait embarquer dans un ferry visiblement affrété pour tous les camions en attente, qui dit camion dit marchandise, qui dit marchandise dit argent, alors pour eux on ajoute nuitamment un ferry, heureusement qu’on a attendu, à minuit il part avec nous à bord, on sera à Wellington vers 3 heures, ça va faire court pour avoir le bus du matin à Auckland…

presque personne !
le capitaine s’est aménagé un chouette petit coin et je lui ai filé ma polaire pur qu’il se fasse un oreiller et qu’il soit bien

Le capitaine réussit à dormir, moi rien du tout, on débarque à Wellington, je demande les yeux au milieu de la figure pour lui faire pitié si on se pose pour dormir un peu, comme de toutes façons on ne va pas foncer à Auckland tout de même ?

– Bien sûr que si on fonce à Auckland, et on rend le camion à l’heure ! t’as qu’à dormir, va t’installer derrière (avec un signe de tête pour me montrer la bonne direction au cas où je n’aurais toujours pas compris où ça se trouve derrière) (il n’est pas sujet à la pitié)

Même pas en rêve.

Le capitaine fonce, pied au plancher, rien à cirer de la limitation de vitesse, supputant avec hardiesse que les flics de Nouvelle Zélande ne sont pas plus zélés que les français pour surveiller les routes durant ces heures évanescentes, le jour se lève, on s’arrête au bord d’un lac pour dormir une heure, au bout de 40 minutes le capitaine saute sur ses pieds et rebondit sur le volant, Spiderman, anéantie je me traîne comme une limace jusqu’à mon siège et c’est reparti, il faut qu’on mange lui dis-je parce que si je ne dors pas il faut que je mange sinon je m’évanouis (il ne me croit pas, je m’évanouirais bien rien que pour lui montrer), on s’arrête dans un truc, oeufs-saucisses-de-je-ne-sais-pas-quoi-haricots-rouges-sauce-tomate-toasts, le capitaine cale, je m’enfile tout, repus nous reprenons la route, ça c’est du vrai petit dèj que j’explique au capitaine, il y a du brouillard sur la route, c’est joli, et puis des fumerolles comme à Rotorua, ça me semble si loin, plus on approche d’Auckland plus il y a de voies sur la route et de voitures sur les voies, à 14 heures on pile devant le loueur de camper-van, gagné !

On débarrasse le camion, par chance le capitaine avait pris son sac de plongée qui pourrait transporter un mort, on peut y fourrer toutes les affaires inutiles qu’on avait emportées au cas où, c’est vrai, sait-on jamais, et toutes les boîtes de conserve qu’on avait emportées par précaution, sachant que l’île sud n’est pas très habitée, et si nous n’avions pas trouvé de magasin pour acheter à bouffer dites moi, mais bon, on a trouvé tout ce qu’il fallait et maintenant il faut se coltiner les boites à rapporter au bateau, ça nous fera un peu de muscu.

le sac doit peser 40 kilos tranquille, et on avait même pris un bidon d’eau de 20 litres mais le capitaine a eu la bonne idée de le vider pour le ramener

Taxi, bus (achat de nouveaux billets, les faux-frais), taxi à Ruakaka parce que week-end et personne pour venir nous chercher, Cap de Miol est tout blanc, le gars chargé de le poncer jusqu’à l’os s’en est occupé durant notre absence, on remonte tous les bagages dans le bateau, on range, le capitaine a du boulot maintenant pour refaire l’antifouling, moi aussi j’ai du boulot, et après on partira.

à poil !

Le temps vient de remettre Cap de Miol tout rhabillé à l’eau :

c’est un job
super graphique cette photo !

Le capitaine se glisse sous le bateau pour finir de mettre de l’antifouling sous la quille qui était posée sur un cube de bois, il est confiant !

et voilà !

Il est prévu de rester encore quelques jours à la marina, parce que la météo n’est pas propice à un départ, mais alors pas du tout, on a un temps de chiotte, les coups de vent et les tempêtes s’enchaînent, il doit y avoir un paquet de ferries annulés qu’on se dit en se marrant comme des abrutis, en plus on aurait le vent dans la gueule, vraiment, il vaut mieux patienter, je fais des petites prières de remerciements en douce, des fois que le capitaine serait pris d’impatience et voudrait partir coûte que coûte !

Et à ce compte là, je continue d’aller à la chasse aux plantes !

Entre autres, il y en a tant et tant ! l’herbe à chevreuil c’est juste magique sous le vent

L’anniversaire du capitaine se passe, c’est Nouvel An ! qu’il clame en entrant dans le bateau, je ne sais pas comment je me suis débrouillée mais les ballons que j’avais gonflés ont tout dégonflé, ils pendouillent comme des bourses vides, je m’en désole auprès de lui, il me console, c’est charmant, c’est gracieux, c’est parfait, il n’aurait pas mieux fait, j’ai même trouvé des bougies, il est obligé de souffler, 1 an de plus, il s’en serait passé.

charmant, gracieux, parfait

On a aussi le temps d’écouter de la musique certains soirs, Richard Cocciante, Céline Dion, Brassens, Aznavour, on se pose des colles sur la date de sortie des morceaux, on va pouvoir s’inscrire à des quizz musicaux télévisés ! gagner tout un tas de pognon !

ça occupe

Sinon, il faut absolument que je vous montre ça, moi je trouve ça dingue, le capitaine, expert s’il en est, me précise d’un air goguenard que c’est toujours comme ça dans les marinas, je veux bien le croire, je l’ai déjà noté, et alors, en est-ce moins dingue pour autant ?

Là, je suis sur le ponton qui mène au bateau :

Et là, demi-tour sur le ponton, vers la sortie :

Vous avez vu ? bon, évidemment je n’ai pas pris les photos à la même heure, la photo du haut c’est marée presque haute, et la photo du bas c’est à marée descendante … jusque là, bon, mais ce qu’il y a de vraiment dingue, c’est que toute la marina, TOUTE LA MARINA, les pontons, les catways, les bateaux, TOUT ! monte et descend avec les marées, si on n’est pas observateur on ne se rend compte de rien, on marche toujours sur les mêmes pontons et on trouve toujours son bateau, il ne pendouille pas au bout de ses amarres, moi ça m’épate que voulez-vous, il y a eu des jours où on a eu 2,5 mètres de marnage, le capitaine me dit qu’à St Malo il peut y avoir jusqu’à 12 mètres de marnage lors des grandes marées, 12 mètres ! un puits sans fond !

ça bouge aux grandes marées à St Malo !

Et à part ça, qu’en est-il de la Médecine Traditionnelle Néo-Zélandaise s’il te plaît isabelle ?

La Nouvelle Zélande est le pays qui a été le plus tardivement découvert par les hommes, en l’occurrence par les Maoris au 13ème siècle (il y a des débats sur la date exacte, une fourchette allant du 11ème au 13ème siècle est évoquée pour ne pas se mouiller ) et tout au long du 17 siècle s’y sont succédés des explorateurs, des marins, des missionnaires, des aventuriers, et la colonisation européenne fracassante que j’ai déjà évoquée s’est occupée de civiliser tout ce petit monde en pagne et d’exploiter les ressources de ce pays magique …

pour bien vous représenter cette histoire de pagne

Bref, il est logique de constater que la médecine traditionnelle Néo-Zélandaise est la médecine Maorie, Te Rongoā Māori (que j’ai déjà évoquée lors de notre passage aux Marquises, je vous invite à lire ce bel article si vous aviez fait l’impasse) une médecine qui englobe autant le monde des esprits que le nôtre de chair et d’os, les maladies étant considérées comme des manifestations spirituelles d’un désaccord avec la nature (très taoïste ça). A noter d’importance importante : aujourd’hui, du fait des mouvements migratoires, la médecine et la pharmacopée chinoises sont désormais largement pratiquées dans les pays de l’Océanie. En Australie, les tradipraticiens aborigènes et les soignants de Médecine Traditionnelle Chinoise sont mis sur le même pied d’égalité et la Nouvelle-Zélande examine un projet de modification de sa législation sur l’assurance maladie afin de rembourser les soins de MTC à la hauteur de ceux pratiqués par les tradipraticiens maoris ou les médecins occidentaux. 

Ça c’est de l’ouverture d’esprit, de l’intelligence, de la vraie volonté de vouloir soulager les souffrances de notre monde, d’autres pays feraient bien d’en prendre de la graine méchant !

Praticiens de MTC Français, si vous cherchez une terre d’asile !

NB : Le Congrès de l’OMS sur la médecine traditionnelle qui s’est tenu du 7 au 9 novembre 2008 a adopté la Déclaration de Beijing sur la médecine traditionnelle. Le texte s’inscrit dans la continuité de la Conférence internationale sur les soins de santé primaires à Alma Ata selon laquelle «tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés».

Rhâââ, lovely !

je suis dans le groove et je ne le savais même pas !

Avant de partir de Nouvelle Zélande, un peu de botanique et de pharmacopée pour les fans … bien sûr oui, je m’intéresse surtout aux vertus thérapeutiques des plantes d’ici et de là, mais comment ne pas tomber en amour pour la moindre graminée, le plus minuscule brin de l’herbe, la fleur la plus éphémère, toute cette vie qui palpite au souffle du vent … dites moi comment si l’idée vous en vient d’un tel possible ?

Si je ne vous parlais pas d’elle, je serais maudite :

Ranunculus lyallii : LA fleur ! la plus célèbre fleur endémique de Nouvelle Zélande, le Lys du Mont Cook, la plus grande renoncule du monde.

Les vertus thérapeutiques des plantes du genre Ranunculus (qui comprend environ six cents espèces présentes dans le monde entier), sont larges, et je vous en ai déjà parlé d’ailleurs, la Renoncule du Japon (Ranunculus japonicus) est par exemple connue depuis 1800 ans pour traiter le paludisme, ou le bête bouton d’or (Ranunculus bulbosus), toxique donc attention, traite entres autres certaines maladies virales comme l’herpès, la varicelle ou le zona et est utilisée en homéopathie dans le cadre de maladies ORL et dermatologiques.

Je reviens à notre lys du Mont Cook  qui n’est pas du tout confiné à la région d’Aoraki/Mount Cook et n’est pas non plus un lys,  j’en verrai dans de nombreux jardins et parcs, elle est très ornementale.

J’ai beau chercher, je ne lui trouve pas d’utilité thérapeutique, elle pourra continuer à orner les flancs de montagne et les jardins sans finir dans une tasse en porcelaine ou un mug en terre cuite (pour mes 20 ans, je n’avais pas été sage, j’avais fait ce que je voulais alors papa et maman étaient fâchés, du moins l’ai-je pensé en ouvrant le petit paquet de mon anniversaire : un vase de 12 cms de haut en terre cuite, c’était signé, merci papa, merci maman, je rentre chez moi et décide de l’utiliser ce petit vase de bon cœur, après tout ce n’était pas de sa faute, j’y mets de l’eau et une fleur cueillie sur le chemin, on était fin mai, le lendemain matin mon vase était tout gonflé d’eau et bel et bien fichu) (n’empêche que celui là je m’en souviens alors que j’en ai oublié combien d’autres des cadeaux, fille ingrate ?)

La fougère noire de Mamaku (Cyathea medullaris) fougère arborescente noire (ce sont les tiges qui sont noires), non moins incontournable, est l’emblème de la Nouvelle Zélande et de sa célèbre équipe de rugby, elle est indissociable de l’histoire Maorie, autrefois elle servait de torche aux guerriers qui entreprenaient des raids nocturnes et depuis symbolise la Voie à emprunter pour ce que l’on entreprend.

Elle est reconnue pour stimuler le renouvellement cellulaire et a de ce fait des vertus cicatrisantes et un effet tenseur sur la peau, d’où son utilisation en cosmétique…

Il faudrait que j’essaie dis-je au capitaine en levant le nez de mes bouquins, foutaises ! tranche t’il de manière qu’il aimerait définitive, c’est mal me connaître

– tu ne crois pas aux vertus cosmétiques ? aux recherches dans le domaine ?

– nan … et dès qu’il y a le mot nouveau, je fuis

– ah moi j’aime bien le nouveau, il y a des progrès alors quand c’est nouveau c’est possiblement mieux !

– tu parles, nouveau : les crottes de pigeon font repousser les cheveux, et les gens foncent !

En voilà un qui ne se mettra manifestement pas de crottes de pigeon sur le crâne 😊

Le Kowe-kowe (Dysoxylum spectabile) : dans toute pharmacopée qui se respecte, il y a une plante qui traite les douleurs menstruelles, et bien de celle-là qu’il s’agit ! elle traite aussi les règles irrégulières et les désagréments de la ménopause, en outre elle aide à la perte de poids, elle réduit l’appétit et aide à brûler les cellules adipeuses, et c’est en plus un grand tonique, le seul hic est que l’infusion de ses feuilles est extrêmement amère … Les décoctions de ses feuilles et de l’écorce servent à traiter la toux. J’ai comme dans l’idée qu’elle va intéresser du monde 😉

Passons maintenant au Kauri (Agathis Australis) : en Médecine Traditionnelle Maorie, sa gomme est utilisée pour traiter les vomissements, les diarrhées et les troubles digestifs, ou on l’utilise en externe mélangée à de l’huile d’olive pour soigner les brûlures. Mais c’est surtout son historie qui me touche :

Les colons ont abattu massivement ces arbres pour leur besoin en bois, l’exploitation forcenée des forêts a quasiment éradiqué les kauris de Nouvelle Zélande, on estime que 96% de ces arbres extraordinaires ont disparu depuis l‘arrivée des colons … on parle de conscience écologique car l’abattage de ces arbres a cessé, pour autant ce sont des pinus radiata que l’on plante …

Le kawa-kawa (Macropiper excelsum) : encore un incontournable de la pharmacopée maorie, on utilise ses feuilles en infusion pour traiter les troubles digestifs mais également en tonique général.

Le Pohutukawa dont je vous ai déjà parlé, est le superbe arbre de Noël de NZ, et il n’est pas que décoratif, son écorce est utilisée dans des décoctions médicinales pour profiter de la présence d’acide ellagique, un antioxydant phénol naturel. La grenade et les oléagineux en contiennent également, tout comme les fraises, les canneberges (c’est pour ça qu’on nous dit qu’il faut manger des fruits et des légumes, la consommation d’antioxydants est fondamentale car ils contribuent à prévenir les maladies cardiovasculaires, les cancers et les maladies chroniques). L’acide ellagique est l’un des principaux constituants de nombreuses plantes à tanin, notamment Terminalia chebula et Terminalia belerica qui sont des ingrédients principaux d’un produit connu sous le nom de Triphala en médecine ayurvédique, qui aide l’organisme à se nettoyer et se régénérer. 

Le Kumarahou (Pomaderris kumeraho ), grâce aux saponines qu’il contient, produit une mousse naturelle nettoyante quand on frotte ses fleurs et ses feuilles dans de l’eau. En cataplasme ou en massage quotidien on soigne certains problèmes de peaux comme l’eczéma, l’herpès, l’urticaire ou les dartres. Les Maoris l’utilisent aussi en infusion dans le traitement des bronchites, infections urinaires ou calculs rénaux.

Et pour finir, bien que ça ne finisse jamais :

L’arbre à thé ou Myrte de Nouvelle-Zélande, ou encore Manuka (Leptospermum scoparium) est un excellent substitut pour le thé. Les feuilles doivent être infusée plus longuement que le thé, mais leur goût est considéré comme excellent.

On en fait également une Huile Essentielle de Tea Tree de Nouvelle Zélande ou appelée Huile Essentielle de Manuka, qui a des propriétés antibactérienne, antivirale et antifongique très puissante (20 fois plus que l’huile de Tea Tree sur certaines bactéries et germes) qui est utilisée pour traiter les abcès, furoncles, panaris, acné, boutons et autres mycoses.

j’en ai vu des tonnes, c’est fou tout ce qu’on en trouve !

Et puis un mercredi, le capitaine qui étudie les fichiers météo à s’en abrutir, déclare sans même lever son nez de la carte

– on part dimanche … on va se faire branler mais si on ne part pas dimanche on sera encore coincés 10 jours ici

Bon, on part dimanche, on ne peut pas prendre racine ici, dommage …

ah, là c’était dans le jardin botanique de Wellington !

La suite d’à suivre (si vous suivez)

C’est un peu comme en bateau, nous n’avons pas les moyens de rester bien longtemps là où nous passons, les moyens étant 1) du temps 2) de l’argent, car même si nous nous contentons de peu, en camper-van ce n’est pas le vent qui nous pousse et la gazoline a un coût comme tout, nous quittons donc Dunedin et ses albatros sans avoir vu plus de pingouins que de gare célèbre (en fait on peut, paraît il, y voir des manchots, mais on dit penguin alors je dis pinguoin) mais je suis du genre à me concentrer sur ce qui va arriver et il y a des destinations qui me font plus rêver que d’autres, c’est le cas de la prochaine et c’est … c’est comment déjà ? je m’y perds un peu avec ces noms insolites, quand je serai vieille je mélangerai tout et ça commence déjà, en tous cas on retourne vers les Alpes du Sud, côté Ouest, on peut se demander pourquoi on a fait un tel détour, mais il n’existe pas de route qui coupe de l’Est vers l’Ouest des Alpes du Sud, on doit rouler … ah ça y est : vers l’Aroaki ! il faut que je le retienne pour quand on jouera au scrabble car figurez vous que j’ai rapporté un jeu de scrabble et de dames sur le bateau, j’ai investi et pas qu’un peu, j’espère que le capitaine m’en saura gré et surtout que je le battrai à plates coutures quand j’inventerai des mots en lui affirmant les yeux dans les yeux qu’ils sont dans le dictionnaire et qu’il n’a qu’à vérifier s’il ne me fait pas confiance.

toujours de la route, des vaches, des cônes et des feux rouges en pleine cambrousse, des paysages sublimes, des immenses irrigateurs qui coûtent une fortune pour arroser toujours plus pour toujours plus d’herbe et toujours plus de vaches et toujours plus de lait (cf article précédent)

Aroaki donc, ou le mont Cook, le plus haut sommet de la NZ, 3754 mètres, qu’il faudra mesurer à nouveau parce qu’il gagne en centimètres chaque année puisque les plaques tectoniques continuent leur mouvement de lent chevauchement, est situé dans le parc national du même nom, il fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO, un parc sans forêt mais qui déborde de plantes, je suis comme un cochon-truffier qui vient de fourrer son groin sur le champignon de l’année à cette perspective, et en prime si on est sage et qu’on va jusqu’au lac Tasman, il est dit qu’on y on verra des icebergs, ceux qui se détachent du glacier Tasman qui fond et remplit ce lac formé au début des années 1970, il est plus jeune que moi ça me fiche un coup, que sont quelques malheureuses centaines de kilomètres en regard de ce qui nous attend !

Plus on approche, plus le temps se couvre, ce qui n’empêche pas le lac Pukaki de chatoyer d’un bleu turquoise même sous les nuages, je m’exclame que c’est parce que l’eau doit être si pure que même sans soleil il resplendit, il faut dire que je suis endoctrinée car j’ai lu que le lac Rotomairewhenua, qui fait partie des lacs Nelson et se traduit par  » terre des eaux paisibles « , détient le titre de lac le plus clair du monde et que la NZ détient le record de la source la plus pure du monde au Blue Lake Springs, ça fait plaisir quand on sait à quel point une grande partie de l’eau est polluée dans le coin, je ne sais pas comment ils s’y prennent pour mesurer ça, mais je suis soufflée par ce bleu :

c’est aussi le lac Pukaki en en-tête de cet article, ça valait bien 2 photos non ?
y’a plein de lacs

Mais la vie désenchante les contes de fées et moisit les cirés (mon ciré est tout moisi), cette eau n’est pas bleue de pureté mais de farine glaciaire, des particules de roche extrêmement finement broyées se mélangent à l’eau et lui donnent cette couleur caractéristique, j’en fais amèrement part au capitaine qui ne se rembrunit pas, tout lui convient du moment que c’est clairement exposé, et surtout logique, un de ses concepts préférés.

Je pars à la chasse aux plantes du coin (je vous ferai un petit topo), le capitaine m’accompagne car ça le fait marcher, et puis on se pose pour la nuit, il fait bon frais par ici alors on chauffe un peu le camion en faisant cuire des nouilles, ça embue les vitres, forcément on ouvre et on a de nouveau froid et des moustiques en prime, ils sont violents ici les moustiques, ils font des pustules rouges et gonflées qui démangent pendant des jours et des nuits (on dirait même que j’ai des marques de crocs dans celle qui est boursoufflée en plein gras de la main que je tends sous le nez du capitaine qui fronce le nez en me conseillant de désinfecter, manquerait plus que ça soit une araignée qui ait pondu ses œufs dans mon gras de main)(ça existe) il pleut des trombes, pour aller à la douche je patauge dans l’herbe détrempée et vois le derrière blanc des petits lapins bondir dans le faisceau de ma lampe torche, demain on tente le Tasman lake, hip hip hip !

Le lendemain :

il pleut des cordes

Des torrents se forment de toute part et dévalent la montagne, on décide d’aller tout de même voir si on peut tenter le coup, mais la route risque fort d’être coupée dans pas longtemps vu la vitesse à laquelle la rivière enfle dans son lit, demi-tour, on n’est pas des acharnés, le lac Tasman ça sera pour une autre vie …

Pas le temps d’attendre que le temps se remette d’ici 3 jours, on file sur Christchurch, prononcer craille-stcheurtche, on longe le lac Tekapo, bleu itou, on ne s’attarde pas parce qu’il y a des bus qui déversent des dizaines de touristes aux cheveux blancs, on dirait un joli troupeau de moutons qui ondule en ordre serré vers la cafèt’, les conducteurs de bus font office de bergers, ça rassure.

Et mon dieu, MON DIEU ! ce que la route est belle, ce que le ciel est beau, mais qu’est ce que c’est beau bon sang !

Être conscient de son union avec la nature. Ainsi l’on peut atteindre la parfaite harmonie. Lao Tseu – Tao Te King

Christchurch, je suis bien contente de voir cette ville parce que c’est la première ville officielle de Nouvelle Zélande, un groupe de pionniers européens se sont établis dans la région en 1840, c’est pas vieux, et en 1850, 4 navires sont venus grossir leurs rangs avec les 792 pèlerins qui y ont débarqué, le lieu avait été baptisé Christchurch 2 ans auparavant, c’est dire si on les attendait, maintenant elle compte 390000 habitants, ils n’ont pas chômé. Depuis 2010 elle a subi 4 tremblements de terre dont celui de 2011 qui a fait de nombreuses victimes et des dégâts considérables, des attentats le 15 mars 2019 contre 2 mosquées dont tout le monde se souvient, le fait que la Magicien de la ville ait été licencié en 2021 est moins connu mais voilà, l’adjointe au conseil municipal de Christchurch l’a viré en déclarant que la ville se devait de promouvoir une image plus dynamique et moderne, tout fout l’camp …

le cœur de Christchurch restauré et qui se reconstruit encore après le tremblement de terre de 2011, et son nouveau marché, splendide !

A la fin du déjeuner, le capitaine, qui s’informe et s’enorgueillit d’être toujours au fait (que voulez-vous, il existe tellement de verbes que ça donne envie de les utiliser, alors je les case là ou je peux, le capitaine il ne s’enorgueille de rien du tout mais il est toujours au fait ça c’est clair) sirote placidement son café, il lève soudain un œil par dessus son portable pour me darder de son regard pointu et m’annonce d’une voix excitée, ce qui ne lui ressemble guère en dehors de la manœuvre, un truc pour le moins étrange :

– le seljipi !!

– qu’est-ce que tu dis ? le sel quoi ?

Il doit me l’expliquer lentement parce qu’il a beau le redire, je ne comprends rien, j’ouvre les bras en signe d’impuissance

– je ne comprends pas ce que tu dis (c’est loin d’être un fait isolé)

– une course de bateaux ! c’est demain ! à Lyttelton !

– AAAAAH ! Sail jipi ! sail ! daccoooord ! mais c’est quoi jipi ?

– Jipi ! Grand Prix !

– AAAAAH ! gé pé ! jipi !

On y arrive

le SailGP c’est un circuit international de course à la voile en équipage, constitué de plusieurs épreuves côtières disputées sur des catamarans monotypes à foils F50, à hautes performances, autant dire des fusées, ce week-end l’épreuve se déroule à Christchurch, l’aubaine, pour le capitaine c’est meilleur que le vin de messe pour un enfant de chœur, il est déjà en train de se renseigner pour des billets afin de voir le spectacle depuis les tribunes installées dans le petit port de Lyttelton, plus une seule place dispo, il saute fiévreusement sur la carte de la région pour trouver où aller afin de voir cette manche, il faudra qu’on soit assez proches de la course car on n’a pas de jumelles, elles sont restées dans le bateau, ça va être tendu …

C’est ça un cata à foils F50, ça peut filer à 80 km/h, un truc de fou – sur la photo c’est le bateau canadien, vive le Québec libre, I am a Berliner (j’aime délirer, à midi, pendant qu’on déjeunait à 14h comme il se doit, ça sent le brûlé, on jaillit comme un seul homme, le capitaine fonce regarder dehors pendant que je saute sur le tableau électrique pour voir si ce n’est pas là que ça crame, mais rien, ça vient d’ailleurs, on se rassied, hilare je dis au capitaine qu’heureusement que j’ai eu le réflexe de regarder le tableau avant de l’arroser avec l’extincteur en foutant de la mousse partout, la nana trop conne, il me regarde dun air chagrin, je lui demande s’il n’a jamais des scènes débiles qui lui surgissent spontanément dans la tête, non jamais, la débilité c’est pas son truc, moi ça n’arrête pas)

L’épreuve est à 15h, en fin de matinée nous trouvons laborieusement une place pour se garer dans le quartier, joli quartier résidentiel que l’on dérange, les sourcils sont froncés derrière les baies vitrées, un monde de dingue a eu la même idée que nous, c’est rencontre du troisième type dis-je au capitaine qui opine, on a le temps de se manger un hamburger sans frites, c’est disette, et de se faufiler pour trouver une chouette place d’où on pourra tout bien voir, on se glisse entre les gens et les chaises pliantes … et puis on aperçoit un drapeau français alors, interdits, on s’avance vers lui, forcément, un french flag ici ?!

hamburger time

Ils ne sont pas plus français que je ne suis périgourdine, mais leurs ancêtres l’étaient, nous sommes tombés sur une association qui défend le souvenir français ou quelque chose comme ça, je n’ai pas bien compris leur baratin mais une chose est certaine, c’est qu’ils ne cultivent absolument pas un traitre mot de notre admirable langue, on se fait accueillir comme la sauce hollandaise sur les œufs bénédictines, la touche qui fait le succès de l’affaire, un hélicoptère de la télévision passe en rase-motte au-dessus de nous, la plus fanatique du groupe insiste avec rage pour que le capitaine récalcitrant agite un drapeau à bout de bras, lui assure sur un ton sans appel qu’il passera à la télé, je l’exhorte hystériquement afin qu’il s’exécute, le capitaine à la télé néozède vous imaginez, il s’y résout à contrecœur avec un manque de ferveur qui ferait tiquer notre illustre président s’il venait à l’apprendre, je lui braille en postillonnant avec une ironie à peine masquée de se mettre à chanter la marseillaise et saute avec de grands gestes à l’attention de l’hélicoptère, s’il pouvait me planter le drapeau dans la gorge pour me faire taire il le ferait, mais c’est un gentleman, je réussis à capter ce moment épique :

il déteste 😂

L’équipage français mené par Quentin Delapierre gagne la première manche, notre petit groupe hurle à s’en décrocher la glotte, à part le capitaine qui fait semblant de ne pas nous connaître, j’ai tellement envie de faire pipi que je me sauve afin de trouver des toilettes, en revenant je me perds dans le quartier et je loupe la seconde épreuve, toutes les rues se ressemblent, c’est terrible, un véritable labyrinthe comme à la foire, éperdue je retrouve enfin le capitaine qui m’attendait en se demandant bien ce que je fabriquais et m’adresse un sourire empli de compassion à la vue de ma mine déconfite, sa cote flirte avec les 100%, tandis que tout le monde récupère son véhicule et s’en va à la queue-leu-leu, les français se sont gaufrés, mais il reste demain pour se rattraper et dans tous les cas c’était une drôlement chouette ambiance.

