
Il fallait partir tôt, c’était dit, on part à 15h, mais pour une fois nous avons une circonstance atténuante de taille, Andrew, le gars des customs qui doit nous faire les papiers de sortie, nous a donné rendez-vous à 11h30, tu m’étonnes, c’est dimanche et il veut faire la grasse mat’, on ne peut l’en blâmer, ça m’arrange, je vais pouvoir dormir en conséquence, parce que partir pour une semaine de nav’ après 5 mois de vie terrestre, si je pars déjà crevée, je vais être malade aussi sûr que 2 et 2 font 4. Mais Andrew a donné un autre rendez-vous à la même heure, un peu brouillon l’Andrew, on passe après les autres, ce brave Andrew nous donne son numéro de téléphone pour l’appeler en mer si on a une merde, c’est gentil mais pas rassurant, pourquoi aurait-on une merde ? qu’est-ce qu’on me cache ?! … il est plus de 13 heures quand on le quitte, ce qu’il y a comme paperasses à faire c’est hallucinant, le capitaine a même dû fournir une photo de Cap de Miol qu’Andrew a imprimée, comme si le numérique n’avait pas été inventé, nous voilà au bateau, l’heure fatidique pointe mais il est déjà temps de manger, alors on mange, c’est sacré, on range, je cale tout dans le bateau, maintenant je sais bien caler tout, je bourre même des sachets en plastique en boule pour bloquer des Tupperware (qui n’en sont pas) dans le frigo, j’ai préparé pas mal de trucs à manger parce que ça va bouger, je suis prévenue, le capitaine a dit qu’on va se faire branler, je calcule in petto qu’il y a donc 3 niveaux de secousses d’après lui : niveau 1) on va se faire chahuter, niveau 2) on va se faire brasser, et niveau 3) on va se faire branler … j’évite d’y penser, je n’ai pas trouvé mieux que cette astuce de ne pas penser, c’est salvateur et je note avec une satisfaction non dissimulée que j’y arrive parfaitement, c’est sûrement génétique, XX je présume.
Bien, il faut préparer les amarres pour partir, je peux vous dire que l’amarrage est une science franchement pointue, je m’en réfère à qui de droit :
– qu’est-ce qu’on fait alors ?
– à toi de me le dire… réfléchis
Réfléchis, réfléchis, il en a de bonnes … je lève le nez vers la girouette, le vent est assez fort et vient de tribord :

– On enlève les amarres bâbord
– c’est bieng … et après on fait quoi ? (ma participation active l’encourage à me pousser dans mes retranchements)
Une fois lancée dans la réflexion, ma cervelle chauffe et ça va tout seul (pas toujours) :
– on laisse la garde, mais si on enlève l’amarre avant, le bateau risque de pivoter et de taper le poteau à bâbord, et si on enlève l’amarre arrière il risque d’aller taper l’autre bateau (on est fichu)


Le capitaine, toujours sur le ponton, balaie la scène d’un seul regard et tranche : ôte les amarres bâbord … aussi la garde … et vire les amarres tribord …
– hum hum … le bateau va partir si on fait comme ça (je n’aurai plus qu’à agiter la main pour dire au revoir au capitaine)
– c’est bon, je tiens le bateau
Alors, je ne sais pas si cette manière de faire est très orthodoxe, mais le capitaine retient le bateau à mains nues, oui mesdames messieurs vous oyez bien (du verbe ouïr, mais ce n’est pas ouïssez, c’est oyez, j’ai vérifié) (ça me donne envie de demander au capitaine s’il m’oit bien lors de la prochaine manœuvre, pour mettre de l’ambiance, est-ce que tu ois ce que je te dis, dis est-ce que tu m’ois), à mains nues, vas-y mets les gass ! Ma confiance en ses ordres est née de ces longues heures, que dis-je, de ces longs mois de compagnonnage marin, même si, en mon for intérieur, j’entrevois les pires séquelles lorsque le dit ordre m’apparaît comme tiré par les cheveux voire totalement dénué de bon sens, je mets les gaz, le bateau commence à avancer, le capitaine le pousse un peu (mais saute, bordel !), pousse encore, encore, un peu plus … et saute enfin dedans à mon grand soulagement, prend la barre, je bondis pour repousser le poteau en bois sur lequel on arrive, c’est pas grave, laisse ! ah bon, on glisse dessus mais le bois c’est mou, et voilà, on s’éloigne dans le chenal, j’ai le cœur bien gros comme à chaque nouvel adieu, mais plus gros ici que dans moult autres endroits, ici je m’y verrais bien vivre, même s’il y a trop de vaches et d’opossums …
Le capitaine a décidé de partir en ce dimanche 23 avril car le vent a tourné au sud grâce à une grosse dépression, si on était parti plus tôt, outre une météo de merde, on aurait eu le vent de face, de quoi vous dégoûter à vie de la plaisance (plaisance : navigation pratiquée pour le plaisir), là on est gâtés, on a une météo de merde mais le vent dans le cul.