Je passe la soirée à tenter de voir les infos sportives sur la chaîne locale, impossible depuis mon téléphone français, je voudrais tellement que le capitaine passe à la télé avec son petit drapeau et prévenir ses copains ! la célébrité garantie ! la gloire assurée ! En vain, je me couche désolée, le lendemain, déambulant dans Christchurch endimanché, on entend une sono qui déchire, en remontant le fil du son pour voir d’où ça vient, nous tombons sur un jardin rempli de monde avec des écrans géants qui retransmettent la seconde journée de cette épreuve, ni une ni deux on s’allonge dans l’herbe au premier rang et, royaux, assistons en direct à la transmission des manches du jour …

… on voit bien mieux que depuis Diamond Harbour, et tenez vous bien ! à un moment donné ça passe le film de ce qui s’est déroulé la veille avec des images prises par l’hélicoptère, et tenez vous bien !

Bon, les français n’ont pas gagné, un problème de communication, mais qu’est-ce que c’était beau à voir, ce sont les canadiens qui ont remporté cette épreuve mais il en reste d’autres et les français sont vachement bons et encore bien placés, c’est hyper impressionnant de voir les images de ce type de course :

j’ai filmé ce qui passait sur l’écran géant

Il est déjà temps de continuer, direction Kaikoura, on ne traîne pas car il faudra vite filer sur Picton pour prendre le ferry dans l’autre sens, et ici les places de ferry s’achètent longtemps à l’avance parce que c’est booké au possible, on n’a pas intérêt à le louper

Pour y aller, on passe par Greta Valley, c’est plein de pins, comme presque partout ici, je vous disais la dernière fois que le comble était que pour faire le jardin Chinois de Dunedin, il avait été importé du bois de pin de Chine, alors qu’ici on plante et on coupe du pin à tour de bras justement pour l’exporter en grande partie en Chine, la route est pleine de camions qui transportent des troncs, les ports plein de tas de troncs à perte de vue avant de les embarquer sur des cargos, ils font avec le bois ce qu’ils font avec les vaches, les moutons et les cerfs, de l’élevage intensif !

Ici, le couvert forestier était d’environ 65 % avant l’arrivée des Européens, aujourd’hui seuls 23,5 % de la surface des terres sont encore boisés, et moins de la moitié de cette étendue correspond à des forêts véritablement primaires, la plupart de ce déboisement ayant eu lieu pendant les 100 années de colonisation européenne pour développer les pâturages, pire que des sauterelles dans un champ de maïs ! L’industrie forestière, surtout depuis 1923, s’est mise à convertir des terres en plantations de pins, le pinus radiata, semant la confusion entre forêts et plantations, alors que ces plantations prennent justement la place des forêts indigènes ! (Sandy Gauntlett, Pacific Indigenous Peoples Environment Coalition, Aotearoa / Nouvelle-Zélande)

– mais tu comprends, ça bouleverse l’écosystème ! autant de pins que ça, ça ne peut que perturber la faune et la flore, et au rythme où ils les font pousser, épuiser les sols !

– mmfffffrrrrr !

Et c’est le cas, ces plantations ne conservent pas les sols, l’eau, la diversité biologique et l’habitat de la faune, elles ont de toute évidence des effets opposés sur eux tous, les discours qui tendent à faire croire que ces plantations sont des forêts dans une volonté écologique de reforestation sont insensés, absurdes, mensongers, c’est de la manipulation, tout n’est qu’affaire de fric, on spécule sur les plantations : messieurs mesdames, la forêt c’est un placement durable, avec un retour sur investissement entre 26 et 28 ans, sachez que la production reste constante même après 3 ou 4 rotations, ce qui garantit un revenu stable, oyez oyez gentes gens, investissez ! la voilà l’écologie de l’industrie forestière ! Je suis dans tous mes états, dégoûtée, écœurée, révoltée, mais que faire, que faire ?! QUE FAIRE ???!!!

Donc, pendant que je vocifère ma rage aux oreilles du capitaine qui, infatigablement, roule et me supporte moi et mes coups de gueule, nous nous rendons à Kaikoura, c’est là qu’on peut voir des baleines, mais avec le capitaine on ne se fait aucune illusion, je change de sujet pour écumer les publications scientifiques afin de voir si oui ou non les baleines ont déjà migré, bah oui elles sont déjà migré, comme s’il y avait besoin de vérifier, c’est en juin et juillet qu’on peut voir les baleines à bosse, en mars c’est tintin, mais il est dit qu’il y a des cachalots toute l’année, et des dauphins, des orques de décembre à mars, ça leur permet d’embarquer des touristes toute l’année pour faire bouillir la marmite, un feu rouge au bord de la route nous arrête …

Pendant qu’on poireaute on regarde la mer … et là, je vous le donne en mille

un ban d’otaries s’amuse dans l’eau au bord de la route 🤩😍!

La nuit tombe, nous faisons un arrêt sur un camping le long de la plage, pas sympa du tout le gars du camping, il ne voulait pas que nous restions mais le capitaine avait réussi à entrer sans demander la permission, heureusement parce que le coin est plutôt désert, une bonne nuit et on repart.

Petit arrêt au bord de la route, pas pour faire pipi comme il est d’usage quand on se trimballe en bagnole, mais pour se balader dans les rochers le long de la mer, ça nous fait un peu d’exercice, en fait le capitaine nourrit le secret espoir de voir d’autres zotaries, ce matin avant de partir du camping on a vu des dauphins au loin, mais c’est tellement moins bien que de les voir qui jouent avec le bateau, on devient difficiles, les otaries ça va, on n’est pas habitués, alors ça nous motive, on avance tels des funambules sur les arêtes des rochers, et paf ! nous sommes récompensés !

une otarie à fourrure !

Nous nous approchons tels des sioux en repérage d’attaque de diligence, elle ne nous calcule même pas, bronche à peine, je la trouve qu’elle n’a pas trop l’air en très bonne santé tu ne trouves pas ?

– meuh non !

– tu ne trouves pas qu’elle est maigre ? on dirait qu’elle a le flanc tout creusé ?

– mais qu’est-ce que tu racontes ?!

C’est que je lui gâcherais le plaisir avec mes questions bêtes, on s’en retourne comme on est venus, à pas de sioux, et on continue, et on a faim et il y a un resto annoncé sur la route, et hop je salive déjà comme le chien de Pavlov …

Voilà le resto, c’est pas pour dire mais cette langouste géante me fait penser aux films d’horreur où tout le monde se fait bouffer par des araignées géantes, Arachnophobia ou genre, je déglutis, ça te va ? me demande le capitaine, il n’a pas envie non plus, ça nous a coupé l’appétit, on continue …

NBPS : quelle est la différence entre NB et PS ? PS [Post Scriptum = écrit après] s’emploie quand on a oublié de parler de quelque chose et qu’on le dit à la fin de notre lettre. NB [Nota Bene = Notez bien] s’emploie pour insister sur un fait précis. Ici vous avez les 2 :

  • « La plantation de pins, hier et aujourd’hui, est enracinée dans un monde de pouvoir, de profit et de nature bon marché. » En savoir plus :
  • Pingouin ou manchot ? Les termes manchots et pingouins désignent des espèces différentes mais elles sont régulièrement confondues. Les manchots sont incapables de voler et vivent exclusivement dans l’hémisphère sud. C’est ceux-ci qu’il est possible de voir en Nouvelle-Zélande. Alors que les pingouins désignent pour leur part des oiseaux de petite taille, qui contrairement aux manchots sont capables de voler et habitent uniquement dans l’hémisphère nord. En anglais, la famille des sphéniscidés dont font partie les manchots se traduit par penguin, ce qui finit par ajouter une confusion supplémentaire lorsqu’il s’agit de les distinguer des pingouins… Par abus de langage, les manchots sont donc souvent désignés sous le terme de pingouins. À Taiaroa Head, tout au bout de la péninsule d’Otago, se trouve une plate-forme aménagée où l’on peut observer, moyennant rétribution,  une colonie de manchots pygmée revenir à leur nid chaque soir au soleil couchant.
  • Donner en mille : cette expression date du XVIIe siècle, on pourrait dire qu’il s’agit de la contraction d’une phrase beaucoup plus longue «Je vous le donne à deviner, mais vous n’avez qu’une chance sur mille de trouver la réponse » qui signifie qu’on a peu de chance de trouver.

Southland

Nous embarquons dans le ferry comme pour le Nouveau Monde, longues files d’attente de camions, caravanes, vans et motos, puis le cortège se met en branle, carrément deux étages pour les véhicules, il y a même un train qui dépose une file de wagons,

bien que je connaisse par avance la réponse du capitaine, je m’exclame, l’air dépassé

– Mais comment ça peut flotter avec tout ce poids dans le ventre ?!

Ça lui fait aussitôt comme un vent qui court sur sa peau, comme on voit au loin sur la mer une risée, je perçois son humeur qui va s’agacer, je le coupe avant même que son idée d’ouvrir la bouche pour me morigéner n’atteigne son cerveau

– Oui oui je sais, tu me l’as déjà dit, ça n’empêche pas de s’étonner ! (faudra que je révise)

Lui ça l’empêche, c’est comme ça un point c’est tout, que la lune flotte dans le ciel sans tomber par terre c’est normal puisque les lois de la physique l’ont démontré, quand je m’en émerveille il raille mon côté bon public

– Mais quand même, l’ai-je déjà exhorté à plusieurs reprises, tu n’es pas ébahi de voir à quel point notre planète est un prodige prodigieusement prodigieux ? Tous ces arbres, toutes ces plantes, ces oiseaux, ces poissons ? Nous ! tout ça rien que pour nous !

– Siiiiiiiii mais …

Pas de quoi en faire un plat.

On nous fait monter au dernier étage : salon, tables, chaises, bar, restaurant, ça se balade, ça discute, ça boit un coup ou ça mange, ça tapote sur son téléphone, il y en a tout de même qui regardent ce qui se passe dehors, je sors sur un des ponts, vent glacial qui me fait rentrer vite fait, les vagues commencent à se former, le ferry bouge à peine, si on était sur Cap de Miol on les sentirait rudement passer, 3h30 plus tard on débarque à Picton, tout ça a pris son temps, on trouve un resto pour manger un morceau avant de prendre la route, un fish&chips de plus, c’est ça ou hamburger/frites, parfois des plats que je commande sans comprendre ce que ça va donner, ce qui me fait découvrir des mets aussi improbables que peu raffinés, je repense à certaines boulettes végétariennes qui auraient rendue viandarde Gwyneth Paltrow , alors quand il y a des salades au menu, ceci bien que la Médecine Traditionnelle Chinoise le réprouve, je m’en prends une et je suis bien contente, et après j’ai faim comme il va de soi.

Kilomètres

Kilomètres

Kilomètres, nous sommes au pays des cônes, la Nouvelle Zélande entière est en réfection de routes, pour y faire fortune il suffit d’être fabricant de cônes, kilomètres, cônes, vaches, moutons, sapins, kilomètres, sapins, moutons, vaches, kilomètres, cônes…

Tandis que le capitaine roule, concentré de rouler à gauche, il est à ma merci et je peux lancer des discussions comme sur la pensée créatrice, c’est quoi ces couillandres, ce ne sont pas des couillandres regarde : on pense à faire un road-trip en NZ par exemple, on le met en œuvre et voilà on y est, mais c’est l’évidence ! oui, n’empêche que notre pensée est créatrice, aussi je lis à voix haute, afin qu’il en fasse son profit, des articles sur des sujets qui m’intéressent ou auxquels j’aimerais l’intéresser pour lui faire passer un message, c’est ainsi que je l’abreuve aussi bien de l’histoire de la NZ que de la différence des cerveaux masculins et féminins, thème qui ouvre au débat, parfois le regard qu’il m’adresse est  totalement déserté, envolé pour d’autres sphères, je lui demande alors si ça l’intéresse et oui qu’il m’affirme en revenant habiter ses yeux pour découvrir que je suis là, alors je continue, j’enfonce le clou, je m’émeus sur la loi anti-tabac de la NZ moi qui ne suis pas fumeuse et râle quand une terrasse de bistrot est envahie de fumée au point de pousser les non-fumeurs à s’asseoir à l’intérieur afin de pouvoir respirer, le comble, mais qui milite pour la liberté, je trouve scandaleux qu’il ne soit plus possible pour les personnes nées après 2008 d’acheter des cigarettes en Nouvelle-Zélande et ce indéfiniment, dans quel monde vivra t’on si on n’a plus le droit de fumer un clope, boire un coup ou tromper son mari (j’avais écrit sa femme mais je me suis reprise, l’égalité des sexes sert -surtout- à ça) et d’autres sujets que j’évoquerai quand le moment sera venu, découvrir la NZ va aussi m’apprendre ses paradoxes quand je vais gratter le vernis de la carte postale …

En attendant, on file vers les Alpes du Sud, je ne me trompe pas, nous roulons vraiment vers les Alpes du Sud ou Southern Alps, plus précisément vers le glacier Franz Josef, auparavant nommé Victoria mais débaptisé par l’explorateur Allemand Julius Von Haast en 1865 en hommage à l’empereur François-Joseph d’Autriche, on appréciera, vraiment, de quoi j’me mêle.

Sur la route, le Westland Tai Poutini National Park … ça en met plein la vue
et on voit le glacier de loin

On se pose dans un camping pour souffler, demain on fait la rando de Roberts Point Track car de toutes les randos d’ici elle est donnée comme ayant le meilleur point de vue sur le glacier, étiquetée intermédiaire/difficile, on verra bien.

Ca démarre tranquille dans la forêt, parfait pour s’échauffer, et on arrive un peu plus tard au premier pont suspendu, il a l’air bien solide, du bon matos néo-zède, je m’y engage sans crainte, faudrait vraiment le faire exprès pour tomber

du solide

Puis un second où l’on ne doit s’engager qu’un par un, mais pas d’impression de vide car on surplombe des arbres et des fougères, je le passe les doigts dans le nez … le 3ème et dernier est beaucoup plus long, je dis au capitaine que je vais marcher juste derrière lui et regarder sa nuque, j’ai vu ça une fois dans un film et ça me paraît être une bonne idée, parce qu’il est bien long ce pont et ça balance pas mal, j’ai bien fait, tant qu’il y a des arbres sous le pont je pourrais danser la gigue dessus, mais à un moment donné il n’y a plus que le vide et ça me file chaud dans les mollets, c’est pas bon signe, le chaud dans les mollets c’est quand je suis à un doigt de capituler, j’avale ma salive, je le colle aux talons et regarde sa nuque à m’en hypnotiser, ça devrait aller, ça va, ça va passer, ça passe, c’est passé !

long … et haut
on passe plusieurs gués, on grimpe dans des torrents …
sur des rochers …

Et après 3 heures de marche, parfois acrobatique, on arrive sur la plate-forme avec vue sur le glacier, la récompense !

Glacier qui reste bien loin de là où nous sommes, pour le voir de près il faudrait se faire héliporter, ça coûte au moins 200$ NZ par personne, on oublie, il est loin parce qu’il fond, et ça à vue d’œil …

Je me tourne vers le capitaine pour lui partager ma pensée, à savoir que ça m’étonne que les hélicos soient autorisés, ce n’est pas très écolo, et plusieurs aspects ici me font tiquer, mais bon, si je voulais être vraiment écolo je ferais le tour de la NZ en vélo et pas en camper-van n’est-ce pas (ici ils ne comprennent pas de quoi on parle quand on dit camping-car, pourtant c’est bien de l’anglais que je sache, aaah e camper-van !)

on continue après ce dégourdissage des jambes, parce que rouler autant, ça engourdit méchant

Ce qui nous fait passer par le parc national du Mont Aspiring et entre les lacs Wanaka et Hawea, plus loin sur la route, en passant le long de la distillerie de Cardrona, nous apercevons une loooongue barrière de soutiens-gorge, le capitaine pile en laissant la moitié de la gomme des pneus sur le bitume, il veut voir ça de plus près nom d’un chien, mes idées sur le sujet vont aussitôt bon train

– sûrement que c’est une manifestation de nanas qui étaient moins bien payées que les hommes à la distillerie !

Il n’en sait rien, persuadé que les femmes sont aussi bien payées que les hommes pour un même poste et que les féministes exagèrent, que je prends un soin perfide à trier les informations que je lui présente en preuve de ce que toutes les études sur le sujet peuvent avancer, je ne désespère pas mais il va me falloir être pugnace pour ébranler ses certitudes

J’apprendrai que tous les bus et voitures qui passent par ici s’y arrêtent, que plein de nanas ôtent leur soutif pour l’accrocher à la barrière, certains disent que c’est pour la défense des femmes qui ont le cancer du sein, argument qui semble sorti d’un chapeau pour élever le débat car l’histoire c’est que des fermiers ont tout bonnement trouvé 4 soutiens-gorge attachés à la clôture entre Noël et Nouvel an 1999 (elles devaient en tenir une bonne) et les ont laissé, que l’info s’est répandue et qu’il y en a eu de plus en plus comme les cadenas sur le Pont Neuf, c’est devenu une mode, après des tentatives de les virer étant donné que certains trouvaient que c’était moche dans le paysage ou dangereux de distraire les conducteurs, un certain fermier John Lee, devenu gardien officieux du site, en a laissé une partie parce que c’est devenu l’attraction touristique la plus photographiée de la région, pas un mot de son côté sur le cancer du sein qui, à mon humble avis, n’a pas besoin de pub mais de fonds de recherche, bref, on veille à ce que la célèbre clôture passe à la postérité…(en même temps c’est gratuit, ce qui est rare en NZ)

Et nous voilà à Queenstown, la plus belle et charmante ville de toute la Nouvelle Zélande à mon goût, l’immense lac de Wakatipu avec les Alpes du Sud pour décor, une promenade au bord du lac avec des bars, des vrais restos, de l’animation et de la musique, le capitaine propose de m’inviter dans un Italien mais flûte, c’est complet, on déambule et c’est complet partout, on se fait refouler comme d’une boîte à la mode par un vigile peu accommodant, c’est comme ça dans les restos, quand ils sont pleins ils sont tout content de vous refuser l’entrée tellement ils sont courus, on finit par trouver des places dans un resto Thaï, à ma grande joie et à la déconvenue du capitaine, je commande un curry de légumes et lui un Pad Thaï, je me régale, il reste sur sa réserve congénitale qui englobe toutes les cuisines asiatiques sans exception.

Queenstown a des airs d’Annecy
On visite les jardins de Queenstown
sous un Sequoia

La grosse prochaine étape n’est pas des moindres puisqu’il s’agit de Milford Sound ou le plus beau fjord de Nouvelle Zélande !

Sur la route qui nous mène à Te Anau, nous passons le long de champs entiers de faons, biches et cerfs, la Nouvelle Zélande est le premier producteur mondial de cerfs d’élevage pour la vente de leur viande vantée comme étant pauvre en graisse, en cholestérol et en calories, précision étant donnée que, grâce à ses pâturages, ce pays est naturellement idéal pour tout type d’élevage d’animaux, ici on vous affirme qu’en consommant la viande de cerf de Nouvelle-Zélande, vous prenez part à cette nature magnifique, le marketing n’a honte de rien.

Je m’insurge auprès du capitaine : comment peut-on parler d’écologie quand on voit ces élevages intensifs de bœufs, de moutons et de cerfs ?! Il faudrait qu’on m’explique, parce que d’un côté les Kiwis (les Néo-Zélandais) en ont plein la bouche de l’écologie, et de l’autre …

De l’autre, la Nouvelle Zélande est présentée comme une une terre préservée, sauvage, saine et pure, et vendue comme telle aux touristes, il est vrai que près d’un tiers de ses terres sont des aires protégées au sein de 13 parcs nationaux et que 80% de leur énergie est issue de sources renouvelables, mais, MAIS !! près de 50% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de l’agriculture et élevage dans le pays, contre 10 à 12% à l’échelle mondiale, la quantité et la qualité du sol en sont affectées, l’une des plus importantes conséquences est que la qualité de l’eau se dégrade, 62% des rivières néo-zélandaises dépassent les seuils sanitaires, 59 % des puits présentent un taux important de bactéries E. Coli, ce qui révèle une contamination fécale,13 % ont un taux élevé de nitrate, 57 % des lacs ont une mauvaise qualité d’eau, dans certaines régions à très forte concentration de fermes laitières, le gouvernement a même déconseillé aux femmes enceintes de boire l’eau du robinet, 76 % des poissons d’eau douce sont menacés d’extinction ou en voie de disparition tout comme 83% des oiseaux, reptiles, chauves-souris et grenouilles … leur slogan 100% pure New Zealand a sacrément du plomb dans l’aile …

Avec une production laitière de 11 millions de tonnes et près de 15 000 producteurs, la Nouvelle-Zélande est l’un des principaux pays laitiers du monde.

C’est le capitaine qui fait les frais de toutes ces informations dont je lui fais une lecture effarée, c’est bien, ça l’empêche de roupiller au volant

Ma révolte ne nous empêche nullement d’arriver en fin d’après-midi à notre destination : Milford Sound !

Milford Sound est un fjord, il doit son nom au port naturel gallois appelé Milford Haven, je demande au capitaine pourquoi ici on appelle ça un fjord alors qu’ailleurs on dit que ce sont des îles, des îlots, des motu …

– quelle est la différence ?

– m’enfin Isabelle (yeux ronds) ! c’est parce que la mer arrive à l’intérieur des terres !

– mais … (il est con ou quoi) quand la mer passe entre différents îlots c’est pareil, les îlots c’est des monticules de terre plus hauts que la mer ne dépasse pas et c’est tout !

Je vous épargne la pénible discussion de sourds qui s’ensuit, je finis par lever la main en signe de temps d’arrêt pour m’en référer auprès du meilleur des arbitres, à savoir Google : c’est quoi un fjord (ça horripile le capitaine quand je dis c’est quoi, il me reprend, condescendant, on dit qu’est-ce que), j’ai ma réponse, un fjord ou fiord est une vallée unique érodée par un glacier avançant de la montagne à la mer qui a été envahie par la mer depuis le retrait de la glace, ça c’est de la réponse qui sait ce qu’elle raconte, je suis toute apaisée d’avoir compris, nous nous baladons en bateau sur ce qui fut jadis un glacier (les glaciers géants qui recouvraient le Fiordland ont commencé à fondre il y a 15.000 ans, c’est rien !), ce qui est assez fou quand on y pense, ça m’émerveille encore plus

et c’est fou ce que c’est beau, on va jusqu’à la mer et on s’en retourne, ce qui gâche le plaisir du capitaine c’est que c’est hyper touristique, il y a beaucoup de monde, c’est sûr que si on était venus jusqu’ici en voilier, on aurait été plus tranquilles … mais on serait encore très loin d’y arriver

On a du pot, il fait vraiment beau quoique frisquet, ce n’était pas gagné car ici il pleut 182 jours par an, soit une pluviométrie 14 fois supérieure à celle de Paris, les Kiwis disent qu’ici il pleut deux fois par semaine : une première fois 3 jours et une seconde 4 jours,  je me ferai tout de même rincer au retour car le bateau s’arrête sous une cascade, je suis aux premières loges et ris aux éclats, le capitaine évite soigneusement, ce genre de gaminerie n’est pas de son goût 😉

Et re-route, kilomètres, incroyable que ce soit si beau, comment deviner cette pollution devant ce spectacle permanent, impossible, au bout, Dunedin

Capitale de l’Otago, Dunedin est majoritairement peuplée par des Écossais, d’où son nom qui est une version anglaise de Dùn Èideann, le nom gaélique écossais d’Édimbourg. En 1881 un Australien trouve de l’or et c’est la ruée, la population explose et passe à 60.000 habitants dont 35.000 chercheurs d’or dans une ambiance de saloons, tripots et autres maisons closes, 25 ans plus tard plus un pète d’or, ça repart, Dunedin reste tout de même la 2ème ville la plus peuplée de Southland après Christchurch, elle abrite en son sein les plus beaux monuments de la NZ

Immeuble de la presse
Cathédrale St Paul
First Church, première église Presbytérienne de la ville
Une manif’ d’enseignants ce jour là

Il y a même un jardin Chinois, Lan Yuan, un bel exemple du délire de notre monde, 7 millions de dollars, 1000 tonnes de roche du lac Tai importées de Chine pour sa construction (roche qui est une caractéristique importante de l’architecture chinoise depuis plus de 1000 ans, ah d’accord), structures en bois de sapin de Chine (ça c’est le summum, j’y reviendrai) … il a beau être beau ce jardin, ça me surleculte comme aurait dit papa … Quand je monte dans les tours sur de tels sujets, le capitaine ne comprend pas, et pourquoi on ne pourrait pas faire un jardin Chinois en Nouvelle Zélande s’il vous plaît

– mais on n’a qu’à aller en Chine pour voir un jardin Chinois !

Il hausse les épaules et s’éloigne l’air de rien, tel un ministre qui laisse à une stagiaire le soin de régler une affaire sans importance.

On ne verra pas la célèbre gare ni la rue la plus pentue du monde qui s’y trouvent, nous préférons aller sur la péninsule d’Otago

… voir voler les albatros :

  • PS : si vous avez bien tout regardé, dans le petit film qui nous mène à Dunedin et à la péninsule d’Otago, vous aurez de toute évidence remarqué une photo de cygnes noirs : originaire d’Australie, le cygne noir (Cygnus atratus) a été introduit en Nouvelle-Zélande où il est devenu nuisible comme beaucoup des autres espèces importées par l’homme, car leurs prédateurs naturels sont absents, le prédateur du cygne noir étant principalement le renard.

Retour en Nouvelle Zélande

Des herbes de la Pampa à profusion (bien qu’on ne lui connaisse aucun ravageur ni aucune maladie, elle en rebute beaucoup car elle est très invasive, n’empêche que qu’est-ce que c’est beau à voir ondoyer sous le vent)

Je retrouve le capitaine à l’aéroport de Toulouse, non que nous ne soyons pas vus pendant ces quelques semaines, mais rasé de frais avec ses cheveux coiffés en arrière et son pull gris anthracite à col cheminée il ressemblait à s’y méprendre à un monsieur tout ce qu’il y a de plus normal, non pas le gendre idéal, quoique, mais le beau-père idéal c’est certain, bien sous tous rapports, il m’a même fait penser à tonton Michel le jour de ma première communion, bon sang y aurait-il un rapport de cause à effet sursauté je intérieurement tout en reprenant mon habitude de trotter sur ses talons en m’interrogeant (je sais faire plusieurs choses à la fois) sur le fait que sa nuque pourrait être la partie du corps du capitaine que je connais le mieux, une fois que nous étions ensemble en voiture j’ai entendu une interview de Carole Bouquet sur France Inter (le capitaine est très radio, très France Inter) dans laquelle elle disait sur le fait de se retrouver sur scène qu’elle était terrorisée mais qu’elle ne voudrait être nulle part ailleurs, illuminée par cet aveu qui faisait écho en moi, j’ai regardé le capitaine avec l’air de Newton qui se prend une pomme sur la tronche :

– Mais c’est ça tiens, c’est exactement moi sur le bateau ! terrorisée mais je ne voudrais être nulle part ailleurs !!!

La révélation

Merci qui ? merci Gotlib !

Il m’a lancé un long regard, comme pour fouiller au plus profond de l’amygdale du lobe temporal de mes 1,2kg (600g ?) de matière grise

– T’es terrorisée sur le bateau ?

– Meuh nooooon ! … mais bon ça m’arrive de stresser quoi (pieux zeuphémisme)

Il a continué à me sonder de son regard aussi pointu que le laser d’un dermatologue en pleine épilation définitive, j’ai pris l’air de rien, je fais ça très bien, il a arrêté, pas moi, on ne sait jamais…

Pour tout dire, il n’a pas juste passé son temps à enfiler un pull à col cheminée, oh que non, il a aussi enfilé … des skis ! (il était mono de ski à une époque) (je ne sais pas ce que j’ai avec les monos ou champions en tout genre, les barmen, les chanteurs ou guitariste de groupe métal, le bassiste ne pouvant être que le dernier choix bien évidemment, mais bon, à 15 ans je suis tout de même sortie avec le bassiste du groupe de mon frangin tellement il avait insisté) enfin bref, il en a profité aussi pour régater avec son fameux pote Henri sur le lac de Tau, première régate  3eme de leur catégorie, pas mal mais de quoi tout de même lui mettre un soufflet en pleine face, à la seconde ils étaient 1er de leur catégorie et 3ème toutes catés confondues sur 53 bateaux, ça l’avait vengé et tout ragaillardi genre l’âge n’a aucune prise sur lui, et des randos aussi, on ne peut pas l’empêcher de bouger. Je lui ai demandé si, du temps où il passait ses week-ends et vacances à régater sur la planète, ça lui était arrivé de perdre une régate à cause d’une erreur stratégique de sa part, figurez vous que oui, il me l’a avoué comme on se lâche après un verre de trop, oui, ça lui est bel et bien arrivé :

– Ah bon ?! Mais quelle faute tu avais faite par exemple ?! (consternation)

– Ooooeuuuuh … j’avais insisté pour qu’on envoie le spi et on a perdu du temps, il aurait mieux valu ne pas le faire …

Comme quoi ça fait belle lurette que ça lui colle à la peau cette envie permanente d’envoyer le spi, mais d’où peut bien lui venir cette impétuosité ?

Aéroport de Toulouse, un homme déambule en pull à col cheminée gris anthracite, sauras tu le trouver ?

Ce qu’il y a de bien à Toulouse c’est que l’enregistrement se fait pronto, cartes d’embarquements pour les 3 vols et valises qu’on ne récupérera qu’à Auckland, on s’envole hands in the pockets pour Munich, le temps d’y boire qui un café qui un thé on redécolle  sous la neige pour 13h de vol vers Singapour, changement de terminal et encore 9h de vol pour Auckland, sachez que sur Air New Zealand on sert des repas épicés à vous faire regretter de ne pas avoir un tube en plastique de la glotte à l’anus en lieu et place de muqueuses digestives douées de sensibilité autant que de capacités spasmistiques si je puis dire

On débarque en NZ frais comme des poissons de 8 jours, les lunettes du capitaine de traviole sur son nez et moi ne gardant de la bonne mine que je m’étais faite en quelques semaines françaises qu’un vieux reste de brushing élaboré la veille du départ, on a hâte de voir dans quel état est le bateau parce que le cyclone Gabrielle est passé par là ce qui avait un peu mis le capitaine sur les dents bien qu’il se soit exclamé que, de toutes façons, le bateau étant assuré, il n’y avait pas à s’en faire, à qui pensait il donner le change sous son air désinvolte, je me le demande pour de bon, c’est vrai ça, à qui ? … ah ça me vient : à lui, pardi 🙂

Une fois sur le hardstand de la marina, constat que le bateau va bien et n’a rien de plus que la perte d’un protège-compas envolé et que le pont et le cockpit sont noir de suie et bleu de fine et insidieuse poussière d’antifouling poncé car il est presque tout poncé, il faudra fignoler l’affaire et puis ensuite passer de l’apprêt avant de remettre de l’antifouling tout neuf, je me suis un temps demandé pourquoi il fallait mettre de l’après avant, avant de comprendre que c’était de l’apprêt, je m’en étais ouverte spontanément au capitaine qui avait ri en pensant que je blaguais, temps de latence  avant de comprendre ma propre blague qui n’en était pas une

Ça me fait tout drôle de retrouver Cap de Miol comme ma maison dans laquelle je reviendrais après les grandes vacances, on range nos affaires ainsi que le bricolage que le capitaine a rapporté dans un gros sac alors qu’il y a plein de magasins d’accastillage ici, mais je crois qu’on parle tellement mal anglais que de tenter d’acheter le moindre truc un peu technique dans le coin ferait se pendre l’innocent bougre qui se serait guillerètement avancé vers nous pour nous offrir ses services dans un sourire très nighteen-nighty-nine (quiconque a été aux States et a allumé une télé plus de 3 minutes saura de quoi je parle)

Et puis on prépare d’autres affaires car avant de reprendre la mer il y a la Nouvelle Zélande à visiter et c’est trop grand pour le faire en bateau, alors le capitaine a eu la bonne idée de louer … un CAMPER-VAN !

Niveau espace habitable c’est le genre de truc qui doit permettre après ça de faire le tour du monde dans une caisse à savon sans se trouver à l’étroit, on dirait un appartement parisien, quand on se penche pour se rincer les dents dans l’évier on a les fesses qui se posent sur la table à manger, table qui se transforme judicieusement le soir en sommier, en se contorsionnant pour se glisser sur l’une des banquettes pour s’installer à table, le capitaine s’exclame qu’il faut s’aimer pour supporter de vivre dans un espace aussi exigu

– Qu’est-ce que tu as dit ?

– J’ai dit qu’il faut s’aimer pour vivre là-dedans !

Il n’a pas l’air de se moquer dis donc, je souhaite qu’il n’en vienne pas à me désaimer si je dois faire caca dans ce qui sert de chiotte, de qui se moque t’on, heureusement il y a des toilettes publiques plein la NZ et on a téléchargé une appli qui nous dit où en trouver ainsi que des campings pour prendre une douche, c’est Camper Mate, qui aurait dit qu’une appli qui indique où trouver des chiottes deviendrait ma nouvelle meilleure amie, les voies du ciel sont impénétrables

Faut pas être claustro
le capitaine serait presque trop grand – c’est pas des nouilles mais de la salade de chou, miam miam, qui c’est qu’est tout content d’avoir du chou plutôt qu’une belle assiette de pâtes au beurre (son plat préféré) ?

Nous voilà partis pour la vie de bohème, nous posant certaines parfois près d’un bras de mer ou un bout de champ, d’autres parfois sur un parking au milieu de surfeurs vautrés sur des sièges de camping ras-du-sol qui tripotent leur smartphone pendant que leurs groupies s’affairent auprès d’un réchaud à gaz pour tambouiller de quoi leur remplir l’estomac, le capitaine et moi ne faisons pas exception à la règle, les générations passent, les lois occultes et ancestrales collent aux êtres comme du chewing-gum sur une semelle de crêpe et je suis bien la première à m’en satisfaire, après tout c’est lui qui conduit. Dans l’hémisphère sud c’est l’automne qui pointe son nez, et oui, plus on descend au sud plus ça caille, les douches froides au bord des plages ça devient limite, on se laisse alors tenter par des campings avec douches chaudes, 40$ NZ en moyenne la nuit pour garer son van dans un coin, ça fait réfléchir, l’idée d’une douche chaude fait de plus en plus souvent pencher la balance, jusqu’à ce que je ne demande même plus son avis au capitaine parce que pisser accroupie dans un seau au pied du lit la nuit passe encore, mais dégager des effluves nauséabondes planquées derrière un déo bon marché, merde alors ! (j’aime noircir le tableau grâce à cette touche élégante de déo bon marché), ça me fait penser que j’ai acheté un produit pour la douche bon marché (association d’idées) qui promet de vous faire la peau super douce, (moi je crois les étiquettes), ça j’ai compris bien que ça soit écrit en Anglais, mais le reste je n’ai pas lu, résultat ça pue la vanille chimique au point que c’en est ignoble, la seule fois où je l’ai utilisé, imaginant ma peau plus douce que douce et tout ce qui s’ensuit que ça vous fait pousser des ailes rien que d’imaginer cette peau si douce qui ferait se damner un saint, j’ai super mal dormi parce que cette satanée odeur était accrochée à ma peau pas plus douce et ça révulsait mes récepteurs olfactifs, dépitée comme Cendrillon quand le carrosse redevient citrouille, encore heureux que le nez délicat du capitaine ne l’ait pas deviné que ça lui aurait gâché sa nuit et son humeur tout aussi délicate, mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre, moi en tête de liste

Nous avons grosso modo 1 mois pour tout voir, on ne verra pas tout alors il faut choisir, surtout que notre camion n’avance pas vite bien que sa consommation en gasoil soit inversement proportionnelle à sa vélocité, c’est parti pour le niouziland-road-trip, en ture pour de nouvelles avenroutes pied au plancher, j’ai évité de dire au capitaine que je n’aime pas la route pour ne pas gâcher l’ambiance, et bien vous savez quoi, du coup ça passe beaucoup mieux, de toute évidence j’ai dû me brancher sur une autre partie de mon cerveau, j’en ferai don à la science pour étudier le phénomène

cadeau

Tout n’est pas racontable, non que cela relève d’inconvenance ou autre conduite peu louable, mais ça serait trop long, je m’en tiendrai donc aux épisodes les plus rocambolesques (rien du tout, c’est juste le mot qui me plait) ou notables, après la péninsule de  Coromandel qui ne me laisse comme souvenir impérissable que cette petite route aussi tortueuse que bien jolie, nous nous pointons dans la zone géothermique et sulfurisée de Rotorua, précisément sur le site de Wai-O-Tapu, région qui m’intéresse et m’interpelle au plus haut point parce que

– ça pue !

– mais non, ça sent le soufre !

(Devinez qui a dit quoi)

la boue est bouillante, on évite de prendre un bain

On s’en prend plein les narines et ici, comme me l’avait dit la nana de Marsden Cove Marina : en Nouvelle Zélande il n’y a que l’eau qui est gratuite ! Pour tout le reste tu paies, et même le prix fort, visiter le parc et prendre des notes en font partie, j’en prends le mien (de parti si tant et qu’il faille que j’explique mes vannes)

Ce que nous respirons est du sulfure d’hydrogène ou hydrogène sulfuré, gaz émis par les volcans et les sources chaudes, extrêmement toxique, quand on le respire, tout d’abord il irrite les yeux et donne une sensation de brûlure aux poumons, puis on perd l’odorat car le nerf olfactif est paralysé, ce qui ajoute au danger puisqu’on ne se méfie plus, la perte de connaissance s’ensuit puis l’arrêt respiratoire et enfin la mort par asphyxie et arrêt cardiaque. C’est mieux de le savoir plutôt que de croire que ça va nous soigner les sinusites chroniques (ma grande sœur faisait des cures de soufre à Aix-les-Bains quand elle était môme, comme elle est toujours de ce monde et que c’est tant mieux tellement je l’aime, j’en déduis qu’on ne lui faisait pas respirer ça tout de même … ou si ?!)

Malgré ces effluves pour le moins préjudiciables, on dirait la palette d’un peintre, mais mieux vaut ne pas y tremper son pinceau en se bouchant le nez car l’eau verte qui fume est à 75 degrés et bourrée d’arsenic, la bordure quant à elle est orange de par sa contenance en antimoine, produit mortel s’il en fut mais possédant des vertus contre la fièvre, la constipation et la gueule de bois. Il s’agit de l’élément chimique métallique de symbole Sb (du latin stibium), de numéro atomique 51, pour dire que c’est du sérieux. Son nom aurait été choisi en référence aux nombreux décès par empoisonnement accidentel qu’il aurait provoqué chez les alchimistes souvent aussi moines (il existe d’autres supputations mais j’ai choisi celle là qui me semble aussi plausible qu’anecdotique). Et rendez-vous bien : jadis était fabriqué un vin émétique, mélange de sel d’antimoine et de potassium, qui en tant que vomitif puissant pouvait expliquer certains succès médicaux, ce qui fut le cas dans la guérison de la fièvre de Louis XIV en 1658. Cette guérison mit fin à l’interdiction de cette substance proclamée en France en 1566 suite aux décès des fameux alchimistes/moines qui auraient ingéré cette substance. Il faut, en outre, noter, d’une part que l’antimoine était utilisé 3000 ans av JC comme fard à paupières, et d’autre part que de fortes doses (plusieurs centaines de milligrammes) peuvent entraîner une toxicité cardiaque, comme ça vous savez tout ce qui est intéressant à savoir.

Quant à l’arsenic (élément chimique de numéro atomique 33, symbole As tant qu’on y est), c’est un composant naturel de la croûte terrestre largement présent dans l’environnement, que ce soit dans l’air, dans l’eau ou dans la terre. Il est très toxique également sous forme inorganique. L’exposition prolongée à l’arsenic inorganique, principalement dans l’eau de boisson et les aliments, peut entraîner une intoxication chronique. Les lésions et les cancers de la peau en sont les effets les plus caractéristiques. Les personnes qui fument sont particulièrement susceptibles d’être exposées à l’arsenic inorganique naturel contenu dans le tabac, car les plants de tabac peuvent absorber l’arsenic naturellement présent dans le sol, tout ça fait réfléchir et ne pas rester trop longtemps à côté de cette étendue appelée Champagne Pool parce qu’en plus de ces couleurs incroyables et de la fumée qui s’en échappe, l’eau fait des petites bulles qu’on entend pétiller.

J’en profite pour vous indiquer que certains minéraux et métaux font partie de l’arsenal de la pharmacopée Chinoise et que les Taoïstes utilisaient le cinabre (sulfure naturel de mercure) en drogue d’immortalité. Ce type d’expérience reste déconseillé n’est-ce pas, il ne faut pas plus sniffer de la vapeur de mercure (élément chimique de numéro atomique 80, de symbole Hg, sinon vous serez frustrés) car des concentrations élevées peuvent causer des lésions à la bouche, aux voies respiratoires et aux poumons et sont susceptibles de provoquer la mort par insuffisance respiratoire, et certains composés du mercure peuvent provoquer de l’insuffisance rénale et des lésions gastro-intestinales, entre autres effets peu propices à la longévité, a fortiori à l’immortalité. Les Alchimistes Taoïstes avaient eu l’idée, qui peut sembler saugrenue, de croire que le fait de manger des aliments qui meurent ou pourrissent nous rendait nous-mêmes pourrissables et mortels, ce qui les avaient portés à utiliser des métaux (or, argent, plomb, mercure, etc) et des minéraux (cinabre, malachite, réalgar, etc), on peut toutefois remercier ces cobayes volontaires qui ont permis aux générations suivantes d’éviter de s’empoisonner.

Et d’où vient ce blanc comme de l’écume solidifiée ? et bien il s’agit de silice (forme naturelle du dioxyde de silicium SiO2). A l’état naturel, la silice cristalline, notamment le Quartz, est présente dans de nombreuses roches (grès, granite, sable). La silice amorphe d’origine naturelle correspond à la terre de Diatomée, elle est utilisée comme insecticide ménager, dans la fabrication de peinture, dans la clarification de la bière et du vin, et entre dans la composition de produit de consommation comme les produits cosmétiques, pharmaceutiques, dentifrices, ou additifs alimentaires. Le silicium, quant à lui, est un élément chimique désigné par le symbole Si dans la classification périodique de Mendeleïev. Il n’existe pas à l’état libre dans la nature mais se trouve combiné à deux atomes d’oxygène pour former le dioxyde de silicium SiO2, communément appelé silice. Si je vous en parle c’est parce que faire des cures de silicium organique, qui est une molécule fabriquée en laboratoire car elle n’existe pas à l’état naturel, a été une grande mode en son temps, peut-être dure t’elle toujours dans certains milieux. Il a été dit que « de nombreuses études scientifiques » ont démontré son impact sur les éléments constructeurs des tissus conjonctifs (os, muscles, peau, artères, …) et des résultats bluffant sur les cancers et maladies mortelles, comme à chaque fois que l’on veut vendre une molécule en tant que panacée universelle. Certes, le corps humain contient du silicium et en a besoin, on en trouve pour le combler dans l’eau, les céréales, les légumineuses, les oléagineux et les fruits, certains en étant plus pourvus que d’autres, mais comme tout abus, celui du silicium organique provoque de l’insuffisance rénale : il faut garder de la mesure en tout et se rappeler que rien ne vaut une alimentation saine, une respiration consciente, une activité physique, suffisamment de lumière naturelle, un bon sommeil, des amis, des amours et du rire pour avoir tout ce qu’il faut.

Et c’est imbibés de cette odeur délicate d’œuf pourri que nous nous rendons dans le parc national de Tongariro, j’ai la nette impression que tout bout de champ ou étendue de forêt est catalogué parc national par ici, les néo-zèdes savent vendre leur pays, je suis excitée comme une vierge au bal des débutantes car la rando que nous nous préparons à faire est réputée pour être l’une des plus belles au monde, vous m’avez bien lue L-UNE-DES-PLUS-BELLES-AU-MONDE, on a calculé qu’il faut se lever à 3 heures 1/2 pour choper la navette de 4h45 qui nous emmènera au pied du départ afin de commencer la randonnée à 5 heures, le capitaine m’ayant martelé dans les oreilles une fois de plus qu’on met trop de temps à se mettre en route et que nous sommes une bande de feignants à votre service

– But in the night we won’t see anything ânonné je au monsieur de probable ascendance irlandaise (il ressemble à Brendan Gleeson en plus mince) qui nous explique tout ça

Il me baragouine un laïus que je n’ai pas le courage de tenter de reproduire ici, mais je comprends qu’il y a des centaines de touristes qui font la rando chaque jour et que si on veut être tranquille on a tout intérêt à faire comme il dit, et que ce qu’il y a à voir c’est en haut que ça se passe et qu’il fera grandement jour d’ici à ce qu’on y soit, bon.

Réveil comme prévu à 3h30, saut du lit, petite toilette, œufs brouillés, pâtes, pain, amandes et raisins secs, le ventre plein comme une outre on s’habille comme au ski parce qu’il fait 4 degrés et que ça sera pire en haut, on se pèle grave dans le camion (c’est ainsi que nous avons baptisé le camper-van), le capitaine a déjà rejoint l’endroit où se trouve la navette, je m’y pointe à mon tour, la nuit est si noire que je ne vois rien ni personne, ah si ! Le capitaine !

– Il n’y a personne ? On est les premiers ?

– Nan ! on est les derniers ! comme d’hab ! Grouille toi !

Je me grouille aussi sec et monte dans la navette blindée de monde, les gens mangent des trucs sur leur siège alors bien entendu qu’ils ont gagné du temps, c’est mauvais comme tout pour la digestion, et nous voilà partis.

Le Tongariro Alpine Crossing ! balisé et panneauté en long, en large et en travers, je ne risque pas de me perdre ! La randonnée s’effectue en traversée à travers 3 des plus grands volcans de la Nouvelle-Zélande : le mont Tongariro, le mont Ngauruhoe et le mont Ruapehu, tous les 3 sacrés chez les Maoris.

On a laissé les autres partir devant pour être tranquilles (ils sont partis comme des flèches pour nous semer), je dis au capitaine que j’ai l’impression qu’on part du camp de base de l’Everest pour partir à son ascension, ce qui lui provoque l’ébauche d’un sourire, ma pensée magique est toujours très vive

Nous voyons le ciel s’éclaircir progressivement au fur et à mesure de notre avancée, mais les montagnes cachent toujours le soleil, et c’est en arrivant dans le Red Crater à plus de 1800 mètres d’altitude (pour l’Everest, tu repasseras) qu’il fait grand jour et bien froid

Et là :

Et là ! la fameuse montagne du Destin gravie par Frodon dans le Seigneur des Anneaux (c’est le mont Ngauruhoe) ! Alors je n’ai jamais tenu plus d’une demi-heure à tenter de regarder ce film tellement ça ne m’a pas intéressée, mais comme c’est écrit partout il aurait fallu que je sois vraiment illettrée pour ne pas être au courant. Nous immortalisons la montagne, chacun avec notre téléphone qui sait tout faire, nous sommes seuls dans le cratère, c’est juste gran-diose !

Jusque là, petite rando tranquille même s’il a fallu grimper sur quelques rochers, mais sortir du Red Crater est une autre histoire car nous marchons et dérapons dans des éboulis de lave et la pente est fort raide, en plus il y a un vent pas possible et je gravis la suite avec ma capuche sur mon bonnet et les doigts gelés, je dois ôter mes lunettes pleines de la buée de ma respiration, nous arrivons en haut plein brouillard et vent glacial

avec de la neige ça serait vraiment l’Everest !

Qui dit arriver en haut dit mourir là ou redescendre en bas, est-ce un choix, le début de la descente demanderait de chausser des skis : la pente est raide, le sol est meuble, les scories de lave roulent sous nos chaussures, c’est dur de se retenir de dévaler, mais avec un peu de chance on aura notre récompense parce que le clou du spectacle devrait être les lacs émeraude qui portent le nom de Ngarotopounamu, ce qui signifie les lacs couleur pounamu, le pounamu étant une pierre appelée également jade de Nouvelle Zélande ou greenstone. Au vu du brouillard épais, nous sommes dans un doute absolu, mais sait-on jamais …

Las, nous aurions dû voir ça :

Et nous avons vu ça :

Mais nous y étions ! Mais nous l’avons vu, de nos yeux vu !

L’émoi passé, il faut ensuite se coltiner la longue descente désertique, que nous finissons sous le soleil mais avec toujours un vent fort et froid

Quand la navette revient nous chercher, notre probable Irlandais d’ascendance est désolé de nous avoir fait lever si tôt parce que ceux qui ont fait la grasse mat’ ont eu une vue bien dégagée quand ils sont arrivés à l’heure où le soleil a eu fini de disperser le brouillard, il nous propose de nous y ramener demain gratis (la navette coûte 60$ NZ par personne) mais nous déclinons, c’est fait et malgré le brouillard, ou grâce à lui, c’était une superbe balade pittoresque qui m’a fait vibrer, et à cette heure là avec le vent et ce brouillard, on a quasiment été seuls tout du long, et ça c’est vraiment du luxe.

En plus le lendemain il faut filer à Wellington pour prendre le ferry afin de passer sur l’île Sud, hop : Wellington nous voilà !

Wellington est la capitale de la NZ, et non pas Auckland comme on pourrait le croire et comme j’y ai cru bravement jusqu’à ce jour, mais ce n’est pas si faux de l’avoir cru car Auckland en a été la capitale jusqu’en 1865, date à laquelle Wellington l’a remplacée, notamment parce qu’étant plus au Sud, elle était mieux placée pour être la capitale des deux îles.

Nous campons sur un parking réservé aux camper-vans à côté de ce trop beau van qui semble être un aménagement de camion pour les chevaux dixit le capitaine

Le parking est au bord de la route et sous le couloir aérien de l’aéroport tout prêt, chouette ambiance bien loin de la carte postale bucolique mais fort pratique pour rejoindre le point d’embarquement pour le ferry …

Visiter Wellington est une autre forme de randonnée, nous faisons au moins 15 kilomètres à pinces pour profiter de sa richesse culturelle et me plonger dans les plantes médicinales de NZ, musée, bibliothèque et jardin botanique, j’apprends qu’ici le Pandanus est le Phormium cookianum et a été nommé ainsi en hommage à James Cook, ce marin explorateur qui a mené 3 explorations dans l’océan Pacifique et a fait le tour complet de la Nouvelle Zélande en 1769.

Cependant ce n’est pas lui qui l’a découverte mais Abel Tasman en 1642 (on notera ci-contre l’hommage qui lui est rendu) cependant il en a établi une carte exceptionnellement précise qui a montré qu’elle comprend deux îles séparées par un détroit qui porte aujourd’hui son nom et que nous allons emprunter en ferry pour passer sur l’île Sud.

J’ai du pain sur la planche pour traduire de l’anglais les informations que j’ai prises sur les plantes endémiques de NZ, mais comme sur toutes les îles que nous avons visitées, il a été importé de nombreux arbres, plantes et fleurs, et je retrouve avec joie de la Germandrée commune qui pousse sur les sols rocailleux du sud de la France et a des vertus diurétiques, toniques et antiscorbutiques, on l’appelle aussi Sauge des bois ou Herbe des fièvres, la voilà cette jolie Germandrée (Teucrium) :

Et du Géranium rosat (une espèce de Pélargonium) bien plus connue sous forme d’Huile Essentielle que pour ses belles fleurs, quand je veux me parfumer je mets une goutte de cette H.E. sur ma nuque, c’est délicieux, elle a de multiples propriétés thérapeutiques car elle est anti-infectieuse, bactéricide, antifongique, astringente, anti-inflammatoire, cicatrisante, hémostatique, antalgique, tonique lymphatique, elle repousse les insectes (c’est pour ça que c’est bien d’en mettre dans des jardinières devant ses fenêtres) et régénère les tissus cutanés et elle fonctionne très bien pour les problèmes d’acné, quelle plante !

Et pour finir aujourd’hui, du Millepertuis ! Ou Herbe de la Saint Jean et encore mieux Herbe aux fées, Herbe aux mille vertus ou encore Chasse-diable, il s’agit du Millepertuis officinal (Hypericum). C’est une des plantes dont les propriétés thérapeutiques ont été abondamment étudiées. Traditionnellement utilisé en applications locales contre les brûlures superficielles, le millepertuis est désormais plus connu pour son usage dans le traitement des états dépressifs transitoires, légers à modérés. L’OMS reconnaît comme « cliniquement établi » l’usage du millepertuis par voie orale dans ces traitements.

Cependant, car il y a toujours un mais, certaines personnes sont allergiques au Millepertuis, et son usage est déconseillé aux personnes qui souffrent de troubles bipolaires, mais de plus il interagit avec un très grand nombre de médicaments et de plantes, ce qui en limite fortement l’usage : plus de 70 substances ou familles de substances ont été identifiées comme interagissant avec le millepertuis … il faut bien voir le type d’interaction car beaucoup d’interactions sont bénignes mais ce n’est jamais parce qu’une plante est naturelle qu’il faut penser qu’elle est inoffensive et en prendre sans se renseigner auprès d’un professionnel, qu’on se le dise. Mais à part ça, ça marche super bien comme régulateur d’humeur !

on est monté au jardin botanique avec le Cable-Car !

A suivre pour découvrir l’île Sud !

Wellington vue du Mont Victoria

Mais avant de partir, vous devez absolument savoir

  • Du poids de mon cerveau : Aujourd’hui, les moyennes retenues sont de 1 450 grammes pour le cerveau des hommes et de 1 300 grammes pour celui des femmes. Cependant, si l’on tient compte du poids corporel moyen, le poids cérébral des hommes et des femmes est proportionnellement le même. Reste la question de l’influence du volume du cerveau sur l’intelligence. Il y a consensus pour affirmer qu’elle est nulle. C’est la qualité qui compte, et non la quantité. Le poids du cerveau d’Einstein n’était que de 1 250 grammes, celui d’Anatole France de 1 000 grammes, et celui de Tourgueniev de 2 000 grammes.
  • L’odeur des œufs trop cuits provient de la décomposition du soufre en sulfure d’hydrogène libéré dans l’air qui produit ce gaz nauséabond caractéristique. Lorsque l’on cuit un œuf, une réaction chimique se déroule entre le fer présent dans le jaune de l’œuf et le soufre libéré par les protéines du blanc de l’œuf. On peut observer, à la limite entre le jaune et le blanc de l’œuf, une fine couche vert bleutée, qui est une coloration due à la libération de sulfure de fer.
  • Le soufre est un minéral, non-métallique, représenté par l’initiale S dans le tableau périodique des éléments. Il compte aussi parmi les oligoéléments indispensables de l’organisme humain. Au 11e siècle, il servait à fabriquer de la poudre à canon, au 15e siècle, on l’utilisait pour désinfecter de la peste noire, depuis la seconde moitié du 19ème il est utilisé avec succès comme antifongique et répulsif dans le monde agricole … et comme arme de guerre puisque sa fumée est toxique. Dans l’organisme humain, le soufre est un des composants des acides aminés soufrés, il entre dans la composition des vitamines B1 et B8 et participe à plus 400 réactions enzymatiques.
  • Et quid des cures d’eau thermale avec des eaux sulfurées : s’agit-il également de sulfure d’hydrogène ? et bien oui, les eaux thermales sulfurées ou sulfurisées en contiennent et sont utilisées avec des dosages précis et selon leur Ph pour traiter certaines affections des articulations et rhumatismes, les dermatoses prurigineuses, les inflammations allergiques ainsi que certaines maladies respiratoires telles que l’asthme, et la sinusite. Pour les affections respiratoires, on dispense cette eau localement sous forme de nébulisations, d’aérosols, de douches pharyngiennes ou d’insufflations…il faut vraiment bien doser !
  • Arsenic :
  • Fallait pas toucher l’arsenic :
  • Antimoine :
  • Mercure :
  • Soufre :
  • Silice :

Jusqu’au pays du long nuage blanc

Nuit calme, bien mais peu dormi, on voit Niue au loin, une vraie galette, ça me fait penser à Marie-Galante, je partage cette pensée au capitaine qui dit que pas lui mais pas du tout alors, bon, on n’est pas obligé non plus de penser la même chose, je lui en fait la remarque s’il se renfrogne quand j’ai mes propres pensées, il n’y aurait jamais de débat si on pensait tous la même chose, l’intérêt c’est tout de même de débattre, je trouve, lui le débat l’énerve en général parce que ça revient à le contredire, ce qui relève plus ou moins du crime de lèse-majesté (plus, à vrai dire)

De près, c’est pas Marie-Galante on est d’accord

Ce qui est chouette quand le temps est calme et qu’on prend le petit dèj sur nos genoux dans le cockpit, c’est qu’on a le temps d’avoir des vraies discussions, on peut même dire que c’est dans ces moments que j’en apprends le plus, et ce matin on parle de la dérive, c’est vachement intéressant parce que ce n’est pas, comme on pourrait le croire, les vagues ou la houle qui font dériver un bateau en le poussant, mais le vent sur la coque et les voiles d’un bateau …devant mon air égaré (un rien m’égare) le capitaine se lance dans un exposé sur la dérive qui a deux origines: le vent et les courants, les dits courants n’ayant rien à voir avec la houle ou les vagues, la houle et les vagues passant sous le bateau mais ne le poussant pas, le courant par contre si, comme si le bateau était posé sur un tapis roulant dans l’océan, selon le sens du courant parfois ça nous fait avancer plus vite, parfois ça nous freine, et d’autres fois ça nous fait dévier de notre cap, mais tout ça POUR REPONDRE A MA QUESTION DE DEPART entre deux bouchées : vaut-il mieux avoir un dériveur ou un quillard ?

Alors bien sûr, on a déjà évoqué le sujet quand on naviguait dans des atolls car les catamarans ou les dériveurs peuvent aller dans des endroits ou un quillard ne passe pas, puisque qu’ils peuvent relever leur(s) dérive(s) – pause : le capitaine me fait remarquer à juste titre qu’on ne devrait pas appeler dérive cette planche qu’on descend dans l’eau pour éviter que le bateau ne dérive, mais qu’elle devrait s’appeler plan antidérive (la définition de la dérive que je viens de donner est de moi et a le mérite de faire comprendre parce que les définitions intelligentes sont incompréhensibles, alors où se place l’intelligence dites moi )

un couple de redressement important = éviter de chavirer et ça suffit grandement pour en comprendre tout l’intérêt

Mais ce qui m’intéresse aujourd’hui, et qui fait subtilement suite aux coups de vent que nous avons essuyés, c’est de savoir quel bateau est le plus susceptible de ne pas chavirer en pleine mer, tenez vous bien, c’est le dériveur qui gagne ! j’en reste pantoise et stupéfaite, c’est terrible parce que par gros vent, la quille fait un croche-pied au bateau justement parce que ça l’empêche de dériver, alors qu’un dériveur ou un catamaran peuvent par gros vent relever leur(s) dérive(s) et glisser sur l’eau sans capoter …

– Mais alors ?! crachoté je mes miettes dans tout le cockpit, mais alors pourquoi t’as choisi un quillard (bougre d’inconscient) ?!

– Parce que c’est plus performant, plus stable et que ça va plus vite

On ne le changera plus …

Carrément une photo du capitaine, de 3/4 arrière OK, mais tout de même, moi j’dis que vous avez bien de la chance (la vache, il est beau hein ?)

On peut se mettre à une bouée, hourra on va pouvoir se poser ! rangeons le bateau, buvons une bière avec du saucisson, jamais rien mangé ni bu de meilleur,  la vie reprend ses droits (comme quand l’infirmière t’apporte un café une fois dans ta chambre après l’opération, c’est de la pisse d’âne mais tu le savoures tel un luxe d’une indécence consommée) il pleuvote et le temps est bas et gris, le capitaine fait de l’eau et moi du ménage et du pain, un peu de lessive, on dîne il est déjà 22h de Niue ce qui fait 23h de Tahiti, on est au bout de nos vies, après ça douche sur la jupe, effondrement sur la couchette, on a décidé de décider demain de ce qu’on va faire par rapport au nouveau coup de vent annoncé, l’heure n’est plus à la réflexion

Au matin il fait beau, comme on ne va pas attendre 5 jours sur le bateau sans rien faire vu qu’on n’a pas le droit d’aller à terre, Niue étant fermée encore aux navigateurs suite au covid, comme on ne va pas non plus filer sur le récif de Minerve car il faudrait naviguer 4 jours et on aurait à se taper cet autre coup de vent annoncé, que j’en ai moyennement envie on va dire, on décide de filer vers les Tonga, c’est ouvert aux navigateurs et on pourra patienter là 1ou 2 jours avant de continuer quand le vent sera redevenu plus urbain

… aussitôt dit, aussitôt fait, c’est parti au portant, spi aussitôt envoyé aussitôt affalé, le vent, farfadet malicieux, a déjà tourné, ma frange s’est coiffée horizontalement à gauche, signe de tribord amure, j’en fais la remarque au capitaine qui sourit du coin des yeux, 15 nœuds, vent à 130 degrés, on avance doucement à  5/6 nœuds, ça réconcilie avec l’océan

Le jour suivant, le vent oscille paresseusement entre 10 et 13 nœuds, quasiment de plein Est, et comme on va quasiment plein Ouest on se retrouve avec un vent plein cul de chez plein cul, alors problème parce que le mieux est de mettre le spi mais la GV va lui couper le vent … le capitaine tranche, on va affaler la GV et envoyer le spi allez zou

– ok, mais comment on fera pour affaler le spi sans le déventer sous la GV ? soufflé je du bout des lèvres pour ne pas paraître remettre son idée en question

– faudra pas attendre d’avoir 20 nœuds pour affaler … spi-pointe t’il de l’index

sous spi et rien que le spi

Pas bien longtemps plus tard le vent, imprévisible par nature, monte à 15/16, s’emballe soudain à 20, faut affaler fissa, on fonce à la manœuvre, le spi est ballotté à droite et à gauche et le bateau suit, le capitaine me crie son idée de mettre le génois pour déventer un peu le spi, on déroule le génois mais en étant plein cul il claque au vent, ça ajoute une jolie note au cirque ambiant, il faut affaler coûte que coûte avant que le vent ne forcisse encore, je donne un max de mou au bras puis saute sur la drisse de spi pour affaler afin que le capitaine puisse le récupérer sur bâbord, pourvu que le spi ne s’envole pas avec le capitaine, se passer de spi je saurais faire mais du capitaine c’est une autre limonade, voilà que l’alarme du pilote se met à biper car il est largué avec la direction qu’a pris le bateau, c’est vrai que c’est n’imp ce qui se passe ici

– coupe le pilote ! prends la barre !

je bloque la drisse de spi au taquet et saute sur la barre

– pour aller où ?!

– le cul au vent !

Mais rien à faire, le bateau n’obéit plus, il s’est mis de travers au vent car le spi est sur bâbord, gonflé contre la coque pour une moitié, l’autre gisant dans l’eau, le capitaine agrippé à lui pour éviter qu’il ne s’envole, impossible de le mettre cul au vent !

– alors mets toi face au vent !

Tout aussi impossible, logique, le spi est gonflé en travers et pousse le bateau, pour le coup je comprends bien tout sur la dérive, rien de tel qu’un exercice de terrain, je laisse tomber ces vaines tentatives pour aider le capitaine qui abandonne le spi pour aller à l’étrave décoincer le bras qui est bloqué et nous empêche d’affaler, pendant que j’enroule le génois qui ne fait rien que nous embêter à claquer de droite et de gauche et envoie valser les écoutes qu’on va finir par se faire éborgner si ça continue, le capitaine revient en zigzaguant au rythme du bateau ivre, on reprend là où on en était, réussissons à récupérer la partie supérieure du spi dans le bateau, reste à remonter le reste qui flotte dans l’eau, on le hisse en ahanant, peur de le déchirer, le vent le gonfle par endroit  comme des bulles chewing-gum géantes, je me jette dessus à 4 pattes pour éviter qu’il ne s’envole à nouveau, c’était bien la peine de prendre une douche, et puis on y arrive, c’est gagné, no comment sur le moment mais un peu plus tard j’avouerai au capitaine que c’est pour ça que le spi, j’aime moyen, à chaque fois il y a une merde, c’est clair que ça l’amuse lui, du moins tant qu’on ne déchire pas le matériel, il est tout guilleret de la tribulation, ça met du peps, on finit par mettre le génois tangonné point-barre, le vent redescend à 15, toujours plein cul, on avance à 5/6 soit ce qu’il faut pour arriver demain matin à la première île des Tonga du nord, à savoir Vava’u, que demande le peuple (je suis, le peuple)

sur la carte

C’est époustouflant de naviguer entre toutes ces petites îles, encore une découverte, on n’a jamais rien vu de tel !

et in situ

on s’est posé là, devant Neiafu, amarrés comme des chefs à une bouée sous une pluie battante, on a beaucoup de pluie depuis qu’on a quitté Maupiti, c’est dingue qu’il flotte autant

Nous filons faire la clearance et nous dirigeons en sautant d’une flaque à l’autre vers un vaste hangar que l’on nous a indiqué, quelques bougres (comme dit le capitaine) sont collés devant un téléviseur qui hurle un match de foot, on dérange mais ça n’émeut pas le capitaine qui sort ses paperasses et les agite sous leur nez, un des bougres se lève et traîne ses pieds jusqu’au bureau, nous sort toute une liasse de feuilles à remplir et finit par baisser le son du téléviseur pour faire un peu sérieux, il nous demande notre date d’arrivée, c’est facile, c’est aujourd’hui, le 2 novembre

– today ? november the third ?

– no, today, the second !

Le gars nous regarde de travers, nous lui rendons un même regard tout autant de travers, des cow-boys qui se jaugent avant de dégainer, on ne peut pas être ici et dire qu’on arrivera demain, c’est quoi ces foutaises ?

Et puis, éclair de génie, je me tourne vers le capitaine et lui tapote la cuisse d’excitation

– bon sang ! ça veut dire qu’on a passé la ligne du temps ! on n’a pas eu de 2 novembre ! on est passé directement du 1er au 3 !

– la ligne du temps ? c’est quoi ça ?

Bon, en fait c’est la ligne de changement de date mais je trouve que de dire la ligne du temps c’est plus mystérieux, plus magique, plus sciencefictionnel, plus dingue quoi ! Le passage de la ligne de changement de date fait passer d’un jour à l’autre à une même heure ou plutôt à un même moment de la journée, pouf un jour disparaît en un nuage de fumée !

– tu te rends compte ? on nous a privé de 2 novembre ! (alors qui on, dans quel but obscur vouloir nous en priver, je ne m’attarde pas sur ce genre de détail) … tu sais quoi ? l’an prochain on fait une fête à tout casser le 2 novembre !

Une fois calmée de l’effet que cette incroyable nouvelle a eu sur ma personne, le gars qui n’a rien compris de mon émoi nous demande des sous, le capitaine fait un saut dans une banque car nous n’avons pas d’argent tonguien, pendant que je regarde, émerveillée, le préposé (quand je dis préposé c’est que c’est impossible de savoir s’il est douanier, flic ou pêcheur qui arrondit ses fins de mois) coller des vignettes à la gloire des Tonga et mettre des sceaux et des tampons sur le document de clearance, c’est magnifique, on se croirait à un tribunal révolutionnaire qui tient à affirmer sa légitimité à coups de cachets et blasons officiels, je dirai au capitaine de me le donner quand il n’en aura plus besoin mais on nous le prendra en Nouvelle Zélande sans que je l’ai même photographié, je suis dègue

on ne sait pas si c’est la capitainerie, la gendarmerie, la douane … les trois ?
mais c’est là qu’on peut voir le foot

Et puis un rangement-de-bateau-courses-de-fruits-et-légumes-free-wifi-de-resto-pour-répondre-aux-mails-et-repas-au-dit-resto-tellement-pas-cher-comparé-à-Tahiti ! plus tard, nous hissons à nouveau les voiles, bien requinqués, direction notre prochaine escale.

départ vers le soleil couchant, en se faufilant entre toutes ces petites îles

Le lendemain matin nous passons devant la dernière île nord des Tonga, notre passage aura été bref mais nous aurons vu les Tonga et je dis au capitaine que ça m’a fait drôlement plaisir de les voir !

Le second soir, le capitaine accepte de goûter à la soupe miso en fronçant le nez au dessus du bol comme si les émanations de l’enfer allaient lui brûler les sourcils, il se lance courageusement et finalement apprécie, aimer serait un bien grand mot, mais ça commence à cailler et une petite souplette pour se réchauffer la couenne est bienvenue, on se croirait au ski, limite si on ne se file pas des grandes tapes dans le dos pour se réchauffer

Dans la nuit le vent adonne et descend, le capitaine tangonne le génois pendant que je dors, j’entends du bruit alors je me lève au radar pour l’aider (j’aurais pu crier SILEEEEEENCE !!! je me suis abstenue ne sachant pas s’il apprécierait la blague) mais c’est quasi fini, il me dit de retourner au dodo, je retourne au dodo, et puis au matin on arrive sur Minerva Reef, le récif Nord de Minerve, je crois le mouillage le plus improbable qui puisse être, top one des endroits les plus inattendus au monde, quand je pense que certains croient que le summum c’est de posséder une Rolex à cinquante balais, ça fait pitié

Pas l’ombre d’une île, juste quelques moutonnements à fleur d’eau … but where are we ?(je me réentraîne à baragouiner un vague anglais) :

à droite le reef Nord, à gauche le reef Sud
ces photos et celle du dessus viennent d’internet, n’ayant pas investi dans un drone

Et encore, le sable qu’on voit a été importé en barges en 1971 par un promoteur immobilier millionnaire de Las Vegas qui voulait y fonder une société et s’était fait élire (par qui ?) président avant de se faire destituer en 1973. En 1982, un groupe d’Américains, encore mené par ce fameux promoteur Morris Davis, avait tenté d’occuper les récifs, mais avait été expulsé par les troupes de Tonga après trois semaines, les gens sont fous !

On a, l’une le nez collé sur Navionics car le capitaine a vu quelque part que la passe n’y était pas indiquée au bon endroit, l’autre les yeux écarquillés pour la repérer, ce qui nous fait arriver dans le mascaret sans avoir affalé la GV mais comme on y est on ne se pose pas de questions, on se met face au vent pour affaler pronto, on peut dire que ça danse alors on fait comme on peut et la voile n’est pas très proprement pliée au grand dam du capitaine, on enquille la passe sans problème, je précise que celle-ci est notée au bon endroit sur Navionics si vous y allez un jour

3 bateaux au mouillage, pas un cocotier, des voix américaines à la VHF qui s’invitent entre bateaux pour le lunch, j’espère qu’on va y couper parce que les Ricains m’épuisent à force de faire semblant de comprendre leur charabia débité comme s’il fallait caser un maximum de mots dans une vie  pour gagner le paradis

C’est bien, on est au sec et à l’abri du coup de vent qui se prépare, et alors qu’en mer on ne voyait aucun bateau en vue ni sur l’AIS, plusieurs arriveront dans la journée pour s’abriter comme nous, on finira à 9 bateaux au mouillage …

Bon, c’est pas tout ça, on a des choses à faire avant d’arriver en Nouvelle Zélande, notamment caréner le bateau parce qu’on ne peut pas arriver là bas avec une carène sale, ni d’ailleurs avec des fruits ou légumes frais, ni viande ni poisson, non plus que de saucisson, c’est bien un des rares trucs de frais qui nous reste outre un chou rouge, quelques bananes, un ananas et 2 aubergines acquises à Vava’u, on mangera tout avant d’y arriver ou il faudra les balancer à la mer, on en profite pour faire des tris et ranger le bateau

c’est tout de suite le bordel sur un bateau

Il pleut souvent, et fort, alors le capitaine décide de changer l’anémomètre car la pluie à seaux semble être à la source des ratés du pilote, je ne savais pas qu’on avait un anémomètre neuf, ça fait plaisir, je le monte au mât entre deux saucées, mais quand il installe le neuf ça met le pilote en court circuit, il faut remettre le vieux, manquerait plus que le pilote nous lâche en plein baston, quand je pense à ça je comprends les marins qui picolent, ça s’appelle l’empathie

Plus tard on regarde différents modèles de météo, ils ne sont pas d’accord, on ne sait pas quand partir pour éviter le baston ou la molle ou le vent dans la gueule, on fait des calculs, on prend la règle pour voir où on sera et quand, autant se fier à la queue d’un chien qui battra à gauche ou à droite pour se décider … le capitaine délibère solitairement en long en large et en travers et décrète, en envoyant balader les modèles météo, qu’on partira samedi matin parce qu’on ne va pas moisir ici, et puis on verra bien, et c’est vrai qu’on verra bien, je lui fais confiance et aussi au bateau alors autant y aller, ça nous laisse demain vendredi pour caréner le bateau, le vendredi il fait un temps de chiotte, de la pluie, du vent fort, le capitaine passe 4 heures sous l’eau en tenue de plongée, je finis d’astiquer le bateau et cuisine d’avance pour quelques repas parce qu’il y a un des modèles qui ne prévoit pas de molle du tout sur la route si je puis me permettre :

le rouge et le pourpre c’est du baston … je décide d’arrêter de regarder les modèles météo !

Le soir le capitaine, crevé, s’écroule, le coup de vent prévu est bien là, ça souffle comme si une armée de flutiaux faisait une fanfare, et on a beau être au mouillage ça bouge sévère, le capitaine dort comme un plomb, on doit partir demain matin et je me demande si c’est judicieux, le vent finit par se calmer et je m’endors enfin, comme si demain n’existait pas …

Mais demain existe et c’est une bonne nouvelle, le temps est beau, le vent tellement tombé qu’on s’en va au moteur, 5 nœuds plein cul, on prend vers les Kermadec pour essayer de trouver de l’air mais tu parles, on passe de 4 à 12 nœuds et aussitôt à 2, 6, 8 … 3, pour couronner le tout il y a une grosse houle d’Est qui nous prend en travers et on est ballotés comme des culbutos, heureusement qu’on est amarinés

La combi du capitaine sèche et se balance, c’est le pendu dit le capitaine, ça me rappelle un jeu de quand j’étais petite ça, le pendu, vous vous rappelez ? (pour ceux qui ont oublié : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pendu_(jeu))

Pour trouver de l’air, le capitaine a donc décidé de descendre plein sud, on obliquera plus tard vers l’ouest, ça rallonge un peu la route mais victoire, au bout de quelques heures de moteur le vent arrive, on peut enfin hisser les voiles, le vent dans les voiles tient le bateau et on est moins ballotés, on l’est quand même, ça perdrait de son charme sinon …

Dès le lendemain, vent fort, mer agitée, on navigue le plus souvent à 130 degrés du vent sous GV et génois, aussi quelques heures sous génois tangonné et au plus fort sous 1 ris + trinquette, ciel gris souris, uniforme et infini, pluie, tout est humide et froid, on a changé de planète, ça dure 2 jours et 2 nuits à s’habiller comme des cosmonautes et à s’attacher au bateau pour manœuvrer dans ce vent et cette pluie, mais c’est vrai que ça occupe sainement de manœuvrer, on voit la mer, on sent le vent, je ne pense pas et ne me pose pas de questions, je n’ai pas peur, je comprends mieux ce qui se passe qu’à l’intérieur du bateau, à l’intérieur je subis, à la manœuvre je fais partie du jeu, je suis utile, je suis une autre …

il pleut le jour, il pleut la nuit, il pleut toujours dans ce pays

NB : mettre le cristal coupe incroyablement le bruit, ça change pas mal la perception des éléments !

Et puis ça se calme, ça finit toujours par se calmer, et au matin, un albatros ! pendant le petit déjeuner dans le cockpit trempé assis sur nos culs mouillés, on le regardait tracer des ellipses dans le ciel, majestueux et immense, je ne pouvais pas le prendre en photo parce que je m’étais fait un sandouiche de pancakes avec du nutella (houuuuu la vilaine !) et j’en avais plein les doigts, le capitaine a dit la bouche en cul de poule qu’heureusement qu’il avait fini son petit dej en me voyant m’enfiler ça, parfois je me tape une hérésie nutritionnelle et je m’en fous à un point proche de mon inintérêt pour le Pléistocène, je mange en trouvant ça trop sucré tout en me régalant comme une gamine qui vide les fonds de verre au mariage de tonton, l’exception permet tout, l’interdit sublime tout, bref, j’ai tout de même réussi à le pécho un peu plus tard mais il était beaucoup plus loin de nous :

Et puis re-flotte, le capitaine n’hésite pas à aller manœuvrer seul pour que je ne me fasse pas tremper et pousse même la générosité à mettre son gilet de sauvetage avec la flash-light afin de me faciliter la tâche au cas où je devrais aller le récupérer s’il tombait à l’eau, il est d’une prévenance charmante … il faut dire que plus tôt je m’étais pris une vague en pleine poire et avais manœuvré pendant une bonne heure avec plus un poil de sec, il a eu pitié de me voir claquer des dents

du coup je bouquine sur la couchette du carré

Le 14 novembre à 14h10 locale soit 1h10 GMT, on passe l’antiméridien, l’antiméridien c’est l’équateur des longitudes peut-on dire ! On est passés en longitude Est, le capitaine s’exclame que ça sent le retour à la maison !

Mais point de rhum pour fêter ça, ça ne se fête pas comme le passage de l’équateur, pas question d’arroser le bateau et l’équipage de champagne comme en dansant sur les tables de la Voile Rouge à St Trop (quelle époque !) pourtant passer à 180° de longitude c’est quelque chose bordel !

Nuit suivante, on empanne sous une pluie battante et un vent à 30 nœuds établis, gilets de sauvetage et attachés avec une longe à l’avant du bateau ou en pied de mât pour changer le tangon de côté, en cirés, bottes, bonnets, malgré tout la pluie ruisselle dans mon cou et mon dos et aussi dans ceux du capitaine à voir sa tête, au matin il faut empanner de nouveau car le vent a tourné plein est, mais il ne pleut plus, ça caille quand même, le capitaine me demande si je tiens le coup, c’est bien qu’il me l’ait demandé aujourd’hui car je me suis habituée, s’il me l’avait demandé la nuit où on a eu du 45 nœuds au bon plein, j’aurais fort bien pu lui répondre que je voulais rentrer à la maison

Un avion de reconnaissance arrive en rasant Cap de Miol, on se croirait en guerre prêts à se faire mitrailler, il nous a appelle à la VHF pour contrôler d’où on vient et où on va, ça fait toujours plaisir de voir et d’entendre qu’il existe encore d’autres humains que nous deux dans ce petit espace devenu froid et humide comme le temps, quand je vais faire pipi j’ai dit au capitaine que ça me rappelle quand j’y allais en plein hiver à la ferme de ma grand-mère, le capitaine dit que j’exagère, jamais de la vie, on se pèle, on vit à l’intérieur du bateau c’est dire, et je me couvre quand je bouquine pour ne pas greloter

16 novembre, pétole, on finit par affaler et mettre le moteur, soleil, mmmmh soleil ! douche bien bien fraîche mais délicieuse, mmmmh propreté ! aéré le bateau pour que ça sèche, mmmmmh air sec ! balancé toute la bouffe prohibée pour arriver en NZ, notamment des farine périmées depuis moult, en espérant que l’avion de reconnaissance ne repassera pas quand on pourrait croire qu’on bazarde de la chnouf par-dessus bord, et pour ne rien gâcher, à midi on finit les cacahuètes, le saucisson et l’emmental , et comme on n’est plus à ça près on achève le chocolat !

soleil, mais on supporte carrément la polaire et le bonnet

On aperçoit les Poor Knights Islands en début d’après-midi et, sur le coup de 16h, l’île nord de la NZ, il reste 35 miles à faire, on arrivera de nuit, on s’en fout, on arrivera !

Grâce au ciel nous entrons dans le chenal de Marsden Cove Marina sans pluie, chenal étroit et peu profond, il fait nuit noire, je suis sur l’étrave avec une lampe torche pour éclairer les bateaux et les pontons privés à droite et à gauche afin que le capitaine puisse voir où slalomer, Navionics d’accord, mais voir ce qui se passe est plus qu’utile parce que les bateaux amarrés aux pontons privés ne sont pas notés sur la carte et ça déborde, on a bien préparé nos amarres et, arrivés au ponton C qui est le ponton d’accueil, je saute dessus, arrime la garde, le capitaine me lance une autre amarre et quand le bateau ne risque plus de se faire la malle, il saute à son tour sur le ponton pour amarrer tout bien comme il aime pendant que je m’occupe d’éteindre les appareils de nav’ et de ranger le fourbi … on est venus jusque là en voilier, on a fait combien de miles ensemble capitaine ? il ne sait pas, mais bon, 16 000 … au moins ! on se couche il est minuit

Dès potron-minet le lendemain, un douanier et un gars de la biosécurité débarquent à bord

au ponton d’accueil, un autre bateau nous y a rejoint dans la nuit

L’un nous tend une pile de paperasses à remplir, l’autre une seconde et, pendant que nous faisons nos devoirs, ouvre le frigo dans lequel ne subsiste qu’un reste cuisiné qu’il nous permet de garder pour notre repas de midi, soulève les planchers et scrute partout avec une lampe torche pour voir si nous n’avons pas de passager clandestin type cafard, blatte ou autre cancrelat, planqué un quartier de bœuf ou un pot de miel dans un recoin, j’ai tellement bien rangé et lavé à Vava’u et à Minerve que tout est rutilant, on mangerait par terre, quand il soulève le plancher où on stocke les bouteilles d’eau il n’en revient pas qu’on ait autant d’eau et si peu de rhum, puis il passe voir la coque, aussi propre qu’un sou neuf, le capitaine n’y a pas été de main morte ce qui fait que je lui ai même demandé si cela n’avait pas empiré sa douleur à l’épaule, haussement d’épaules blasé pour toute réponse, 2 heures après tout est bon, on peut rejoindre notre place dans la marina, il se remet à flotter

Comme on a quelques jours avant de sortir le bateau de l’eau, nous louons une voiture pour faire un tour dans le Nord de l’île Nord … la Nouvelle Zélande, pays du long nuage blanc, est d’une beauté hors norme, des collines verdoyantes avec des troupeaux gigantesques de bœufs ou de moutons, des falaises qui tombent dans la mer, des forêts, des torrents, de l’herbe et de la pluie et du vent et des nuages, un mouvement perpétuel de vie, j’en tombe amoureuse instantanément, un véritable coup de foudre …

les chutes de Whangarei

La marina de Whangarei et ses incroyables arbres de Noël (ils s’appellent vraiment comme ça ces arbres !)

Opua
Les dunes géantes …
de Te Paki

Cape Reinga, une fin du monde …

la Nouvelle Zélande c’est 5 millions d’habitants, 10 millions de vaches, 29 millions de moutons, des kiwis et des kiwis, des avocats et des opossums !

Et comme prévu, on sort Cap de Miol de l’eau … il va rester ici 3 mois, pendant que nous rentrons en France avant de le retrouver pour continuer notre périple

On passe quelques jours en l’air, faut faire attention de ne pas l’oublier parce que les gens qui tombent d’un bateau posé sur ber sont légion, on m’en a raconté des vertes et des pas mûres, le capitaine, toujours prudent, a pris soin d’attacher l’échelle !

Le dimanche, des oiseaux font leur nid dans la bôme, je les regarde faire, c’est trop chou, ils apportent des brins d’herbe séchée en pépiant, tout heureux d’avoir trouvé un endroit bien abrité, à mon avis le capitaine ne va pas être content, gagné, il bouche le trou de la bôme et chasse les intrus, sinon quand on reviendra on en aura toute une colonie qui aura chié partout, aucun argument ne peut tenir face à ce raisonnement, bye les piafs (tristesse)

Et puis Auckland by bus, puisque c’est de là qu’on prendra l’avion … comme sas de recompression ça se pose là !

tu veux de la civilisation, tu vas en avoir

Sa marina … et ses buildings, vus de la Sky Tower où nous sommes montés pour pas cher grâce au capitaine qui a acheté les billets sur son portable pour trouver une promo quand on a vu les tarifs au bas de la tour, quelle présence d’esprit capitaine !

On visitera l’île à notre retour, il y a tellement de choses à voir et à étudier, c’est d’une richesse infinie, j’ai déjà noté des arbres et des fleurs et des plantes jamais vues ni entendu parlé auparavant ! j’ai hâte !

Pour revenir, ça nous fait quelques heures de vol, escale à Houston, un temps fou pour passer la douane, on court pour attraper notre prochain vol et on réussit à l’avoir in extremis, et puis nous à Londres et les valises à Francfort, normal, et puis la France, 1er week-end de décembre, des vitrines de Noël, une foule qui se presse dans les galeries commerçantes, les gens qui se bousculent, les supermarchés où dégueule de la nourriture et tout ce qui peut se vendre, une surabondance hallucinante, bienvenue sur terre … quelle violence !

et à dans 3 mois les amis !

Mais on ne se quitte pas sans savoir ça !

  • Houle, vague et courants

La zone d’élan permettant au vent de lever une mer s’appelle le fetch. Plus le vent va souffler longtemps et sur une grande distance (donc plus le fetch est important) plus la hauteur des vagues sera grande. Les vagues sont directement issues du vent qui souffle instantanément, c’est la mer du vent. La formation des vagues dépend de la vitesse du vent, du temps pendant lequel il souffle et de la distance sur laquelle il souffle. En l’absence de vent, les vagues continuent librement leur propagation, c’est ce qu’on appelle la houle, qui est engendrée ailleurs, c’est la diffusion d’une onde. La houle c’est le souvenir des vagues, la mémoire du fetch. À proximité des côtes, les vagues et la houle sont modifiées par les fonds qu’elles rencontrent.

Les courants sont des déplacements d’eau de mer qui peuvent s’apparenter à d’immenses fleuves et rivières à l’intérieur de l’Océan. Ce déplacement considérable de masse d’eau répartit l’énergie solaire à la surface du globe et conditionne les températures entre l’équateur et les pôles. Les courants marins à l’image du célèbre Gulf Stream sont ainsi les grands régulateurs du climat planétaire. Les courants de surface correspondent aux déplacements d’eau de mer provoqués par la circulation atmosphérique (vents) à la surface de l’océan. Selon leur position sur le globe terrestre, ces courants sont chauds ou froids. En se déplaçant, ils permettent une meilleure répartition de la chaleur et régulent les climats locaux. De manière très perceptible, ces courants marins de surface suivent la même trajectoire que les vents dominants. Seule la présence des continents empêche les deux trajectoires de se confondre complètement. Bloqués par ces derniers, les courants prennent la forme de tourbillons, appelés gyres. Un autre facteur déterminant dans la direction des courants de surface est la force due à la rotation de la Terre, appelée force de Coriolis. La Terre tourne sur elle-même d’Est en Ouest. Ainsi, dans l’hémisphère Nord les courants sont déviés vers la droite et dans l’hémisphère Sud vers la gauche. Les courants profonds ne sont pas influencés par les vents, contrairement aux courants de surface. Appelés aussi courants de densité, ce sont les différences de salinité et de température qui créent les courants profonds. Sur le même principe que l’huile et l’eau qui ne se mélangent pas, une eau plus dense coule en profondeur sous les eaux moins denses sans s’y mélanger. C’est le froid et le sel qui augmente la densité de l’eau jusqu’à la faire plonger en profondeur. Ce mécanisme est à l’origine de la création de cette typologie de courants qui s’écoulent sur le bassin océanique, sous les eaux de surface moins dense, plus chaudes et moins salées.  Les courants de surface et de profondeur forment ensemble une boucle de circulation permanente à l’échelle mondiale : c’est la circulation thermohaline. Ce phénomène est ici schématisé sous la forme d’un tapis roulant parcourant tout le globe. Les eaux profondes (en bleu) prennent principalement naissance en Atlantique Nord et s’écoulent en direction de l’Atlantique Sud. Ces eaux profondes remontent progressivement puis se répandent ensuite dans l’Atlantique Sud, le Pacifique et l’Océan Indien. Le retour de cette grande circulation dans l’Atlantique Nord s’effectue via des courants chauds (en rouge), proches de la surface, dont la circulation est liée à la circulation atmosphérique (les vents).

On estime qu’une goutte d’eau effectue une boucle complète en un millier d’années environ.

Et, tant qu’à faire, voici la circulation atmosphérique générale, c’est à dire le sens du vent, c’est pas qu’un peu utile de le savoir quand on veut naviguer !

  • Les récifs de Minerva territoire de la République de Minerva brièvement indépendante en 1972, sont un groupe de deux atolls dans le Pacifique, au sud des îles Fidji et Tonga. Leur nom vient du baleinier Minerva parti de Sydney en 1829 qui s’est échoué sur le récif au sud. Un album de bande dessinée « Un empire sur pilotis » de Norbert et Kari de Godard est inspiré par l’histoire de la République de Minerva. Les deux récifs servent souvent de lieu d’ancrage aux yachts voyageant entre les îles Fidji et Tonga et la Nouvelle Zélande. North Minerva (Teleki Tokelau) offre l’ancrage plus protégé avec un passage unique, facilement négocié, orienté à l’ouest donnant accès à la grande lagune calme, et South Minerva (Teleki Tonga), en forme de 8, est plus difficile à aborder, surtout avec une mer agitée. Le capitaine a choisi le Reef Nord.
  • Le Pléistocène est la première époque géologique du Quaternaire et l’avant-dernière sur l’échelle des temps géologiques. Elle s’étend de 2,58 millions d’années à 11 700 ans avant le présent. Elle est précédée par le Pliocène et suivie par l’Holocène.
  • La Nouvelle Zélande est la Terre du long nuage blanc (Aoetaroa : nom maori de la Nouvelle-Zélande, signifie Terre du long nuage blanc) : la légende veut que les premiers Maoris arrivèrent en pirogue depuis la Polynésie. La première image qu’ils eurent de la Nouvelle-Zélande fut cette île enveloppée d’un long nuage blanc. D’où le nom qu’ils lui donnèrent.
  • L’opossum d’Australie, ou phalanger-renard, est arrivé en Nouvelle-Zélande dans les années 1850. Il a été introduit par les colons qui souhaitaient avoir des ressources de viande et de fourrure supplémentaires. Libérés de leurs prédateurs australiens comme le varan bigarré et se reproduisant deux fois par an, les opossums ont proliféré. Leur population est montée à plus de 60 millions d’individus. Le problème est que ces petits marsupiaux dévorent tout. Ils aiment particulièrement les arbres feuillus et entrent ainsi en compétition pour la nourriture avec les oiseaux indigènes. De plus, ils dévorent aussi les œufs de nombreux oiseaux. Enfin, ils sont également porteurs de la tuberculose bovine qui affecte les élevages. Pour limiter leur population, le gouvernement a donc mis en place un plan de contrôle dans le but d’éradiquer tous les prédateurs d’ici 2050.  Grâce au plan de contrôle de la population, le nombre d’opossums est aujourd’hui d’environ 30 millions soit deux fois moins qu’en 1980. Mais pour que leur population ne menace plus l’écosystème local, il faudrait que ce chiffre soit encore divisé par dix. C’est un véritable fléau, les néo-zélandais les haïssent et donnent volontiers un coup de volant pour les écraser sur la route (on en a vu pleins écrasés sur les routes !)
  • Le kiwi doré de Nouvelle Zélande est un fruit jaune et sucré, plus savoureux que le kiwi vert, sa variété «SunGold» brevetée par l’entreprise néo-zélandaise Zespri, se cultive dans l’illégalité dans la région du Sichuan en Chine, ce qui crée des tensions entre la Chine et les Néo-zélandais
  • Le Kiwi austral est un oiseau endémique de la Nouvelle-Zélande, il ne sait pas voler car son son sternum ne possède pas de bréchet, os sur lequel s’accrochent généralement les muscles pectoraux des oiseaux. Ses ailes se sont atrophiées avec l’évolution, lui ôtant la puissance musculaire suffisante pour voler.  C’est le symbole national de la Nouvelle Zélande, avec la fougère argentée

Cap sur la Niou Zilande

On mouille à l’entrée de la baie de Faanui

Mais sur la route, on a encore Bora-Bora à voir, la Mecque des hôtels sur pilotis ! s’exclame le capitaine et ça, pour voir de l’hôtel sur pilotis, on va en voir !

Mais je dis au capitaine qu’on est vraiment mieux sur le bateau

Le mouillage est très réglementé à Bora-Bora et on est obligé de prendre une bouée payante, mais au moins comme ça les fonds sont protégés, par contre quand toutes les bouées sont prises, tintin pour mouiller, encore qu’il existe 2 zones dites libres, mais seulement 5 bateaux peuvent y mouiller sans y rester plus de 36 heures, ça limite, mais bon, nous on trouve une bouée dispo près de la baie de Faanui et c’est bien, et le soir le capitaine décide d’aller manger au yacht-club, on est juste en face et c’est trop la classe, je serais presque prête à leur acheter un teeshirt pour frimer quand j’irai traîner dans des petits ports de seconde zone, mais les teeshirts sont à l’aune du reste, tellement trop chers, je zonerai dans les petits ports avec un bête teeshirt et en prime je n’aurai pas l’air de la connasse consumériste qui se la pète

Et pourtant comme ça, il ne paie pas de mine le Bora-Bora Yacht-Club !

Comme Bora c’est grand (la véritable orthographe de Bora Bora est Pora Pora – première née en tahitien – parce que le B n’existe pas. On l’appelle aussi Mai te pora – créée par les dieux – tandis que Bora tout seul c’est la bora, un vent de terre du Nord Nord-Est, sec et froid, soufflant avec violence l’hiver sur les côtes de l’Adriatique, le capitaine il connaissait même ça dis donc, n’empêche qu’on dit souvent Bora point barre), on loue un scooter pour en faire le tour

On nous a gracieusement pris en photo, le capitaine ressemble parfois à Tintin
ça me permettra de prendre cette splendide photo !

Et puis randonnée, ce n’est pas en scoot qu’on voit les plantes, alors hop on part à l’assaut du mont Ohue qui culmine à 727 mètres, on a vu pire mais, et ce que je saurai après coup, le capitaine s’étant bien abstenu de m’en faire part, voilà ce qu’en disent les descriptifs :

« L’ascension du mont Ohue est difficile et très raide par endroits. Renseignez vous sur la météo et n’hésitez pas à contacter un guide en cas de doute… Certaines parties très raides peuvent être un peu dangereuses, soyez patients et vigilants… A la redescente, après la série de cordes, attention à bien longer de nouveau la falaise par la gauche sur environ 500m, sans prendre les premiers sentiers qui descendent dans la forêt sur votre droite »

Quand je vous dis que le capitaine ressemble à Tintin reporter, tout est dans sa mise

Alors je confirme, c’est raide, glissant, humide, ça relève presque plus de l’escalade que de la rando, autant vous dire que je n’ai pas fait beaucoup de botanique ce jour là ! ils sont fous les bora-boriens !

Le capitaine connaissant du monde jusqu’à Bora-Bora, dont une monitrice de plongée qui travaille là, Christel (elle fait faire aux touristes des baptêmes en scaphandrier comme dans Le Trésor de Rackham le Rouge), nous passons une soirée ensemble au yacht-club où nous allons prendre des habitudes si ça continue, et avons droit à une soirée dite typique polynésienne avec des danseuses et un danseur du feu, je suis en joie à cette idée mais, pour tout dire, on est loin de la légende polynésienne avec ses filles de rêve au déhanché diabolique et ses garçons affûtés comme des indiens d’Hollywood …

On voit des bouts du capitaine, avec de la patience vous pourrez bientôt réaliser un puzzle, il se fiche comme d’une guigne des danseuses et parle de quoi, je vous le donne en mille … du programme !

… mais j’applaudis à tout rompre parce que je sais ce que c’est que de danser pour distraire le chaland, jadis je menais une troupe de pom-pom-girls et on faisait le show aussi bien pour le FC Metz à sa grande époque (bien révolue) que pour inaugurer la dernière Peugeot au garage du coin, ou encore émoustiller les flics à la fête de la gendarmerie, un sacerdoce

on était mignonnes dis donc

Le capitaine, jamais à court d’idée en général et de navigation en particulier, décide de changer de coin, nous voilà donc partis vers le motu Toopua où, paraît il, il est du dernier cri d’aller y plonger …

On ne nagera guère, pour ne pas dire pas du tout, la pluie tombant dru et serré ne nous y invitant guère, et puis il n’y aura pas de bouée de libre alors on reviendra mouiller devant le yacht-club, soulagés qu’il reste encore une bouée de libre, la nôtre (remarquez comme la nature humaine a tendance à s’approprier les choses) ayant été prise par un ostrogoth (nom masculin – qui ignore les bonnes manières et se comporte de manière grossière comme le ferait un barbare)

c’est la capitaine qui a voulu y aller, c’est lui qui n’a qu’à se mouiller

Aussi beau soit-ce, on ne s’attarde pas plus et allons faire notre clearance de sortie de la Polynésie Française à Vaitape, principale agglo de Bora, c’est vrai que ça existe les clearances ! on n’en a pas fait depuis les Gambier ! heureusement que le capitaine pense à tout (à tout !) parce que moi je serais partie le nez au vent et paraît il que c’est illégal de ne pas faire de clearance de sortie quand on part pour un autre pays, j’hoche la tête avec de grands mouvements approbateurs pour faire comprendre au capitaine que j’ai bien compris et qu’il peut se passer de me le répéter plusieurs fois en haussant le ton à chaque redite afin d’être certain que c’est rentré une fois pour toute dans ma caboche de linotte

on y va en annexe
sa mairie
son église

Direction la gendarmerie où une affiche me fait rappeler ce que différents popas m’ont raconté à propos des violences d’ici, alors que les gens ont l’air adorables, les femmes battent les maris, les maris battent les femmes, les deux s’y mettent pour battre les enfants, les incestes sont légion, les viols aussi, je n’en reviens pas, le rêve polynésien fait plus que de fendiller, il se fracasse, où que l’on soit le monde est brutal, comme dit le capitaine quand il lit les nouvelles : on n’est pas sorti de l’auberge, ici on a eu facilement accès à internet donc aux infos et il s’y est collé plus que de raison, ça le rend pessimiste, moi j’évite, je préfère m’intéresser aux plantes, ça m’épargne un ulcère

l’affiche chez les flics, faites tourner si vous avez affaire à ce genre de comportements

Notre prochaine étape est donc la Niou Ziland (c’est bientôt fini de parler confortablement le français, va falloir se remettre à l’angliche) mais, avant de quitter définitivement la Polynésie Française, petite halte à Maupiti, c’est sur notre route et le temps nous permet d’entrer dans la passe, ce qui n’était pas le cas il y a deux jours, la pluie et le vent rendaient l’entrée impossible, les locaux nous ont dit que c’était un temps à se faire claquer sur le récif, on a évité, aujourd’hui ça bouge un peu mais c’est peanuts

je me sens malgré tout plus légère une fois passée la passe, on se demande pourquoi

tête de quand ça va mieux (j’en reviens pas d’être si bien coiffée sur cette photo) (mais tout est relatif, je vous l’accorde)

Le capitaine m’apprend (que ne m’apprend il pas) qu’ici c’est plein de raies et que c’est le jour où jamais si je veux en voir, banco, nous voilà partis en annexe avec palmes, masques et tubas, on balance l’ancre de l’annexe par deux mètres de fond entre les coraux, je m’apprête à me laisser glisser dans l’eau quand le capitaine me stoppe d’un geste vigoureux et m’invite à (me somme de) faire comme les plongeurs pro : partir de la position assise sur le boudin de l’annexe et me laisser basculer en arrière dans l’eau … je pouffe, lève les yeux au ciel et descend vaille que vaille dans l’eau en m’accrochant des deux bras au boudin de l’annexe, autant dire que je l’envoie sur les roses lui et son idée saugrenue, en même temps il continue de croire en moi, c’est dingue, on fait un petit tour dans le coin, voyons quelques coraux et leurs poissons colorés mais point de raie, nous revenons à l’annexe et je me hisse dedans à la manière d’une otarie avec mes palmes en guise de nageoires, honk honk honk, le capitaine a de la peine pour moi mais je m’en fous comme de ma première trottinette que je n’ai jamais eue, dépités nous filons vers un autre motu avec pour projet d’en faire le tour à pied, nous y voilà et on se balade gentiment en tirant l’annexe derrière nous, de l’eau jusqu’aux genoux, et soudain … une raie passe à quelques mètres de nous … je saute sans bruit sur mon masque et mon tuba, m’allonge dans l’eau et commence à brasser dans sa direction, je n’ai pas eu le temps de remettre mes palmes et ça me fait l’impression d’avoir les jambes coupées sous le genou, je rattrape tout de même la raie et nous nageons côte à côte pendant quelques minutes, à ras du sol, et puis elle se lasse, fait un angle à 90 degrés et file, je reviens à l’annexe et bondis de joie devant le capitaine qui me montre une autre raie, là ! une autre ! je repasse aussitôt dans l’eau en douceur, la raie s’avance vers moi et nous nous retrouvons face à face, elle s’arrête et me regarde, les yeux dans les yeux, j’en ai le souffle coupé, je fais ooooh dans mon tuba, lentement elle commence à se déplacer, une soucoupe volante, je pars avec elle, à un moment elle s’arrête et s’enfonce dans le sable, immobile, je patiente, immobile autant qu’elle, et puis elle s’ébroue et nous repartons de concert, je la laisse continuer sa balade et vais retrouver le capitaine, passe le reste de la journée à m’exclamer sur le sujet, seul un léger tic au coin de sa paupière montre qu’il ne supportera plus longtemps mon allégresse, je me le tiens pour dit (c’est bizarre tout de même parce qu’en parlant avec des gens qui sont allés à Maupiti, ils ont vu des tas et des tas de raies, le capitaine et moi restons cois en nous interrogeant mutuellement du coin de l’œil pour ne pas passer pour des brèles)

Il n’est pas tard, nous avons encore le temps de louer des vélos pour faire le tour de l’île qui se fait en deux heures à tout casser, on ne compte pas s’éterniser ici car y’a d’la route jusqu’en NZ alors hop au trot

le bleu pour les garçons et le rose pour les filles
on ne risque pas de se tromper, il n’y a qu’une seule route
le capitaine a dit qu’on pouvait descendre tranquille, je crois que j’ai niqué les freins de mon vélo
la mer lui manque déjà

On passe devant le palais de corail d’Akhy ou Ah Ky mais c’est fermé, Ah Ky Firuu est un chanteur polynésien connu (vous connaissez ?) qui a commencé à construire son palais il y a une vingtaine d’années et ne l’a toujours pas fini.  Il cherche à reproduire l’ambiance d’un fond marin à l’intérieur de sa maison, déjà vu de sa barrière c’est quelque chose :

Et rando le lendemain, inévitablement, le Mont Teurafaatiu qui ne culmine qu’à 372 mètres, de la gnognote me dis-je, pourtant je sais qu’il n’est jamais bon de préjuger, je le sais mais il m’arrive encore de préjuger, on va bien s’amuser, ça va être beau, ma recette sera réussie, et j’en passe, au début ça m’amuse d’escalader des rochers de plus en plus hauts, mais plus ça monte plus c’est haut, et la vue a beau être épatante …

épatante

… c’est dur … arrivés presqu’en haut, haletante comme un chien par 50 degrés à l’ombre, nous tombons au pied d’un mur encore plus haut, et bien qu’il y ait une corde pour se tenir, je ne veux plus continuer, je me mets à pleurnicher cramponnée au rocher, je sais que je peux monter, mais ensuite il faudra redescendre et mon problème c’est la descente, je ne sais pas où poser le pied, je vois le vide, si je lâche je m’écrase comme une merde, j’ai peur,

– j’ai peur je te dis !

– mais non ! tu peux le faire ! je sais que tu peux le faire !

Son discours racoleur de coach à la con me laisse de glace et je le laisse aller seul jusqu’au sommet, continuant de sangloter, toute honte bue, assise au pied du mur

je sanglote au pied du mur

Je finis par manger le chocolat que j’ai dans mon sac et me laisser distraire par ce joli lézard jaune (sûrement celui qui a donné son nom à Moorea), si je suis toujours en larmes de dévastation jusqu’au trognon quand le capitaine redescendra il ne comprendra pas, je ne sais pas si c’est l’homme en général ou le capitaine en particulier qui n’est pas apte à comprendre ce genre de truc, et puis j’entends sa voix

– isa ?! t’es là isa ?!

à son ton, on dirait même qu’il a peur pour moi, ou alors que je me sois barrée, dégoûtée de la vie, je me mets debout, lui fais signe et on redescend tous les deux, je suis au bout de ma vie que je lui dis, il ne me croit pas allons allons isabelle ! alors nous allons allons

on sort par la seule passe bien étroite comme on peut le constater

Le lendemain on s’en va, bien qu’un coup de vent soit annoncé pour dans deux jours, mais le capitaine m’explique qu’on s’arrêtera à Maupihaa (qui s’appelle aussi Mopelia pour simplifier les choses), le temps de laisser passer ce coup de vent, à savoir que la passe de Maupihaa est bien plus étroite que celle de Maupiti et que si ça se trouve on ne pourra pas y entrer, advienne que pourra, de toutes façons on est partis

Quand on navigue près des îles ou des atolls, on fait des vrais quarts, il y a risque de croiser des pêcheurs ou des plaisanciers, guère de cargos dans le coin mais sait-on jamais, le soir venu je prends donc le 1er quart et laisse le capitaine dormir jusqu’à 1 heure, à son réveil on manœuvre, je me couche il est déjà 2h, m’endort probablement pas avant 3, debout 6h30 pour entrer dans la passe, je baille à m’en décrocher la mâchoire, plus on approche, plus ça remue … on se regarde avec le capitaine

– ce qu’il y a c’est qu’on ne peut pas faire demi-tour une fois dans la passe, elle est trop étroite

– c’est ce que je pensais justement … on fait quoi alors si une fois dans la passe on n’arrive pas à avancer ?

– biiiiiiiinnnnn …

On n’en sait fichtre rien … on se regarde à nouveau

– on continue ?

– ouais, on continue

On pourra toujours s’arrêter à Palmerston, mais déjà on se prend un bon 30 nœuds, 30 nœuds c’est que dalle quand on est au portant, mais pour l’heure on est au travers et c’est plus rock’n roll, sur le coup de 13 heures on prend un second ris, on enroule le génois et on met la trinquette, on n’avance plus qu’à 7.5 nœuds et le capitaine trouve qu’on se traine, mais c’est plus cool et le bateau gîte moins, la nuit finit par tomber comme elle sait faire, le vent forcit et la mer avec lui, je me couche avec le plexus tendu comme la corde d’une guitare de gitan, le capitaine veille sans bruit, je l’entends se taire et attendre, on est en plein dans le coup de vent prévu, le bateau gîte, vibre comme un poisson hors de l’eau, je suis recroquevillée les yeux fermés sur ma couchette et mes cuisses tremblent, j’ai envie de faire pipi mais pas de me lever, je ne veux rien savoir, rien voir, juste attendre que ça passe, finalement qu’est-ce qui était prévu ? on a combien de vent ? ça va monter jusqu’où ? le capitaine a pris un 3ème ris et laissé juste un bout de trinquette, il faut avancer parce que sinon les vagues nous rattrapent et déferlent dans le bateau, alors on avance, secoués par les vagues et ce vent, et le bruit, le bruit ! j’essaie de distraire mon esprit mais à chaque vague qui s’éclate sur le bateau, à chaque mouvement intempestif et violent, à chaque vibration encore plus intense, mon estomac se tord et me ramène au sujet du moment ou comment vivre l’instant présent, faudra que j’aie une petite discussion avec le Dalaï Lama … au petit matin ça redevient plus calme, 25 nœuds de vent, de la petite bière, je suis encore livide de la fatigue de la nuit, je demande au capitaine combien on a eu de vent

– 45 nœuds

– c’est tout ?! j’aurais bien dit 50 … 60 !

– ouais mais on était bon plein

– et tu as déjà eu du vent de 60 nœuds ? ou 70 ?

– nan … et j’espère ne jamais en avoir

On arrive à Palmerston 3 jours après, 3 jours à 20/25 nœuds de vent en moyenne, toujours de travers, avec deux houles croisées pour pimenter le plaisir, on compte bien s’y arrêter pour éviter le prochain coup de vent prévu, on sait que Palmerston est toujours fermé aux navigateurs pour cause de covid (faudrait aussi les prévenir que la dernière guerre mondiale est terminée) mais on espère qu’il y aura une bouée de prévue pour les marins de passage qui restent à leur bord … à voir, donc … on s’en approche comme de la Terre Promise, honnêtement ça ferait du bien de se poser une nuit quoi

Palmerston fait partie des îles Cook

On s’approche … pas l’ombre d’un souffle de vie … finalement on voit une bouée mais rien n’est engageant, mon dieu comme ce n’est pas engageant ! on se regarde avec le capitaine, l’un comme l’autre se demandant ce qu’il y a de mieux (ou de pire) : rester là ou se taper un autre coup de vent

– on fait quoi ? on continue ?

– ouais, on continue

alors on repart

45 nœuds, c’est fait, je sais que ça secoue mais le bateau passe fingers in ze noze, alors go quoi, à l’abri de cet atoll le vent est tombé à 17 nœuds, en s’en éloignant le capitaine râle y’a pas d’air ! et tente de me persuader de le laisser envoyer le pépin, je m’y oppose farouchement, dès qu’on sera éloignés de Palmerston on va retrouver le vent d’avant y arriver, logique, et ça ne loupe pas, 30 minutes plus tard on file, poussés par un vent de 25 nœuds … qui monte progressivement, le lendemain matin on a 28/30 nœuds, mais on a le vent à 130 degrés maintenant, c’est moins brutal quand ça vient de 3/4 arrière

on ne l’entend guère mais je sais quand il m’appelle et que je dois venir recta

… qui passe rapidement à 35 nœuds, mais comme je me ris de ce petit 35 nœuds désormais, que, de plus, cela fait plusieurs jours qu’on navigue et que, de loin et de surcroît c’est ce qu’on a eu de plus mouvementé jusqu’ici, je décrète qu’on a bien droit à un peu de réconfort et me lance dans la confection d’une bonne pâte à crêpes pour en faire un gros tas pour 3 jours tant qu’à faire, 8 œufs, 500 grammes de farine, 900 ml de lait, 50 gr de beurre fondu, un peu de sucre vanillé, un peu de sucre et un peu de rhum, miam miam, je mets la première crêpe à cuire quand le capitaine me demande si je vois quelqu’un sur l’AIS, je vais y jeter un œil juste quand une vague plus grosse que les autres colle une grosse claque au bateau … mon plat de pâte à crêpes s’élève dans les airs, je bondis au ralenti en hurlant les mains tendues en avant pour rattraper le plat, on croirait qu’on égorge le cochon, et puis tout s’accélère le plat tombe au sol, rebondit et roule, la pâte à crêpes s’éclate, se répand, éclabousse les cloisons, dessine de grands jets tel un artiste déchaîné, je hurle de plus belle, déverse un chapelet d’insultes à mon encontre, connasse ! connasse ! non mais quelle connasse ! du fond de sa couchette le capitaine tente un c’est de ma faute parce que je t’ai dit d’aller … que je coupe d’un péremptoire mais non c’est de la mienne qui ne me soulage en rien (je ne vais pas non plus le condamner injustement en pensant échapper à des réprimandes dont il a là-propos de m’épargner), j’attrape frénétiquement des éponges et me jette à 4 pattes pour ramasser le plus vite possible cette pâte visqueuse et collante qui s’infiltre dans les planchers et va tout me pourrir, le bateau roule, la pâte s’étale de bâbord à tribord et de tribord à bâbord tandis que je glisse d’un côté à l’autre comme une catcheuse dans un combat de boue …

Une fois tout nettoyé (plus d’une heure), j’apporte victorieusement au capitaine la seule crêpe rescapée mais trop cuite puis, rassasié (ironie) le capitaine prend un 3ème ris, voilà notre coup de vent qui arrive, du 38 à 43 nœuds, on maîtrise on maîtrise (quand je dis on, c’est le capitaine qui maîtrise le bateau et moi qui maîtrise ma trouille), j’ai quand même bien fait de ne pas trop manger, de toutes façons ça coinçait un peu, ça nous dure quelques heures, on reste à l’intérieur …

le pilote tient le coup, j’irai brûler un cierge
depuis le cabinet de toilette, une fois la porte fermée, plus de bruit, c’est reposant

Quand ça retombe à 25 nœuds, ça paraît tout calme, il faut remettre du torchon annonce le capitaine, on lâche les ris, désormais c’est à Niue qu’on espère arriver demain et se poser pour une nuit, mais comme pour Palmerston, c’est toujours fermé aux navigateurs …

on a laissé en place un bout de la porte parce qu’on s’est pris des bonnes vagues dans le cockpit

Et c’est par ici que ça continue de se passer 👇!

  • Le Popa, plus justement Popa’a c’est l’étranger de race blanche, le « grillé ». Il est individualiste, le Polynésien est communautaire, il ne comprend pas les nuances de ce monde insulaire. Le Popa’a veut tout expliquer, il fait des histoires ; mais le Maohi, du moins son élite, veut apprendre la langue du Popa’a et aller à l’école du Popa’a, l’éducation par l’école et la langue internationale permettant seule l’accès au développement tant mental qu’économique.
  • La chanson Jolie Polynésienne de Ah Ky Firuu : https://youtu.be/emteyLtQ0N0
  • Palmerston est un atoll composé de 35 motu, sa superficie totale est de 2,1 km². Son lagon peu profond s’étend du Nord au Sud sur 10 kilomètres et d’Est en Ouest sur 7 kilomètres. Il n’existe pas de traditions polynésiennes sur l’île, il est probable qu’elle fut peuplée temporairement à l’époque pré-européenne, des anciennes tombes et des outils lithiques y ayant été découverts. L’atoll alors inhabité fut pour la première fois visité par James Cook le 16 juin 1774. Il la baptisa Palmerston en l’honneur de Lord Palmerston, alors à la tête de l’Amirauté britannique. Vers 1850 le Capitaine Bowles, un marchand britannique basé à Tahiti, fit escale sur l’île et découvrit quatre Européens affamés, à la tête desquels se trouvait un certain Jeffrey Strickland qui s’était autoproclamé roi de l’île, celui ci abandonna ses droits à Bowles en échange de leur rapatriement sur Rarotonga (la plus grande des îles Cook). Bowles vendit par la suite Palmerston à un planteur basé à Tahiti et d’origine écossaise, un certain John Brander.  Ce dernier y plaça au début des années 1860 William Marsters, un jeune aventurier accompagné de ses trois épouses qui fondèrent une micro colonie métisse. À son décès le 22 mai 1899, l’île était peuplée de plus de 100 habitants. L’atoll est aujourd’hui peuplé de 63 personnes qui descendent toutes d’une des trois épouses de William Marsters, ayant donné lieu à trois branches familiales. Pour limiter la consanguinité, les mariages à l’intérieur de chacune de ces branches sont aujourd’hui interdits. Palmerston fut officiellement annexé par le Commandant C.L. Kingmill le 23 mai 1891, avant de passer comme le reste des îles Cook sous contrôle néo-zélandais en 1901.
  • Niue est un État libre associé avec la Nouvelle-Zélande. Cette île est située dans le sud de l’océan Pacifique, à l’est de Tonga et à l’ouest des îles Cook. C’est une île de corail couvrant une superficie de 258 km², ce qui en fait l’un des plus petits États au monde avec Saint-Kitts-et-Nevis (261 km²), les îles Marshall (181 km²) et le Liechtenstein (160 km²). La plupart des habitants de l’île Niué descendent de colons polynésiens venus par canoë de Tonga, des Samoa et des Fiji, il y a environ 1000 ans. Elle ne fut découverte par James Cook qu’en 1774, qui la baptisa Savage Island en raison de l’hostilité avec laquelle il y avait été reçu. Les premiers missionnaires britanniques arrivèrent après l’expédition de Cook, mais le christianisme ne fut définitivement implanté qu’en 1846. L’île fut alors administrée par la London Missionary Society jusqu’en 1900 où elle devint officiellement un protectorat britannique en même temps que les îles Cook. les îles Cook furent officiellement annexées le 7 octobre 1900 par la Nouvelle-Zélande. L’année suivante, l’île Niué subit le même sort, bien que traditionnellement les îles Cook et l’île Niué avaient toujours été associées aux Samoa et à Tonga. En 1974, la Nouvelle-Zélande accorda l’autonomie politique à l’île Niué en libre association avec la Nouvelle-Zélande. Ce statut d’État libre associé à la Nouvelle-Zélande permettait aux Niuéens de conserver leur citoyenneté néo-zélandaise tout en maintenant l’autonomie dans leur propre pays. Néanmoins, l’île Niué dépend tellement totalement des subventions de la Nouvelle Zélande (six millions de dollars US annuellement pour 2000 habitants). Depuis 1990, la Nouvelle-Zélande envisage de déplacer toute la population en raison du manque de ressources et des risques imminents que l’océan submerge l’île en raison de l’augmentation du niveau de la mer. En janvier 2004, l’île a été dévastée par le cyclone Heta.
  • Légende du lézard jaune qui donna son nom à l’île de Moorea : autrefois, Temaiatea et son épouse demeuraient dans l’île de Tupuai-Manu qui s’appelle désormais Maiao. La jeune femme tomba enceinte et accoucha d’un œuf. L’époux prit l’œuf et le porta dans une petite grotte près du rivage nommée Vaionini où il le déposa. Une nuit, Temaiatea vahine eut une vision dans son sommeil. Elle vit qu’elle avait mis au monde un garçon à la peau jaunâtre. Elle se réveilla et raconta ce songe à son époux. Quand le jour se leva, l’homme partit observer œuf qu’il avait laissé dans la grotte. Il constata que l’œuf avait éclos : c’était un bébé lézard de la même teinte que dans le rêve de sa femme. Temaiatea donna à ce lézard le nom de lézardjaune, Moo-rea. Lui et sa femme nourrirent Moo-rea dans cette petite grotte jusqu’à ce qu’il soit grand. Lorsqu’il devint énorme, la femme prit peur et dit à son époux : « Il nous faut abandonner Moo-rea , sinon, bientôt, il nous mangera. » Le mari refusa en lui disant : «C’est tout de même notre enfant aimé auquel nous avons donné le nom de Moo-rea » Mais comme la femme insistait, l’homme céda à ses instances. Il construisit une pirogue, pour fuir l’île. Quand elle fut terminé le couple quitta Maiao et en se dirigeant du coté du soleil levant. Ils abordèrent Tahiti par la passe de taapuna et trouvèrent refuge sur un pic montagneux. Le petit lézard jaune, Moo-rea, ne cessait de penser à ses parents qui l’avaient élevé et nourri avec tant d’affection. Mais comme cela faisait longtemps que l’on ne lui avait pas apporté à manger, il réalisa que ses parents l’avaient abandonné. De désespoir, il se jeta à la mer et nagea vers le levant. Lorsque Moo-rea eut perdu la terre de vue, il affronta le courant Teara-Veri (scolopendre ou cent-pieds), puis en sortit. Ce courant n’est pas hérissé de vaguelettes mais sa course est comme celle du scolopendre. Moo-rea fit face à un second courant que l’on appelle Tefara (Le Pandanus) car c’est un courant « épineux » comme le Pandanus. Moo-rea réussit à se dégager de ce courant, mais il était épuisé. Il affronta un troisième courant nommé Tepua (Le savon) car c’est un courant puissant. L’écume de la mer est comme de la mousse de savon. Epuisé par sa lutte contre ces trois phénomènes de la nature, il se noya. Son corps dériva et alla s’échouer sur le rivage de Vai Anae à Aimeho à (ancien nom de l’île de Moorea). Au petit matin, deux hommes partirent à la pêche. Lorsqu’ils parvinrent à la plage de Vai Anae, ils virent cette énorme chose gisant sur le sable et coururent avertir les gens de l’île en criant : « C’est un lézard jaune ! E moo re’a ! ». Depuis ce jour on nomme Aimeho : Moo-rea, c’est à dire Moorea.

Nana* Tahiti

* ça veut dire aurevoir en tahitien

Ça y est, on lève le camp, mais pas pour aller bien loin, pour Moorea juste en face, le pile en face est seulement à 10 NM mais nous on va jusqu’à la baie de Cook, ça fait une vingtaine de miles à la louche

Si on veut profiter de Moorea il faut partir en matinée, ok capitaine, capitaine qui allume les appareils de navigation sur le coup de 11 heures (bel et bien en matinée), mais il sera dit que nous ne partirons jamais à l’heure prévue car le pilote lance un bip strident qui déchire nos tympans … consternation

c’est pas des blagues

Le capitaine maugrée, pour une fois à juste titre, n’avons-nous pas fait réparer le pilote crévindiou ? mais il est vrai que les jours précédents il a plu à seaux, ce qui rappelait fortement l’ambiance humide de Toau, ceci expliquerait il cela, sans même reprendre son souffle il saute sur son téléphone et appelle Thomas de Nke qui passera demain matin, il va donc falloir passer une nuit de plus à la marina, autre coup de fil (bien que les portables ne soient plus reliés au réseau téléphonique par un fil, cette expression me reste, je ne saurais vous dire si les jeunes ont même idée de ce que ça veut dire 😏) et, une fois l’intendance organisée et comme attendre lui coûte puisque cela perturbe son programme, il décide (enfin) de monter au mât pour voir ce que donne l’anémomètre, je remercie le ciel que ça se soit mis à biper encore à quai, bien que le ciel se foute éperdument de ce qui peut bien se passer ici-bas j’ai la faiblesse de le prier ou de le remercier quand bon me semble, ça ne mange pas de pain

Une demi-heure plus tard, la voix du capitaine tombe du ciel telle une injonction divine

– branche le pilote !

– A y’est ! (pour bien vous représenter la scène, j’ai dévalé la descente puis remonté dans le cockpit, aussi vite que me le permettait mon anatomie)

– ça marche ?

Roulement de tambour … aurai je le cœur à faire languir le capitaine perché en haut du mât ? … non, je ne sais pas faire ça, c’est comme pour les cadeaux, j’ai un mal fou à garder la surprise jusque sous le sapin, quand les enfants étaient petits on jouait aux devinettes tout le mois de décembre pour me faire patienter

– …. ça marche !

Je redescends le capitaine, ça va vite maintenant, longtemps j’avais peur de lâcher la drisse sous son poids et de le voir tomber à mes pieds comme un sac de mou de veau, mais il s’énervait qu’on n’allait pas y passer 3 heures, alors je laisse filer la drisse maintenant, c’est comme pour le reste, tout va plus vite une fois qu’on sait, mais il faut savoir rester prudent quand une vie ne tient qu’au fil qu’on a entre les mains  (faudrait pas qu’il m’énerve, un accident est si vite arrivé)

un mou de veau fort appétissant (figurez vous que le mou c’est le poumon)

Grâce à une sagesse acquise à grands renforts de bêtises assénées à tous vents qui m’ont valu bien des revers, je fais comme papa m’a appris et tourne ma langue 7 fois dans ma bouche avant de parler pour ne rien dire, ce qui me fait judicieusement me taire, mais ma pensée qui m’obéit rarement présume qu’on aurait gagné bien du temps si le capitaine était monté au mât plus tôt pour vérifier l’anémomètre, en même temps je n’avais qu’à y monter moi-même après avoir appris à démonter et en remonter un, la mine penaude je remercie le capitaine pour son intervention rapide et efficace, que dieu fasse qu’il ne puisse jamais lire dans la nébuleuse calamiteuse de ma cervelle, re coups de fils à Nke et à la marina pour tout annuler, on part avec deux heures de retard, ce n’est même plus une surprise

On se faufile entre les ferries, il y en a en permanence qui font la navette entre Moorea et Tahiti, ça fait des vagues qui font rouler le bateau, une partie de mon corps se révulse et implore ça va pas recommencer ?! je ne suis plus habituée après ces 4 semaines à quai, il faut presque tout réapprendre, heureusement les repères reviennent vite, les 20 miles sont vite avalés à scruter l’océan pour tenter de voir des baleines, mais que nenni … et c’est tant mieux, avec la mode de nager avec les baleines, celles-ci sont pourchassées par les bateaux qui amènent leurs clients, quand il y a une baleine plusieurs bateaux rappliquent et des dizaines de personnes se mettent à l’eau sans respect des animaux ni des règles de sécurité, c’est affligeant et c’est rien de le dire … vous avez vu ce qui est arrivé à la baleine Moon ? et bien c’était pas nous

Moorea à l’approche
en arrivant on longe un hôtel sur pilotis de carte postale, je suis comme une gamine d’en voir un en vrai, combien coûte une nuit là-dedans (entre 500 et 900 € de ce que j’ai vu sur internet)  

On arrive devant la baie de Cook … just waow

notez ce qu’il y a de notable sur cette photo extraordinaire de la baie de Cook, ou devrais je dire cette photo de l’extraordinaire baie de Cook

Moorea, plus justement Mo’orea se traduit par Lézard Jaune, elle a été découverte en 1767 par l’anglais Samuel Wallis qui l’a vue en débarquant à Tahiti. En 1777, Cook s’est rendu à Mo’orea lors de son dernier voyage en Polynésie, il a débarqué dans la baie d’Opunohu, et la baie adjacente à celle ci a été nommée baie de Cook en son honneur

Le lendemain, rando ! pour découvrir l’île et ses trésors, et pour commencer, des chants d’oiseaux comme cela fait des mois que je n’en ai pas entendus de manière aussi nette, ça me file encore plus de frissons que si j’écoutais du Bach dans la chapelle Sixtine

Si vous avez 1 heure 52 minutes et 28 secondes à tuer, c’est le moment d’écouter sa messe en si : https://youtu.be/BjrPFTyQ0Qk

la vue est un trésor pour les yeux

On se balade au milieu des au milieu des Heliconia (ou faux oiseau de paradis, et à Tahiti on les appelle pince de crabe – attention si vous en mettez chez vous, quand l’air est trop sec elle devient un nid à araignées rouges)

des queues de chat (l’acalypha de son nom botanique, qui est utilisée en pharmacopée traditionnelle pour ses propriétés diurétiques, émollientes, expectorantes, laxatives et anti diarrhéiques). Les enfants tahitiens s’amusent à imiter les chats en en glissant dans leur ceinture 🐈‍⬛🐈!

et dans des forêts de faux fromagers (ce sont les arbres qui envahissent le temple khmer bouddhiste de Preah Khan sur le site d’Angkor au Cambodge)

Héliconia
Queues de chat
un tronc de faux fromager

Et je tombe aussi sur du ricin ! dont on tire bien entendu l’huile de ricin, qui est connue pour redonner de la souplesse et de la douceur aux cheveux et qui stimulerait même leur repousse (ça je demande à voir car si c’était si efficace, pourquoi y aurait-il autant de chauves) … MAIS ! toutes les parties de la plante sont plus ou moins toxiques, les graines étant les plus dangereuses, cette toxicité est due à la ricine qui est 6000 fois plus toxique que le cyanure et 12000 fois plus que le venin de crotale ! …Par ingestion, elle provoque des symptômes intestinaux sévères (coliques, diarrhées, vomissements), avec une déshydratation puis un état de choc et la mort. Par voie respiratoire, elle développe une toxicité encore plus grande en provoquant des œdèmes pulmonaires hémorragiques. Un dixième de grammes est suffisant pour tuer un homme de 100 kilos. Il n’existe pas d’antidote. Vous êtes prévenus 😵‍💫

je l’ai prise en photo mais je n’y ai pas touché 😉

Avant 1960 l’économie de l’île était basée sur la culture du coprah, du café et de la vanille, mais aujourd’hui la production pilote est celle de l’ananas, fruit dépuratif et détoxifiant par excellence, on en longe des champs entiers, on en mangera, une vraie tuerie !

Et, incontournable, nous passons découvrir l’authenticité polynésienne du Tiki Village …

Un fare, maison traditionnelle polynésienne. À l’origine, le terme ‘fare’ signifie ‘maison / abri / habitation’ en tahitien. Le fare était traditionnellement construit en bambou et recouverts de feuilles de pandanus et de palmiers, de différentes grandeurs.

je vous ai fait un zoom sur l’inscription de droite « soyez amoureuses, vous serez heureuses », remède simple et efficace !

Nous réenfourchons notre fier destrier dont le pilote tient le coup (🤞) pour continuer notre route, toujours vers l’ouest, et après une nav’ de nuit (85 NM soit 158 kms, on a bien roulé), faisons une halte à Huahine que nous explorons aussi à pinces, les randos sont hyper raides sur ces îles, je suis parfois à un doigt de capituler tellement j’en ai plein les pattes, on trouve des lantaniers et du lierre rouge comme dans le midi de la France, mais aussi du jasmin des Antilles , des pommiers cajou et des badamiers, ça me console de m’être écorché les genoux en grimpant sur les rochers

je peux vous dire qu’une vue comme ça, ça se mérite ! On voit super bien le lagon et la passe par laquelle nous sommes entrés

vous reconnaissez le lantanier ?
un pommier-cajou
du jasmin des Antilles, dommage que vous n’ayez pas l’odeur !

Ci-dessus les fruits du badamier, mais ce sont ses feuilles et les jeunes pousses qu’on emploie en médecine traditionnelle pour traiter les bronchites, les pustules d’origine infectieuse et les inflammations des testicules ou du ventre

Après ça, on change de mouillage pour aller de l’autre côté de l’île …

Et le soir venu je fais une séance d’acupuncture au capitaine qui se plaint de son épaule, mais il manque de régularité, il faudrait que je lui en fasse plus souvent et le capitaine n’est pas assidu, il a toujours quelque chose de mieux à faire …

on voit bien les faisceaux du deltoïde, lui qui se plaint de se démuscler vue d’œil

Sans s’attarder, nous repartons vers Raiatea, une autre île entourée d’un lagon, ce qui est la spécificité des îles de la Société et leur beauté incomparable, on entre dans la passe presqu’en se curant le nez, bientôt on va frimer dans les passes, même pas mal

Raiatea en vue
les vagues déferlent sur la barrière de corail, c’est magique

J’avais hâte d’y être pour visiter le jardin botanique de Faaroa, pour cela nous remontons la rivière Aoppomau dans la vallée de Faaroa, j’ai l’impression de remonter l’Amazone, l’aventure me grise !

à la pêche le monsieur

Et bien ça veut le coup d’être venus jusque là, je m’émerveille dans ce jardin où foisonnent, entre autres, des centaines d’Heliconias, des roses de porcelaine, des fleurs de lune absolument sublimes, des cyperus, des châtaigniers polynésiens, des crinums asiatiques et des dragonniers de chine, et tellement d’autres ! quand je reconnais des plantes ou des arbres le capitaine me dit que je vais finir par être une vraie botaniste, pour une fois il est optimiste (ou alors il veut me demander quelque chose)

Voilà des fleurs de lune (spathiphyllum), rien que le nom ça fait rêver, et quand on sait que c’est LA plante porte-bonheur, qui attire la chance, l’amour et l’argent, ça fait encore plus rêver ! Si vous manquez d’idée pour un cadeau de Noël, foncez !

Encore celle-là et j’arrête la verdure pour aujourd’hui (j’aime bien vous raconter les plantes qui ont une anecdote, c’est comme ça que le cerveau retient le mieux) – donc je vous présente la plante des muets qui est dépolluante, idéale à mettre dans sa maison car très efficace contre les substances polluantes présentes dans les peintures, solvants, fumées et vernis, MAIS ses feuilles sont toxiques, si on les lèche ou on les mâche, cela entraîne des sensations de brûlures, des irritations au niveau de la bouche et de la gorge ainsi que des gonflements, et pire,elles peuvent aussi provoquer l’hypersialorrhée, une suffocation par hypersalivation et une perte de la parole … d’où son nom, prudence est mère de sûreté !

Et puis après, on passe à Tahaa, et on visite un autre jardin, de corail celui là, qui m’émerveille tranquille autant que la passe sud de Fakarava alors que ça n’a pas du tout les mêmes dimensions : on a pied partout et quand on ne peut pas le poser c’est parce qu’il y a tellement de coraux qu’il n’y a même plus de place pour un orteil, le seul bémol c’est qu’il y a pas mal de monde, notamment des gens qui piétinent les coraux en baskets, ça me fait mal, c’est pourtant pas compliqué de prendre une bouée et/ou des palmes et de nager à l’horizontale ?! Mais personne ne fait la police, aucun panneau n’indique comment faire, que d’impuissance

Je remonte le courant à la nage (vers le haut et la gauche de la photo ci-dessous) en rentrant le ventre pour ne pas me faire déchirer par les coraux et puis je me laisse descendre, portée par le courant entre les coraux et les poissons, ça bombe, c’est bonnard au possible, je ris tout haut dans mon tuba et ça me fait avaler de la flotte

vue de Google Earth pour avoir une idée, on voit carrément les coraux même du ciel, il n’y a pas de fond !
la photo n’est pas de moi, mis c’est pour vous montrer : sublime, non ?

Je me méfie des coraux parce que quand on avait rencontré Sylvain et Isabelle d’Oxygen, Sylvain nous a raconté comment il s’était fait déchirer sur des coraux et il nous a montré ses cicatrices, Isabelle avait dû ouvrir les plaies pour y mettre du citron et tuer les coraux entrés dans la peau de Sylvain, j’ai vu les cicatrices et je peux vous dire qu’il faut éviter à tout prix de se blesser sur des coraux, je croyais qu’ils poussent ensuite sous la peau mais a priori c’est une légende urbaine, je reste dans une dubitation absolue, le capitaine m’a mise en garde plus d’une fois touche pas les coraux isabelle ! et je lui obéis, ce qui lui fait plaisir à peu de frais

On change de mouillage en navigant dans le lagon, bien contents d’être à l’abri derrière la barrière de corail quand on voit les vagues qui s’éclatent dessus et le vent qui souffle assez fort, on arrive à Tapuamu de l’autre côté de Tahaa, bon, comme d’hab on se repère sur le sondeur qui annonce 25 mètres, et sur Navionics pour voir ce que ça donne plus loin, à savoir 21 mètres, on avance encore vers la côte parce qu’on ne va pas jeter l’ancre avec autant de fond, le capitaine se met soudain à gueuler et à gesticuler comme s’il venait de se prendre 220 volts dans les roustons, trop tard, on est planté dans la vase, c’est passé à 1.5 mètres de fond d’un seul coup, on n’a rien vu venir, je me dis qu’on n’a pas fini d’entendre médire de Navionics (qui nous rend tellement de services d’un autre côté donc voilà quoi) … bon bon bon, pas de panique, un coup de moteur en marche arrière et ça ira tout seul, hop hop hop … bon, pas de panique on pousse un peu les gaz … bon, pas de panique on fait hurler un peu le moteur … bon, pas de panique, ok, mais on fait quoi ? jamais à court de ressource, le capitaine m’annonce posément qu’il va monter sur la bôme

– comment ça tu montes sur la bôme ?

Comme si c’était l’heure de jouer à chat perché ?

– mais oui !

En s’exécutant aussitôt tout en me laissant interdite et coite

– ouvre la bôme ! m’ordonne t’il pendant qu’il se pose en bout de bôme comme un moineau en équilibre sur la pointe d’une branche de saule pleureur … hum hum, pas terrible ça … non ! plutôt comme un aigle royal sur, sur … sur le bord d’une falaise tiens, tout royal qu’il est, l’aigle

Toute à ces pensées récréatives dont j’ai le secret, je descends le chariot au maximum et ouvre la bôme en relâchant l’écoute, le capitaine s’impatiente et voudrait avoir le don d’ubiquité pour le faire à ma place, pour le faire vite, et bien, et mieux sans doute, mais il ne peut rien contre moi perché là où il est, alors je continue ma manœuvre tranquillou

– mais tu veux faire quoi ?

et lui, comme une évidence :

– faire pencher le bateau avec mon poids le plus loin possible !

– haaaaaaa !

Vous m’en direz tant

Le voilà qui se met à tendre les jambes vers l’extérieur, qui se pend à un seul bras, une vraie démonstration de pole dance …

il est joli

… mais on dirait qu’il s’échine pour rien et qu’il faudra attendre que la marée monte, si tant est qu’elle ne soit pas déjà haute, songé je en me grignotant un ongle, le capitaine me tire de ma torpeur méditative

– il bouge ?

Bé non il bouge pas, je lui annonce l’information du ton grave qu’il sied à pareille mauvaise nouvelle, le capitaine essaie encore de tressauter sur la bôme et, vaincu, me réclame de le rentrer dans le bateau, je mouline le winch pour ramener la bôme quand oooooh putain !

– il bouge ! le bateau bouge !

– mets le moteur ! allume le moteur !!!

Je fonce allumer le moteur et

– ramène moi sur le bateau !

Des ordres dans tous les sens, je n’ai que deux bras et ils ne sont pas télescopiques, au bout du compte il saute dans le bateau et reprend la manœuvre, on sort de là et on va s’amarrer à une bouée un peu plus loin, il me dit qu’il préviendra Navionics pour ajuster le tir lors de la prochaine mise à jour, faut que je le lui rappelle d’ailleurs, je ne sais pas s’il y a repensé depuis …

Et le lendemain, pensez donc, on a juste à tracer tout droit pour filer sur Bora-Bora, alors zou !

et on n’est pas tous seuls à y aller

Et maintenant, on s’assied en tailleur sur le sol, et en rond autour d’un bon feu pour écouter

  • Voilà pourquoi Huahine est coupée en deux : un jour, le Dieu Hiro voulu se rendre sur l’île de Huahine en pirogue. Le vent, le To’erau, se leva et la pirogue glissa rapidement sur les vagues. Hiro, attentif, scruta la terre devant la pirogue. Dans la nuit noire, il avertit ses frères de bien surveiller la pirogue, car au moment où le vent tournera, ils risqueraient de passer à côté de Huahine. Hiro leur dit : « je vais me reposer. Réveillez moi lorsque la terre sera proche. Et méfiez vous, lorsque la brume se lèvera, notre pirogue risque de traverser la terre. » Le vent se mit à tourner et gonfla la voile. Cependant, les frères de Hiro ne réveillèrent pas leur ainé car la pirogue filait agréablement, poussée par le vent. La pirogue traversa alors l’île et la coupa en deux parties : Huahine Nui la grande, et Huahine Iti la petite. A son réveil, Hiro vit que l’île avait été coupée en deux. Et tandis que  la pirogue continuait sa traversée, il perdit sa pagaie. Il tenta alors d’arrêter la pirogue en jetant son hameçon sur l’ile. De nos jours, on peut encore voir la rame et l’hameçon de Hiro depuis la baie de Maroe, gravés dans la montagne (avec un peu d’imagination, on arrive à les voir).
  • …et voici l’histoire de la légende de Hotu  Hiva : aux temps lointains vivait dans l’île de Hawaiki (ancien nom de Raiatea), Hotu Hiva, la fille de Tū tapuari’i, un des chefs des îles sous le vent. Cette jeune princesse avait depuis sa tendre enfance pour compagnon de jeux un garçon de son âge nommé Teaonuimaruia. Quelques années plus tard, le père de Hotu Hiva annonce à sa fille qu’il lui a choisi comme mari un grand chef de Raiatea. Ils se rendent tous deux à Raiatea pour les présentations. Mais une fois dans l’île, Hotu-Hiva dépérit et tombe malade. Les guérisseurs se succédèrent à son chevet, en vain. La jeune fille leur dit : « Ce n’est pas mon corps, mais ma pensée qui est malade ». Le cœur de Hotu Hiva est ailleurs, il penche pour Teaonuimaruia. N’acceptant pas ce mariage forcé, la princesse fuit son île, de nuit, en se cachant dans un pahu ou grand tambour. Le cœur de Hotu Hiva est ailleurs, il penche pour Teaonuimaruia. N’acceptant pas ce mariage forcé, la princesse fuit son île, de nuit, en se cachant dans un pahu ou grand tambour. Hotu-Hiva part discrètement à la recherche de son ami Teaonuimaruia, sans révéler son identité de crainte d’alerter les guerriers de son père. Toutefois, elle participe à une fête donnée en l’honneur du dieu Tane (le dieu de l’amour et le gardien du paradis éternel). Elle séduit la foule qui est littéralement ensorcelée par cette belle vahine. Même le dieu Tane tombe amoureux de la princesse et apparait sous la forme d’un oiseau sacré. Averti de l’arrivée d’une très belle jeune femme sur l’île. Le chef du district de Maeva charge deux princes guerriers de la lui amener. Il la prend pour femme mais comprend très vite qu’elle en aimait un autre. Par dépit, il la livre chaque soir à un homme diffèrent qu’il désigne; Enfin un jour la délivrance arrive, lorsque son ami d’enfance Teaonuimaruia la reconnaît et découvre sa triste situation, il tue le chef du district de Maeva et épouse sa bien aimée Hotu Hiva. Leur union scelle l’unification de l’île et inaugure la dynastie de Te pa’uihauroa. Ils eurent quatre fils. Puis Teaonuimaruia décède et Hotu-Hiva épouse alors un chef de l’île de Matahiva (Mataiva) et met au monde quatre autres fils. Ces huit garçons partagèrent l’île de Huahine en huit districts sur lesquels ils régnèrent.
  • L’archipel de la Société comprend 14 îles. Elles sont réparties en îles du Vent (dont Tahiti et Moorea) et en îles Sous-le-Vent (Bora Bora, Huahine, Raiatea, ou Maupiti notamment)
  • Les blessures de coraux sont bien connues des plongeurs tropicaux. Elles concernent de multiples espèces et peuvent parfois perdurer pendant des mois. De la même famille que les méduses, le corail est un animal venimeux. Son épiderme est recouvert de capsules, les nématocystes, remplies d’une toxine composée notamment d’histamine. Si en tant normal ce poison lui sert à paralyser ses proies, il peut également être extrêmement urticant chez l’homme. Les capsules en contact avec la peau s’y accrochent grâce à un crochet et libèrent leur venin, provoquant alors brûlures, démangeaisons, rougeurs ou encore formation de petites vésicules. La plupart du temps, la réaction est immédiate. Mais dans certains cas, le corail peut agir comme un véritable bombe à retardement, provoquant ces symptômes des semaines voir des mois plus tard. Car les capsules sont vivantes et, logées sous la peau, peuvent libérer leur venin en différé. La priorité face à une envenimation par le corail est de ne pas faire éclater les capsules intactes. Interdiction absolue donc de frotter la plaie et de la rincer à l’eau douce, ce qui peut favoriser l’ouverture des capsules. L’application de citron ou de vinaigre sur la plaie pendant plusieurs jours est un moyen souvent recommandé par les plongeurs expérimentés. Les composés acides inhibent en effet l’action des toxines et soulagent la blessure. 
  • Le fameux temple khmer bouddhiste de Preah Khan sur le site d’Angkor au Cambodge, envahi par les faux fromagers :
étonnant, non ? comme aurait dit Desproges
  • La baleine Moon est une baleine à bosse, elle souffre d’une grave blessure à la colonne vertébrale et n’a utilisé que ses nageoires pectorales (ce qui équivaut à nager avec ses bras) pour nager 4800 kilomètres entre la Colombie-Britannique et Hawaii, dans ce que Janie Wray, PDG et chercheuse principale pour B. C. Whales, décrit comme étant un exemple déchirant d’une collision avec un navire. Cette photo a été prise début décembre, on pense que Moon ne survivra pas longtemps …

Tahiti, des gens, des arbres, des torrents et une vague

au bout du ponton, Papeete

Les premiers jours dans une marina c’est toujours passer l’aspirateur, laver le linge, nettoyer le bateau de fond en comble parce que de l’eau salée s’est infiltrée partout, tout comme ce que j’ai pu laisser tomber en cuisinant, du café, de l’huile, un bout de patate sauteuse ou des grains de riz ou aussi ah tiens c’est quoi ce truc tout desséché, un bout d’oignon, un grain de maïs ? prendre une douche chaude et se faire un gommage des pieds à la tête (c’est quoi encore ce truc tout desséché, mince c’est ma peau ?!) et réparer les dégâts bien que nous soyons plutôt épargnés de ce côté-là quand on voit ce qui peut se passer sur d’autres bateaux moins chanceux, un pilote en panne ça n’empêche pas le bateau d’avancer … cependant, cependant ! les rares fois où je raconte des anecdotes à des personnes croisées, le capitaine minimise toujours mes dires, genre que ce n’est rien de barrer parce qu’on n’a plus de pilote hahaha vous m’en direz tant, mais il a tout de même évoqué le fait d’investir dans un régulateur d’allure, et je sais bien que ça serait pour palier à une nouvelle défaillance du pilote, c’est que ça l’a pas tant fait poiler que ça la panne du pilote

Voilà que le jour dit, Thomas de chez Nke se pointe pour réparer le pilote, l’automatique entendons nous bien, pas le capitaine qui, le cœur lourd, s’attend à devoir passer commande de pièces qui mettront des semaines à arriver, le tout aggravé d’une addition pas piquée des hannetons, les temps sont durs, je lui ai demandé s’il pense devoir acheter un nouveau pilote, bin non a-t-il répondu avec le regard de commisération qu’il me réserve quand ma pensée est si éloignée de la sienne qu’il n’en revient pas et me considère comme si j’étais un objet dont la nature et l’origine restent encore obscures à ce jour …

on dirait qu’on dérange mais c’est le contraire, c’est le grand ménage

Je saute sur Thomas dès son arrivée pour lui demander ce que c’est qu’un bus, je n’en peux plus de ne pas savoir, et bien c’est tout bêtement les fils noirs qui sont les bus, échange de regards bêtes avec le capitaine, au bout d’une heure de bips et une facture de 80€, champagne, ou comment avoir l’impression d’avoir gagné de l’argent puisqu’économiser c’est comme si on en avait gagné (c’est typiquement avec ce genre de raisonnement débile que je peux dépenser trop de fric quand c’est les soldes), le pilote est censé être réparé et Thomas s’en retourne après nous voir demandé plusieurs fois si on avait démonté l’anémomètre, toujours pas mais ça marche alors pourquoi s’emmerder à monter en haut du mât n’est-ce pas capitaine ?

on se prend des sacrées saucées suivies d’arcs-en-ciel pour nous récompenser de regarder le ciel

Après tout ça, ça y est, à moi du temps pour rencontrer des gens, guérisseurs, botanistes, herboristes, thérapeutes, randonner sur l’île pour y trouver des plantes, accumuler des données qu’il faudra ensuite classer, hiérarchiser, vérifier, un travail de fourmi … je n’aurai pas le temps de tout vous raconter, mais certaines rencontres valent le coup, comme ce rendez-vous avec Sunny, Sunny what’s so true, I love yoooooou (au cas où : https://youtu.be/ghGiv7YLC7Q)

Sunny Moana’Ura Walker (le fameux païen ci-dessus) est de descendance écossaise me dit-il quand je lui demande dans son pickup d’où il vient parce que Sunny Walker ça ne fait pas très polynésien comme nom lui avais je posé la question, mais à ce moment-là je ne connaissais pas son nom en entier et c’est Moana’Ura qui en fait toute sa noblesse, il suit une tradition de guérisseur par son arrière-arrière-grand-père qui avait le don, nous roulons sur une piste jusqu’au marae Tupuhaea dans la vallée de Hamuta, marae ancien d’au moins 300 ans (certaines pierres ont été déposées par des invités venus de Rapa Nui et Rapa Iti, de Nouvelle-Zélande, de Huahine, du Canada, de Nouvelle-Calédonie… ) qui a été retrouvé et resacralisé lors d’une cérémonie dont il est l’initiateur

– Combien de temps dure une cérémonie de ce type ?

– Ça peut être 10 minutes ou plusieurs heures, ça dépend du « folklore » (il met les guillemets avec ses doigts en parlant de folklore)

– Je pense que ce folklore comme tu dis peut servir à se mettre dans le bain progressivement, à se préparer ?

– Oui bien sûr, mais certains ne s’attachent qu’au folklore, il n’y a pas de véritable spiritualité

Sa spiritualité est une reconnexion avec la spiritualité polynésienne d’avant la christianisation massive de la Polynésie, il m’explique qu’au cours de ses voyages, notamment pendant ses 15 années dans la marine militaire, il a été inspiré par le bouddhisme puis par le taoïsme dont il s’est senti plus en accord, et en revenant au pays il s’est rapproché de la spiritualité de ses ancêtres tout en notant ses points communs avec le taoïsme, il a fait des recherches historiques et a découvert Opuhara et son travail de résistant pour préserver les croyances ancestrales. Désormais Sunny incarne le nouvel âge de la spiritualité ancestrale et revendique sa croyance polythéiste ou « néo païenne » , on évoque les dieux tutélaires et les dieux secondaires

– Il y a combien de dieux ?

– Des centaines ! des milliers !  Taaroa est le créateur, l’ancêtre de tous les dieux, Toahitimatani représente la forêt, le végétal, Ateataonio, le vent et la pluie, Taere Maopoopo, le dieu du savoir et de la connaissance, Hina est la déesse de la Lune, Oro, le dieu solaire de la Guerre qui détrôna Taaroa  … (les noms ne sont pas faciles à retenir, on rencontrera à nouveau Antonin qu’on avait connu à Mangareva et qui enseigne dans les écoles, il nous dira qu’il a un mal de chien à retenir les prénoms polynésiens, on n’est pas les seuls)

– Et un maraé c’est donc un lieu de culte ?

– Oui … avec 3 entités : les dieux, les ancêtres et les tâura, ce sont des totems, des animaux protecteurs … chaque famille a son tâura, le totem de la famille Walker c’est la scolopendre, c’est l’animal des guérisseurs … même les insectes sont des tâura

– Comment on choisit son tâura ?

– Par exemple si un pêcheur se fait sauver par un dauphin qui amène sa barque jusqu’à la terre, et bien le dauphin deviendra le tâura de sa famille

Le tâura du capitaine, c’est à coup sûr une tête de mule…

Sunny Moana’Ura est à l’origine d’une communauté qui vit de façon traditionnelle, pratique des rituels de pêche, plante ses propres aliments ma’ohi, qu’ils peuvent cuisiner dans des fours en pierre traditionnels enfoncés dans le sol (les ahimà’a) … et qui, bien entendu, utilise des plantes médicinales

Sunny m’explique que le spirituel est toujours très présent chez les guérisseurs qui sont des chamanes ou Tahu’a (Tahu’a signifie globalement celui qui voit et celui qui sait). A l’époque préchrétienne, les Tahu’a étaient des personnages influents de la société polynésienne, ils possédaient des connaissances approfondies et des pouvoirs mystérieux dans de nombreux domaines (navigation, pêche, guérison des maladies et blessures, sourcellerie, prévision de la météo, direction de cérémonies, prises de décisions, liens entre les groupes, entre les îles …). L’arrivée du christianisme a largement contribué à leur disparition en les chassant et en les poursuivant pour paganisme… On raconte que les Tahu’a existent toujours, initiés de génération en génération dans la clandestinité, que certains d’entre eux pratiqueraient encore l’art de l’imbibition énergétique des tiki (attribution de certains pouvoirs transmis aux tiki par les Tahu’a, qui fait craindre les tiki)

Mais Sunny, navré, poursuit en me disant que désormais les charlatans pullulent, qu’en réalité il ne subsiste plus que quelques Tahu’a auto-proclamés qui ne maîtrisent plus que des brides du savoir des anciens et dont la pratique énergétique se limite à des massages et à l’utilisation d’huile de monoï aux vertus dites polyvalentes, et d’autres qui se prétendent Tahu’a alors qu’ils ne sont que de simples coachs qui utilisent la méthode Ho’ponopono (tradition sociale de repentir et de réconciliation des anciens Hawaïens) ou autres méthodes de développement personnel mais qui n’ont rien des pouvoirs magiques des anciens Tahu’a … on est loin de la pharmacopée ancestrale …

Je demanderai à Sunny où je peux me procurer des plantes médicinales, il m’indiquera le marché mais je n’y trouverai effectivement que des bouteilles d’huile de monoï avec ou sans ajouts, dont les vendeurs me vanteront toute une liste de bienfaits, à se demander pourquoi il existe d’autres plantes sur terre, je resterai sur la réserve …

– Comment les Tahu’a ont fait quand les colons sont arrivés et ont apporté les grandes épidémies qui ont décimé la population ?

– Ils ne savaient pas soigner ça, il y avait surtout des méthodes préventives qui maintenaient les gens en bonne santé,  d’ailleurs quand Bougainville a débarqué il n’en revenait pas de voir des gens en aussi bonne santé dans des îles aussi isolées du reste du monde … il y avait aussi des mouvements de migration quand il y avait trop de malades sur une île, les gens sains partaient et laissaient les malades qu’on n’arrivait plus à soigner sur l’île, les survivants s’éloignaient et se protégeaient

– Mais alors, avant ces maladies amenées par les colons, quelles étaient les maladies répandues en Polynésie ?

– L’éléphantiasis … sinon il n’y avait pas de maladies …

– Ah ! et on les soignait comment ?

– On les isolait …

– Est-ce que les guérisseurs ont des rituels avec les plantes ?

– Oui bien sûr, mais là aussi le christianisme a influencé tous ces rituels en diabolisant les pratiques ancestrales, en les interdisant, les savoirs ancestraux ont été balayés

– Est-ce que par exemple ils pensaient que la pleine lune a une influence sur la cueillette des plantes ?

– Oui, la lune, les saisons …

– Et est-ce que vous récoltez les plantes pour les sécher afin qu’elles puissent servir hors saison à soigner des maladies ?

– Mais chaque saison a ses maladies et les plantes qui soignent les maladies de saison poussent dans la saison, donc pas besoin de récolter et de sécher, on utilise des plantes fraîches

Logique …

Sunny a également rejoint la communauté de ‘ihitai (marins) volontaires qui œuvrent pour la promotion et la pratique de la navigation sans instruments (sensorielle) en Polynésie et dans le Pacifique, association qui porte trois valeurs : Te Hau, Te Maita’i, Te Ho’era’a (je n’en sais pas plus là-dessus à l’heure où je vous écris), il a navigué pendant plusieurs années sur la pirogue double traditionnelle Fa’afaite, dans les îles alentour, les Australes mais aussi dans certains atolls des Tuamotu

– Vous étiez combien sur la pirogue ?

– 17, 18 …

– Tant que ça ? et vous pouviez dormir ?

– Oui oui, il y a 8 couchettes dans une coque et 8 dans l’autre .. pas de winch là-dessus hein, on fait tout à la main !

– Et pour les quarts ?

– On faisait des quarts de 4

Il faut au moins ça …

la pirogue Fa’afaite

En partant, Sunny me montre ses plantations de plantes médicinales mais reste tellement discret sur le sujet qu’il ne m’en dit même rien du tout malgré mes questions intéressées, cela me fait penser à l’encyclopédie médicinale des sorciers et chamans des tribus amérindiennes qui est écrite en langue Matsé pour que seul le peuple Matsé puisse la déchiffrer afin d’éviter la biopiraterie, mais à force de vouloir éviter la biopiraterie, on en arrive à de la rétention hardcore, ça serait bien de trouver un terrain d’entente, établir que toutes ces connaissances relèvent du domaine public mais qu’on achète ces savoirs à qui de droit et à leur juste prix … c’est pas demain la veille on dirait  … Sunny bute presque sur un fruit de hotureva et me raconte ce que je sais déjà et que je vous ai transmis sans un des articles sur Mangareva si vous avez de la mémoire 😉

Sunny dans son élément

On déjeune ensemble en ville et puis on se quitte, merci Sunny Moana’Ura Walker, et merci aussi de m’avoir mise en garde de ne pas frôler les feuillages des arbres pour ne pas me faire piquer par les fourmis de feu qui se seraient laisser tomber sur ma pomme !

retour en ville

Enfin, je rencontre Michèle, thérapeute à Pirae, juste à côté de Papeete, elle utilise entre autres la médecine Traditionnelle Chinoise et ça n’est pas une sinécure pour elle de trouver des plantes Chinoises, bien qu’à Tahiti les Tinito  (les Chinois) soient très installés

Michèle me montre son cabinet super bien aménagé  et m’offre un soin visage à la Chinoise, ce qui veut dire qu’elle y va franchement, je sens qu’elle y met tout son cœur, ça me ravigote un max, elle me précise qu’avec un massage de cet acabit 2 fois par mois on n’a pas besoin de lifting et je veux bien la croire, je suis repulpée avec les joues roses comme une poupée de porcelaine …

aussi vrai que ça (ça fout un peu les jetons les vieilles poupées de porcelaine)

…et je me sens hyper zen … pourquoi se droguer ?

Toujours Michèle, toujours adorable, tient à nous faire passer une soirée typique tahitienne, elle nous embarque donc quelques jours plus tard dans une soirée dansante pas loin de Papeete, et m’a même apporté une couronne de fleurs, la tahiti’s touch par excellence … Elle débarque en robe du soir, elle m’avait prévenue : faites vous beaux, ce qui nous avait bien mis la pression avec le capitaine parce qu’à force de naviguer et de randonner, nous ne sommes plus vêtus que d’oripeaux, les lavomatiques ne lavant qu’avec très peu d’eau pas bien chaude et en un temps record, en gros tes fringues sont toujours tachées mais avec une odeur de lessive, genre tu t’imbibes de parfum pour masquer la puanteur du manque d’hygiène comme au Moyen-Âge (les bains étaient rares car ils avaient peur d’une contagion par l’eau), une chance que je me sois acheté une robe à Tahiti, je suis Cendrillon à qui sa marraine la fée a fait apparaître une robe de bal d’un coup de baguette magique, c’est la carte bancaire la baguette magique lis-je sur les lèvres du capitaine qui murmure en haussant les épaules avant de fourrager dans un coin de placard avant d’en sortir une tenue à la hauteur cette robe (toute simple en coton fleuri mais qui fait son petit effet), à savoir une chemise blanche à manches courtes, avec son short beige et ses chaussures bateau il est tout à fait présentable, nous nous regardons et nous trouvons élégants comme ça faisait longtemps, il s’asperge de sent-bon et je mets une goutte d’Huile Essentielle de géranium, attention de ne pas en mettre trop car cela dérangerait le délicat odorat du capitaine et nous ne voudrions pas lui déplaire dans une robe neuve, mais à côté de Michèle nous faisons pâle figure, elle s’exclame

– tu n’as pas emporté une robe du soir sur le bateau ?

– une robe du soir ?!

et pourquoi pas des cuissardes à talons aiguilles sous une crinoline ?

le capitaine a trouvé que la couronne me va bien
ça swingue
et ça balance !

Je fais aussi le tour des herboristeries chinoises, en tous cas référencées comme telles, on n’est jamais déçus, je tombe sur des échoppes qui vendent des patentes en poudre dans une vitrine coincée entre des culottes en coton et des soutien-gorge géants, ou des vitrines plus grandes remplies de patchs aux plantes parmi des porte-bonheurs, des éventails et des paquets de jujubes …

… une autre fois dans un hangar qui vend du nutella aux woks en passant par les coton-tige et dans lequel, outre la vitrine de circonstance, se trouve un beau meuble à tiroirs, mais mes discussions avec les hôtes du lieu ne mènent à rien, ils savent vendre mais n’y connaissent rien et me regardent avec des yeux ronds avec mes questions, les noms sur les bocaux sont en idéogrammes ce qui ne facilite pas ma compréhension, je reconnais Wu Zei Gu parce que c’est hyper reconnaissable, Ren Shen aussi tout comme Dang Gui, le reste est trop loin, une chose est certaine c’est qu’il y a des plantes de pharmacopée chinoise à Tahiti mais que pénétrer la communauté ne doit pas être simple … ce que me confirmera Michèle, alors on fait comment pour progresser si chacun défend son pré carré ?

ça vend de tout, au cas où

une fois je me suis même dit qu’ils exagéraient de vendre des plantes médicinales au milieu des déguisements d’Halloween, mais je m’étais trompée de magasin 😄

J’aurai la chance de pouvoir échanger avec d’autres herboristes et guérisseurs, visiter Tahiti, et j’irai randonner à divers endroits pour explorer la flore locale à la recherche de trésors thérapeutiques, quel pied !

un splendide tulipier du Gabon !
en haut il fait frais
Papeete vu d’en haut
on voit bien Moorea en face
in action !
une fois on trouvera même un petit refuge pour manger un bout
mais les chiottes du refuge ne sont guère tentant, on continuera à pisser dans la bruyère
on prendra aussi la route prou traverser Tahiti
l’intérieur de Tahiti est tout bonnement magique
finalement on a fait demi-tour parce qu’il avait tellement plu que la route était impraticable

On ira aussi voir LA vague !

Teahupoo est donné comme sûrement le spot le plus dangereux du monde à cause du risque d’être projeté contre le récif 

Voilà un petit aperçu de ce qu’y font les surfeurs : https://youtu.be/bU0iFul9jiI

j’y ai pas coupé, le capitaine a insisté pour m’immortaliser sur la vague
le jour où on y était on a vu ça ... ça fait petits bras

A savoir absolument pour ne pas vous faire avoir !

Suis-je simplette ou bonnement inculte, toujours est-il qu’il m’était venu une idée géniale, à savoir me faire envoyer un colis par ma belle-fille en indiquant l’adresse de Michèle pour la livraison, voyez comme ça turbine à fond dans ma cervelle, donc je mets ce vaste projet à l’œuvre et, après des jours d’angoisse à me ronger les ongles parce que je n’avais aucune indication sur là où pouvait bien se trouver mon colis après être passé par l’Australie comme les poulets qui font le tour du monde avant d’atterrir dans nos assiettes, je suis convoquée aux douanes de l’aéroport, bon … je vous fais la version courte, j’ai dû payer 50% de taxes sur le contenu du colis et même sur les frais d’envoi, envoi qui m’avait coûté une blinde à savoir 190 €, 190 € putains d’euros pour un colis ! et le capitaine de me dire d’un ton moqueur que mais tu n’étais pas au courant de ça isabelle ? et comment être au courant avant de s’être faite avoir je vous prie ? comment avoir même l’idée de demander si on ne va pas se faire assassiner le porte-monnaie en se faisant envoyer un colis ?… la bonne femme des douanes m’a proposé d’abandonner le colis pour ne pas payer, mais j’ai payé, pas que son contenu serve de cadeaux de Noël aux douaniers, non mais que le Diable te crache au cul !

En plus si je n’avais pas payé, les dessins de mes petits-enfants pour mamie aurait été balancés, un véritable crève-cœur (ça me rappelle qu’un de mes gendres m’appelait mamie-pète-au-casque, il y avait une certaine pertinence dans sa vision des choses)

Au niveau mondial, la Polynésie est le deuxième pays le plus cher au monde (après le Japon), le coût de la vie y est 27 % plus élevé qu’en France tandis que le pouvoir d’achat local est de 58 % moins élevé, quand j’achète 2 baguettes en boulangerie, ça me coûte 400 francs pacifiques, soit 3.34 €, ça fait 1,67 € la petite baguette, un vrai luxe, l’ananas au marché coûte entre 600 et 800 francs pacifiques donc en gros entre 5 et 6.5 €, tout est taxé, taxé et surtaxé, de ce point de vue là il vaut mieux passer ses vacances au Cap Vert !

coucher de lune à la marina

Mais calmons nous et revenons sur des sujets enchanteurs, un peu de botanique par exemple …

Contemplons ensemble cette goutte de sang rouge, fleur qui servirait à soigner les affections oculaires, en compresse à la manière de l’eau de Bleuet dans nos contrées et aurait également une action contre les affections pulmonaires. Mais comme les espèces de ce genre sont souvent prises les unes pour les autres (Emilia fosbergii et autres Emilia), aucune certitude n’est confirmée quant à ces propriétés.

le capitaine a sauvé mes vieilles baskets en les lavant à grande eau pour pas que j’abîme les nouvelles que j’ai achetées à Papeete, du coup je n’ose pas mettre les neuves parce qu’il me dit que je vais les salir …

Propriétés incontestables quand il s’agit d’un eucalyptus, également appelé Arbre à la fièvre, à cause ses puissantes propriétés médicinales d’antiseptique des voies respiratoires. Il sert à élaborer une potion que les tahitiens étalent sur leur torse

Quant au Tamanu (Calophyllum inophyllum), il était considéré comme un arbre sacré du fait de ses vertus thérapeutiques et il était souvent planté dans l’enceinte des marae royaux. Il porte le nom de laurier d’Alexandrie en français. Dans les temps anciens, le Tamanu était un arbre tabu donc inutilisable par le commun des mortels, son bois ne pouvait servir qu’à la confection des tiki. Les feuilles sont utilisées en pharmacopée traditionnelle pour traiter les affections cutanées et les brûlures. Ses amandes servent à produire l’huile de tamanu aux propriétés analgésiques et surtout cicatrisantes, on l’utilise sur les plaies difficiles à cicatriser, les brûlures, les plaies post-opératoires et les ulcères.

Le Santal ci-dessous est l’un des composants les plus importants des mono’i ou pani (huile de coco). Les mono’i ahi ou pani puahi sont utilisés à la fois pour leurs vertus médicinales et leurs vertus cosmétiques. En pharmacopée polynésienne, la poudre de santal peut être utilisée, seule ou en mélange, en interne ou en externe, pour traiter les maux suivants : otite, sinusite, douleurs articulaires, cicatrisation du nombril des nouveau-nés, vergetures, mal de dos, froid, migraine. Le Santal est un bon antiseptique urinaire et pulmonaire, aphrodisiaque et tonique général, sédatif… Il agit sur le mental et les émotions, est apaisant et anti-inflammatoire, est efficace pour les problèmes de peau, acné, eczéma, gerçures et les peaux sèches

Le Banian polynésien, Ora tahiti, est originaire, comme son nom le laisse supposer, de Polynésie. Les jeunes racines contiennent une sève blanche laiteuse que les tahitiens employaient dans de nombreux médicaments. Les tapa en banian étaient également utilisés comme serviettes hygiéniques (le tapa est une fabrication d’étoffe à partir de l’écorce interne du mûrier, du banian et de l’arbre à pain)

Pour finir, voici une fleur de Datura Metel sur le chemin … et pour la petite histoire, c’est le Datura stramonium (fleur qui ressemble à cette photo mais qui est blanche) ou herbe du Diable qui est hallucinogène et éminemment toxique car renfermant des alcaloïdes dérivés de l’atropine, sa consommation peut entraîner des céphalées, crises d’angoisse, délires et convulsions. Néanmoins le Datura stramonium a une utilisation médicinale ancestrale reconnue pour apaiser les douleurs, soigner les maladies dermatologiques et endiguer des crises de folie, on comprend qu’il faut faire sacrément attention en l’utilisant, il se consomme généralement par voie orale sous forme de décoction.

ça balance à la marina

Pour éviter de vous perdre, sachez que :

  • Un régulateur d’allure est un système de pilotage mécanique et hydrodynamique autorisant un voilier à conserver une route constante par rapport à la direction du vent apparent (résultante vectorielle du vent vrai et de la vitesse du bateau) sans intervention de l’équipage.
  • Les tâura sont des animaux, végétaux et minéraux qui sont « alliés » avec des êtres humains, des familles, des clans. Ils sont considérés comme des pères, des mères, des frères, des sœurs. La relation avec eux est donc fraternelle et respectueuse. Les tâura animaux sont des gardiens et apportent force et pouvoir. Les tâura végétaux aident à l’équilibre, à l’harmonie et à la guérison. Selon la tradition orale, l’esprit d’un défunt, appelé täura, peut se manifester aux humains en apparaissant de façon inattendue sous diverses formes : un grillon, un oiseau, un lézard, un chien, un homme, une raie, un cent pieds, une chenille, une anguille… qui elles-mêmes sont liées à un dieu.
  • Pour en savoir plus sur Opuhara, le dernier ari’i de Tahiti (Roi, chef principal) : https://www.hiroa.pf/2011/05/opuhara-le-dernier-ari%E2%80%99i-de-tahiti/#:~:text=Opuhara%20et%20la%20chefferie%20des,est%2D%C3%A0%2Ddire%20pr%C3%AAtre
  • Il avait été noté à l’époque où Bougainville les a découverts, que la civilisation des Polynésiens, sommaire sous son aspect matériel, avait atteint socialement, politiquement et religieusement, un degré bien supérieur à celui qu’on pourrait attendre d’un peuple vivant aussi isolé de toutes les autres influences humaines –ils avaient mis au point des techniques d’horticulture et de pêche qui permettaient le maintien en bonne santé de populations qui étaient structurées selon des règles sociales traditionnelles respectées.
  • L’éléphantiasis est une maladie tropicale négligée. L’infection se produit lorsque les parasites filaires responsables de la maladie sont transmis à l’homme par des moustiques. Généralement contractée dans l’enfance, cette infection provoque une altération non apparente du système lymphatique. Il s’agit de la filariose lymphatique qui peut entraîner une augmentation anormale du volume de certaines parties du corps, donnant lieu à des douleurs, un handicap sévère et une stigmatisation sociale.
  • La fourmi de feu, appelée ainsi car sa piqûre est très urticante, est classée parmi les pires fourmis invasives au monde. Sa piqûre est très douloureuse, elle prolifère dans les arbres, rend les animaux sauvages ou domestiques aveugles. Dans les forêts qu’elle contamine, il ne reste qu’elle et les insectes qu’elle élève (de type puceron). Elle se répand actuellement quasi inexorablement en Polynésie et dans le Pacifique.
  • Le concept de tabu (ou tapu) existe dans plusieurs sociétés polynésiennes comme aux Tonga, aux Samoa et chez les Maori de Nouvelle-Zélande. Il fait référence à un interdit lié au sacré.
  • Que le Diable te crache au cul : insulte préférée de Stendhal, qu’il tenait de son grand-père, restaurons cette admirable injure quand on se sent détroussés par des bandits de grands chemins !
  • La plus haute vague du monde pour le surf a été mesurée à Nazaré, au Portugal, c’est LE spot où a été établi le record du monde de la plus haute vague jamais surfée par le Français Benjamin Sanchis qui, en décembre 2014, a surfé une vague de 33 mètres, l’équivalent d’un immeuble de dix étages…
😵‍💫
  • MAIS ! La vague la plus haute jamais observée s’est produite dans la baie de Lituya en Alaska le 9 juillet 1958 : un mur d’eau de 524 mètres a été causé par l’effondrement d’un pan de montagne, entrainant un séisme de 7,9 sur l’échelle de Richter. Pourquoi une telle hauteur ? L’effondrement de la montagne s’est produit dans un bassin d’eau fermé, un peu comme une tartine dans une tasse de café, d’où la violence de la vague. 5 morts ont été signalés à la suite de cet événement dévastateur, un bilan bien faible compte-tenu de l’immensité du phénomène, expliqué par le fait que la zone côtière touchée n’était quasiment pas habitée. La hauteur de 524 mètres mesurée est en réalité le déferlement, la vague qui l’a suivie a ensuite été estimée entre 60 et 90 mètres.  En 1854, 1899 et 1936, cette même baie avait déjà connu des tsunamis de 60 à 150 mètres de hauteur.

Tahiti … bien plus tôt que prévu

Le lendemain de ce dimanche pluvieux et festif, nous retentons la sortie de Toau, en vue de la passe je propose d’un air détaché au capitaine

– Je me demande si ça ne serait pas plus prudent de mettre les gilets de sauvetage ?

– Naaaan pas besoin … … … (tic tac) … va les chercher (le non est le premier réflexe du cerveau reptilien, puis le néocortex s’en mêle et raisonne le reptilien qui s’en va la queue entre les jambes devant la pertinence d’une proposition sensée)

Je me précipite comme s’il était crucial de trouver de l’eau pour éteindre un feu subit dans mes cheveux, sors à la hâte les gilets du coffre où ils sont rangés parce que le capitaine est déjà entré dans la passe, ma foi ça remue pas mal mais ce n’est rien à côté d’hier, en poussant bien le moteur ça prend le temps qu’il faut mais on sort de Toau tout gilets-de-sauvetagés, petit air satisfait du capitaine et béat pour moi, direction l’anse d’Amyot un peu plus loin, il pleut toujours mais plus de façon permanente, soudain, sa voix, que dis-je, un cri

– I DIT QUOI LE PILOTE DU BAS ?!

Je déboule devant la table à carte, regarde l’affichage du pilote et braille

– I DIT PLUS RIEN !

et puis un grand BIIIIIIIIP sonne l’alarme dans tout le bateau pendant qu’un message s’affiche en bas Bus en court-circuit, et un autre dans le cockpit : absence de maître ou un truc comme ça, le capitaine a pris la barre

– change de pilote !!

Grâce au ciel et à la prudence (maladive) du capitaine, nous avons 2 pilotes, alors je change de pilote, le met en route, BIIIIIIP, alarme qui tinte, bus en court-circuit et absence de maître, je coupe et passe une tête effarée dans le cockpit

– on fait quoi ?

Plus de pilote … la poisse, la guigne, la merde

– on file sur Tahiti pour réparer là-bas

Euuuuh … ça serait pas un poil précipité par hasard ?

– tu ne veux pas qu’on s’arrête à l’anse Amyot plutôt ? pour qu’on essaie de réparer ?

Je ne suis pas marin (devrais je écrire marine en bonne petite pensée inclusive ? pour ne pas paraître ennemie de la Femme ?) (c’est Delon qui disait, dans une interview, « j’aime la femme », j’en ris encore) mais je pense qu’une décision hâtive n’est pas de mise et qu’on peut tenter de réparer ça au mouillage, et puis on s’est levés tôt, j’ai la tête de traviole et pas envie de me farcir 200 miles nautique à brûle-pourpoint !

Sylvain et Isabelle d’Oxygen, qui nous ont suivi de peu, naviguent quasiment à côté de nous, on s’appelle à la VHF, Sylvain pense comme moi, on peut réparer, ça ne doit pas être bien compliqué, le sourcil froncé sous le poids de la réflexion, le capitaine abat d’un geste auguste pour aller sur l’anse Amyot, Oxygen filant sur Rangiroa nos routes se croisent, le capitaine se rapproche dangereusement d’Oxygen, moi je passerais plutôt derrière mais lui veut passer devant, aïe aïe aïe collision en vue !

– attention, tu vas lui couper la route !! m’émeus je

tandis qu’il hausse les épaules en se moquant de mes affres, non on ne se fera pas couper en deux par Oxygen

Du temps où le capitaine était champion de cata, il rasait tellement les bateaux en les doublant qu’il en a tapé certains, je lui ai demandé si c’était éliminatoire, oui, s’il s’est fait éliminé parfois, oui, le capitaine est un dur-à-cuire (personne froide et endurcie, qui ne se laisse désarçonner par rien)

Mais il ne fume pas le capitaine, d’ailleurs ça m’étonne de Corto Maltese ou de tout marin d’aller s’enfumer dans l’air pur des océans

Un peu plus tard Sylvain nous rappelle pour nous dire qu’il se déroute vers l’anse Amyot afin de nous y rejoindre et de filer un coup de main au capitaine, ça c’est de la belle entraide !

Si tous les gars du monde
Décidaient d’être copains,
Et partageaient un beau matin
Leurs espoirs et leurs chagrins ;
Si tous les gars du monde
Devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans main,
Le bonheur serait pour demain ! (Paroles de Marcel ACHARD – Musique de Georges-Eugene VAN PARYS) (laissez vous aller : https://youtu.be/QRwinIdlvbI)

l’anse Amyot est un mouillage dans lequel on arrive depuis l’océan, on ne rentre pas dans l’atoll, c’est une première pour nous

Nous arrivons en slalomant dans le mouillage jusqu’à nous amarrer à une bouée, le capitaine va rejoindre Sylvain sur son cata pour regarder sur internet les manières de réparer ça parce qu’on s’est regardés, interdits : c’est quoi un bus ?  

i va reflotter

Quand il revient, je ne sais pas s’il en a vraiment appris plus mais la solidarité masculine a fait son petit effet euphorisant, l’espoir est là, le capitaine confiant, le soir tombe et nous aussi, à chaque jour suffit sa peine, on réparera demain qui est un autre jour et puis voilà

La nuit a beau porter conseil, elle n’apporte pas la science infuse comme je l’ai espéré si souvent du temps de l’école, c’est donc tout aussi ignare que la veille que le capitaine se met à démonter les boitiers au fond d’un placard, boitiers que nous pensons, par déduction analogique (un bus transporte du monde et un boîtier beaucoup de fils) être les fameux bus dont un est en court-circuit, Sylvain et lui ayant vu sur internet que de toutes façons il faut tout démonter et remonter un à un pour voir ce qui déconne, ils ont vérifié sur tout un tas de sites s’il fallait vraiment en passer par là car l’homme est ainsi fait qu’il espère toujours une solution miraculeuse et instantanée au problème du moment, mais tout un tas de site a dit la même chose : il faut tout démonter

est-ce le placard qui est trop petit, est-ce le dos du capitaine qui est trop large …

NB photo ci-dessus : encore une fois, les esprits affutés auront vu ce détail que je livre aux moins observateurs d’entre vous sur un plateau d’argent : les cheveux du capitaine sont bien coupés, et devinez qui les lui a coupés ? Il m’avait dit bien court ! alors je les ai fait bien court mais il a fait une drôle de tête quand il les a vu bien court à mon idée – là ils ont déjà repoussés, le capitaine retrouve sa tête de d’habitude, moi je l’aime bien tout court car il ne peut plus les coiffer en arrière, il pense qu’il fait négligé s’il n’est pas coiffé en arrière, c’est drôle le cerveau humain (surtout celui du capitaine)

J’ai fait un bon petit dèj pour donner du cœur au ventre au capitaine …

on n’a plus rien de frais, donc pas de fruits, mais pancakes et pain maison s’il vous plaît ! du petit dèj qui tient au ventre ! à vous de trouver la bouteille de canadou qui va avec celle du rhum La Mauny

… mais ça grommelle sévère du macarelle par ci et du macarelle par là, pas facile de bricoler à 4 pattes dans un placard, encore moins quand nous y sommes à deux pour souder des fils, l’un tenant les fils (mal quand c’est moi) et l’autre le fer à souder (comme un manche quand c’est moi) (le capitaine sait encourager les troupes, à se demander par quel miracle il n’a pas pris un coup de fer à souder dans une narine), on a chaud, macarelle de diou c’est pas facile la vie d’artiste … je ne saurais vous dire si on avance bien ou pas, une chose est certaine cependant c’est que nous tâtonnons, lisons tous les modes d’emploi, espérons la bonne piste, relançons un pilote avant de l’éteindre aussi vite quand son BIIIIIP nous vrille les tympans, je donne prudemment mon avis au capitaine, c’est que : est-ce que ça ne vaudrait pas le coup de monter voir en haut du mât l’anémomètre parce que c’est lui qui a commencé à débloquer il y a déjà quelques temps aux Marquises, et comme on lit à droite et à gauche que les courts-circuits sont souvent dus à l’anémomètre,  j’en tire une conclusion très nez au milieu de la figure, mais bon, le capitaine n’a cure de mon avis de blonde, manquerait plus que de s’abaisser à ça mortecouille ! on y passe deux jours, le pilote bipe à cœur joie, c’en est décourageant

Quand tout espoir semble vain et le moral des troupes au plus bas, le capitaine s’en va farfouiller dans tout le bateau avec une mine réjouie, on l’a perdu me dis-je, il craque … puis il ressort du fin fond d’un coffre et me brandit victorieusement sous le nez … euuuh

– un allume-gaz géant ?

– mais non isabelle ! c’est un 3ème pilote !

Cependant il tempère vite mon émoi, il s’agit d’un pilote de cockpit qu’il a récupéré d’un autre bateau, rien à voir avec les 2 autres pilotes en panne, c’est adapté très exactement « pour une navigation sur des bateaux de 6 à 7 tonnes et de longueur maximum de 12 mètres et dans des conditions météo estivales »… je lui rappelle, à cet oublieux, qu’on fait 12 tonnes et 14 mètres mais il me précise son idée géniale, ça peut nous filer un coup de main rien que pour aller pisser tranquille, je lui avais partagé mon interrogation existentielle, à savoir comment je ferais si je barre et qu’il dort et que j’ai envie de faire pipi ? Il m’avait répondu que je n’aurais qu’à faire pipi dans le cockpit, je m’étais préparée à ne plus boire une seule goutte jusqu’au départ (je me suis vue accroupie dans le cockpit, les genoux vers l’intérieur et la culotte sur les mollets, tenant la barre d’une main et mon teeshirt de l’autre, tête baissée pour viser entre mes godasses, le capitaine arrivant sur ces entrefaites … ne plus boire, donc)

Le capitaine, inconscient de ce qui se déroule dans ma tête et c’est tant mieux, passe une autre journée à bidouiller l’installation de ce pilote de fortune dans le coffre arrière entre les barres, je l’entends qui scie, souffle, sue sang et eau jusqu’à l’instant tant attendu de relier ce pilote à la barre …

Gotlib a sûrement rencontré le capitaine

Moralité de l’histoire : il aurait fallu installer le pilote entre la barre et la coque, mis dans le coffre c’est impossible de le relier à la barre …

Voilà à quoi ressemble un pilote de cockpit, autant dire que ça vous défigure un cockpit et que le capitaine n’aurait jamais pu s’y résoudre (et ça ressemble à un allume-gaz géant)

Graves, nous prenons la décision de rejoindre Tahiti sans pilote, 200 miles c’est pas la mer à boire, on ne verra pas Rangiroa ni les autres atolls des Tuam  mais pas le choix, en plus on les a quand même bien visité les Tuamotu mais comme dit le capitaine on ne reviendra pas, alors il aurait aimé voir tout son programme, il est comme ça, sans rigueur le monde part à vau l’eau et lui en tête

un dernier coup de bleu avant de quitter les Tuam

La veille je prépare à manger pour 2 jours parce que soit je serai à la barre, soit j’aurai faim ou sommeil mais ni l’envie ni le temps de cuisiner, le lendemain on se lève avant l’aube, on prend un bon petit dèj et c’est parti, je ne vaux rien sans un bon petit dèj et le capitaine se demande en se regardant le nombril s’il n’a pas grossi avec mes bons petits dèj, c’est lui qui commence à barrer et moi je suis déjà crevée de m’être levée si tôt, ça promet !

On barre à tour de rôle, le capitaine qui est un homme bon, ou bien un marin qui a plus confiance dans sa façon de barrer que dans celle d’une équipière olé-olé, en fait plus que moi et je dois dire que j’en suis fort aise parce qu’au bout de quelques heures j’ai les trapèzes en compote et même tous les muscles de mon pauvre corps sont réduits à l’état de bouillie …

A ma décharge, j’ai les pieds dans le vide et la houle est forte, il me faut les deux bras pour barrer, le capitaine a insisté pour je mette mon gilet de sauvetage et que je m’attache au bateau de crainte qu’une vague m’emporte, au moins si je m’évanouis de fatigue je ne glisserai pas dans l’eau comme un plat de nouilles, en plus je suis habillée à faire honte à feu YSL, bref, c’est la totale

Par contre, lui (tiens, ça lui va bien « lui ») lui donc, LUI, sait s’installer confortablement et barrer à l’économie pendant que je récupère en haletant comme un caniche ayant traversé la France pour retrouver son maître qui l’a abandonné au bord de l’autoroute un 1er août (ce que c’est sot un caniche), et quand revient mon tour il m’abreuve de conseils de haut vol, je dois lofer ou abattre avant même que la vague ne soulève le bateau isabelle, et cela même si les vagues arrivent dans mon dos, je dois le sentir comprenez vous, je finis par dire dans un gros (un énorme) soupir que c’est la première fois que je barre dans ces conditions et que lui, combien il a d’expérience dans le domaine je vous prie ? 50 000 miles je pense qu’il me répond, bon bin voilà, va dormir et je me débrouillerai très bien, je le sais parce que la trace sur Navionics est bonne même quand c’est moi qui barre, CQFD

il a mis son cache-nez, ça lui donne un petit air d’Hannibal Lecter

L’un des multiples dons du capitaine est de pouvoir dormir à peu près à chaque fois qu’il s’allonge sur un lit, cela lui permet de récupérer vite fait, il n’en est pas de même pour moi qui commence toujours à comater juste quand il faut que je prenne la relève, je me tasse donc sur moi-même comme une fleur se fane au fur et à mesure de la journée et baffre du sucre autant que je peux pour me donner un semblant d’énergie, surtout quand arrive la nuit, c’est à mon tour de barrer pendant que le capitaine mange au sien (de tour)

– ne regarde pas le compas (la bouche pleine)

– mais ! je ne vois que dalle devant c’est tout noir ! comment veux tu que je sache où je vais si je ne regarde pas le compas ?

– mais si tu le sens ! je ne veux pas que tu regardes le compas !

S’ensuit un long épisode durant lequel je regarde le néant droit devant quand je sens que le capitaine m’observe comme une mygale un arthropode pour son prochain repas, reviens promptement lorgner sur le compas et m’en éloigne vite fait avant de me faire choper, le capitaine rode dans le cockpit, se retourne soudain, je soutiens son regard avec un air de ravi de la crèche, j’étais imbattable à 1,2,3,soleil

Quand il va se coucher ça m’économise de l’énergie, je ne quitte plus le compas des yeux, cap 240, on avait d’abord navigué sous GV + génois tangonné en vent arrière, puis on a dû empanner et mettre le génois du même côté que la GV, une fois en vent de travers, j’ai dû m’habituer à barrer à bâbord puisqu’on a 2 barres, une à tribord pour quand on navigue tribord amure et une à bâbord pour quand on navigue bâbord amure, on a fait 85 miles en 9 heures, ça nous fait du 8.33 de moyenne, ça veut tout de même dire que je ne me débrouille pas si mal, re CQDF

Notre route est donc Ouest Sud-Ouest

Avec la fatigue, je m’embrouille les idées, je ne sais plus si je dois lofer ou abattre quand une vague éloigne le bateau du cap, je ne fais que me répéter pousse la barretire la barre … pousse la barre … tire la barre … et des fois je me plante, je pousse au lieu de tirer parce que le cap est à 270 et je ne sais plus ce que je dois faire pour revenir à 240, lofer ou abattre, tirer ou pousser, en plus quand je barrais de l’autre côté c’était le contraire, j’essaie l’un ou l’autre et finis par ramener le bateau sur 240, la voix du capitaine ma parvenant du fin fond de sa couchette mais qu’est-ce que tu fabriques ?! parce qu’il sent les mouvements du bateau, et puis je ne l’entends plus, il a lâché prise en sombrant dans un sommeil plus profond, je pousse la barre, je tire la barre et surtout je le laisse dormir, le peu que je pense ne me prend guère d’énergie alors je tiens le choc jusqu’au lever du jour, j’avoue que ça fait une bonne heure que j’ai envie d’appeler le capitaine à la rescousse pour qu’il me relève mais que je me répète de tenir encore un peu … juste pousser la barre … juste tirer la barre … juste ça isabelle … et puis j’ai des bananes sèches dans une poche et j’en croque une bouchée de temps à autre comme on remet un litre d’essence dans sa deuche pour aller un peu plus loin, le capitaine se lève, je prépare un petit dèj sommaire, mange, le relaie pour qu’il mange à son tour et vais me jeter tout du long sur ma couchette, je ne sais plus si je dors un peu ou même pas, quand je me relève il fait déjà chaud, je reprends la barre, moins de vent, moins de houle, on se relaie avec le capitaine, que ce soit pour manger, barrer ou se reposer, il fait rudement chaud, et puis au loin … Tahiti … Tahiti ! TAHITI quoi !!! Jamais je n’aurais cru y aller un jour ! Tahiti ! la lune !

Je reprends la barre pendant que le capitaine prépare notre arrivée, je suis claquée alors je continue de fixer le compas qui m’hypnotise comme un métronome, j’en suis au point que je me fous complètement de ce que peut penser le capitaine, et puis je me dis que ça serait tout de même drôlement chouette d’être accueillis à Tahiti par des baleines, je lève mon nez du compas, me retourne sur Tahiti que nous longeons … pile à ce moment je vois passer une queue énorme et noire à une trentaine de mètres de nous, je hurle une baleine ! une baleine !!! le capitaine déboule dans le cockpit, je braille là ! làààààà ! en montrant du doigt, et la baleine ressort de l’eau, décrit un long et lent arc de cercle, noir sur le dessus et blanc en dessous, avant de replonger, on en reste sans voix et puis je m’exclame la chance ! la chaaaaaance ! mon dieu quelle chance !

Comme on est sous le vent de Tahiti, c’est calme, plus guère de houle, je lâche carrément la barre pour filmer et scruter l’océan afin de voir si la baleine ne va pas revenir, que dalle … on longe le port, il y a plein de maisons, même de loin on voit que ça vit comme on en l’a pas vu depuis des mois, ça fait drôle

Nous avons vu des atolls, comme Fakarava ou Makemo, des îles hautes sans barrière de corail comme aux Marquises et  nous découvrons ici des îles entourées d’un lagon, c’est le cas de Tahiti, Moorea ou Bora Bora, donc il y a une passe pour entrer dans le lagon de Tahiti, j’appelle le capitaine pour qu’il prenne la barre mais il est occupé à je ne sais quoi et me dit d’y aller, c’est une autre dimension que les passes des Tuam, elle est hyper large et le problème vient plus des navettes et bateaux qui circulent dans tous les sens que d’un mascaret, inexistant par ailleurs, par contre le courant est bien là, c’est moi qui entre dans la passe de Tahiti, c’est de vous l’écrire que je me rends compte que c’est un peu la classe quoi … mais le naturel du capitaine ne tarde pas à revenir au galop, il trouve que je vais trop par ci ou pas assez par là et me reprend la barre, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même (il me laisse faire à bouffer pourtant), et nous arrivons dans la marina de Papeete, c’est là que le capitaine veut aller parce qu’il y a une autre marina près de l’aéroport mais c’est à perpète … on tourne au ralenti dans la marina, elle est blindée, pas une seule place dispo, on voit plus loin un bateau amarré le long d’un des quais du port, le capitaine décide de l’imiter, on est vendredi soir alors on a des chances que personne ne vienne nous demander des comptes avant lundi matin, je mets les pare battages et les amarres, le capitaine me fait prendre la barre pour arriver le long du quai

– euhhh t’es sûr ? tu ne veux pas plutôt que j’aille sur le quai et que tu prennes la barre ?

– mais y’a rien à faire ! tu coupes les gasses (les gaz, si vous le connaissez bien maintenant) et c’est tout !

bon, je coupe les gaz, je dirige le bateau, le capitaine a sauté sur le quai et nous amarre, welcome to Tahiti !

et voilà

On a beau être morts ou quasi, on se prend une douche vite fait sur la jupe, on passe des fringues propres et on file faire un tour à Papeete, manger un steak dont on n’a pas vu la couleur depuis des semaines, frites pour le capitaine qui est un homme simple (c’est lui qui le dit quand j’entame des sujets de conversation qui le font chier) et salade pour moi, pas vu la couleur non plus depuis moult, j’apprendrai plus tard que le resto, qui s’appelle le Rétro, est celui où Joe Dassin est mort à l’étage en plein repas le 20 août 1980, à 42 ans près j’aurais pu le voir piquer du nez dans son assiette et devenir célèbre dans un cirque, la femme qui a vu mourir Joe Dassin

si ça, ça ne lui fait pas plaisir …

Après ça on pense dormir comme des anges mais c’est sans compter sur les bruits de la ville qui est à bout de quai … et quelle ville ! une vraie ville ! voitures, klaxons, sirènes d’ambulances, une voix féminine des passages piétons qui parle toute la nuit « rouge piétons – rouge piétons – rouge piétons » et sonne quand c’est vert bip-bip-bip-bip-bip + sonnerie du téléphone des taxis qui résonne dans la nuit … nous dormons d’un sommeil entrecoupé, après le silence désertique des Tuam c’est violent, et sommes réveillés avant même que le jour ne se lève car la vie ici démarre avec le soleil, et les bruits de la vie de Papeete qui démarre ça réveille bien

marina de Papeete vue depuis le quai du port où nous sommes amarrés
côté port, un gros yacht, le quai où l’on s’est mis est fait pour accueillir ce genre de yacht, on croise les doigts pour qu’il n’en arrive pas un autre

Comme c’est week-end on ne réussit pas à joindre le gars qui doit nous dépanner l’électronique NKE, alors le capitaine retente du bricolage, nous allons avoir la cruelle démonstration que l’électronique c’est 1 pas en avant, 3 pas en arrière … donc on se dit qu’après tout il faut relancer le pilote pour voir ce que ça donne avant de tout démonter à nouveau et là, et ça nous laisse pantois, ça se met à afficher des trucs à l’écran, ça bipe dans tous les sens mais les bips normaux, pas l’alarme, on se regarde comme si on avait gagné au loto (attendez, je vais vérifier parce que j’avais joué et je reviens) … (rien, nada, le capitaine n’est pas prêt d’avoir une machine à laver dans son bateau), on croit que c’est gagné et on se prépare à se taper les mains en signe de victoire quand un vérin se met carrément en route et CRRRAAAAAAAC ! énorme et sinistre !  La barre était attachée pour éviter les mouvements intempestifs au mouillage et elle a cassé sous la force du vérin qui voulait la faire tourner, crétin de pilote ! … le capitaine recoupe fissa l’électronique

– quel âne ! non mais quel âne ! (et ce n’est pas du pilote qu’il parle)

Il en est quitte pour réparer la barre, il faut la démonter, la scier, la remonter, ça lui prend un bout de temps durant lequel il ne cesse de se blâmer en se traitant encore et encore d’âne, on lui donnerait un fouet qu’il se flagellerait à genoux jusqu’au sang en invoquant le pardon de Saint Erasme … en plus, cerise sur le pompon, après ces soubresauts annonciateurs de son agonie, l’écran du pilote annonce de nouveau qu’il y a un court-circuit et pas de maître, j’abandonne le capitaine à son triste sort pour me balader, acheter à manger et constater que les clodos affalés et crasseux sous les porches font ressembler Papeete à la rue des Lombards le dimanche matin, la même odeur de poubelles embaumant l’air en prime, j’en conclus que c’est plutôt dans les rues qu’il faudrait balancer de l’encens le dimanche …

Le lundi, quand je reviens du marché …

est-ce que le capitaine aimerait que je lui serve des crêpes dans cette tenue locale 🤔?

… le capitaine a une bonne nouvelle (une fois n’est pas coutume) parce que, outre ce problème de pilote, on risque fort d’en avoir un autre, à savoir se faire déloger manu militari par les gars du port puisque nous n’avons pas le droit d’être amarrés sur ce quai, mais pendant que je flânais entre les bouteilles de monoï et les traiteurs chinois du marché, devant lesquels il y a un monde de dingue alors que les vendeurs de mangues et d’avocats se curent le nez pour passer le temps dans l’attente d’un client, pendant que je flânais donc, le capitaine a fureté dans la marina et de fil en aiguille s’est mis d’accord avec un charter pour lui prendre sa place quand celui-ci ira balader ses clients sur la mer, alors certes c’est provisoire mais nous avons tout le temps d’ici là de sympathiser avec l’autochtone de la capitainerie pour se voir octroyer une place à plus long terme, du moins ai-je la naïveté de le croire, le capitaine étant d’une nature moins optimiste fait la moue quand je lui exprime mon enthousiasme, mais je le sais tellement charmeur qu’il devrait savoir s’y prendre pour nous dégoter une place …

j’ai aussi flâné devant les vitrines, ça fait trop longtemps
et dans les rues pour voir des gens … du monde !

… et ça ne loupe pas ! dès le mardi après-midi nous prenons notre place officielle, celle de Moxie, le bateau d’un couple d’Anglais que nous avions déjà rencontrés à Hiva Oa et avec qui le capitaine avait échangé (il se fait tout un réseau de connaissances en mer et ça finit toujours par servir), une fois l’affaire dans le sac, le capitaine va prévenir le gars de la capitainerie qui lui dit qu’il aurait pu lui demander d’abord mais laisse filer, parce que le capitaine il est comme ça, il se fait tout de suite un tas de copains … en tous cas nous voilà installés à Papeete, le gars de NKE doit venir le mercredi de la semaine suivante, ça me laisse du temps pour découvrir Tahiti et sa botanique, ô joie !

la marina de nuit

Si vous avez lu jusque là, bravo ! vous pouvez continuer !

  • A brûle-pourpoint : brusquement, sans préparation. Qui veut dire aujourd’hui « brusquement, sans qu’on s’y attende ». L’expression a d’abord signifié « tout près, au point de pouvoir brûler le pourpoint » en parlant d’une arme à feu dont on pointe le canon sur l’adversaire : tirer sur qqn à brûle-pourpoint (on dirait aujourd’hui : à bout portant).
  • But du jeu 1 2 3 Soleil : le joueur face au mur tape trois fois en criant 123 Soleil et lorsqu’il dit SOLEIL, il se retourne vers les joueurs. Pendant que le meneur de jeu crie 123 Soleil, les joueurs doivent essayer d’avancer le plus vite possible et s’immobiliser quand le meneur de jeu se retourne après avoir dit soleil ! pour ne pas perdre.
  • Une mygale mange des arthropodes (des insectes, souvent de grande taille, des scorpions, d’autres araignées…), et des vertébrés : petits reptiles (petits serpents, lézards, geckos…), amphibiens (grenouilles, crapauds), petits mammifères (rongeurs)
Flûte, je vais faire des cauchemars