Mais on va devoir faire un détour pour ne pas tomber dans le gros de la dépression, 45/50 nœuds établis prévus, je suis bien aise que le capitaine préfère rallonger la route que de foncer dans la porte de l’enfer :

Vendredi ça se calmera mais ça sera encore venteux :

Tant que nous sommes abrités par les côtes de la NZ, c’est tranquille car la mer ne chahute pas trop, mais une fois le Cap Reinga dépassé tout au nord, la danse commence, on passe le lundi avec un vent de travers qui gambade de 26 à 43 nœuds, la nuit suivante c’est du 35/40 nœuds, toujours au travers, mer formée comme on dit, 3 ris et trinquette, pour se réamariner il y aurait mieux, je ne pensais pas que le corps humain pouvait fabriquer autant de bile en 24h … Le capitaine n’est pas très vaillant lui-même, il râle, mal de mer = faiblesse, faiblesse = devenir vieux, c’est mal, moi il y a tellement longtemps que j’ai des faiblesses que je suis largement prête, lui il découvre seulement alors ça l’étonne, il se rebiffe, je ne sais pas si ça sert à ralentir quoi que ce soit, lutter, se débattre, c’est comme accélérer avant un feu rouge, tu dépenses de l’essence pour rien, je garde mes pensées qui ne valent que pour moi, ciel gris, mer grise, le capitaine se fout de ma gueule : alors tu ne fais pas de poésie sur la beauté des ciels gris ni sur l’albatros aujourd’hui ? (un albatros tournoie près du bateau et je m’en fous à un point, c’est dire)
Le jour suivant, d’une part on est au portant, d’autre part on n’a plus que 18/20 nœuds, la mer est plus calme et les estomacs aussi, tant mieux car je commençais à me déshydrater sérieux, finir lyophilisée sur un coin de couchette n’est pas une fin très reluisante, c’est plutôt le genre de fin qu’on se raconte l’air effaré entre marins qui s’enfilent du rhum au yacht club du coin, tu t’rends compte, c’est par Dieu pas possible, mais quel âge qu’elle avait, c’est con dis donc, tiens bois un coup à sa santé hahahaha, RIP …

En tous cas j’ai retrouvé le capitaine, il a sa tête de capitaine sérieux à la manœuvre avec l’œil partout, sa tête de capitaine qui réfléchit ardemment devant les fichiers météo, il ne fait pas semblant, et puis ses mains de capitaine, celles qui moulinent un winch, qui bordent une écoute ou qui lâchent un ris, je ne peux pas vous dire vraiment mais ce ne sont pas les mêmes mains que celles qui enfilent son fameux pull à col cheminée ou qui tripatouillent son téléphone, quand nous étions en France nous avons vu pas mal de monde et avec ce monde, eu différents échos de mon journal de bord, une amie s’esclaffe en visualisant la scène, ah oui ! Son regard noir derrière ses lunettes noires ! froncement de sourcils de l’intéressé dans ma direction, mais qu’est-ce donc que cette histoire de regard noir derrière ses lunettes noires, son copain surenchéri avec je ne sais plus quelle remarque en m’adressant un regard si lourd que s’il avait des lunettes elles tomberaient par terre, il a retenu une pique ou une autre, j’ai envie de lui fourrer un chiffon dans la bouche pour le faire taire, le visage du capitaine va finir par être tout agité de tics si ça continue à balancer mes tacles, mais par chance tout le monde ne retient pas la même chose, une autre fois c’est mon beau-frère qui me tance, il faudrait que j’arrête avec le couplet le-capitaine-est-génial-et-moi-je-suis-nulle (sourire en coin chez le capitaine, ça équilibre) et aussi, il, mon beau-frère depuis bien 40 ans dis donc, aimerait que je raconte la mer, le bateau, les gens que l’on rencontre, et que j’arrête de parler de moi, il m’a demandé si je tiendrais compte de ses remarques et j’ai répondu que oui, ce n’était pas un oui en l’air, en général je réfléchis avant de dire oui (en général), alors quand je dis oui je fais sinon c’est pas de jeu, d’ailleurs j’ai dit oui au capitaine pour le tour du monde exactement en date du 7 août 2020, je ne pouvais plus reculer vous comprenez, on ne dit pas oui sans impunité (j’avoue que pour certains oui il s’est avéré à la longue une date de péremption) (ça me travaille, mais la vie nous joue des tours)…
Mais fi de cette philosophie à deux balles dont je suis friande, j’ai beau réfléchir, je ne vois pas comment parler plus de la mer et du bateau, je n’ai peut-être pas du tout l’esprit marin, pour moi la mer est calme ou agitée, il y a de la houle plus ou moins longue, elle peut être grise, bleue, verte ou indigo, il y a plein de ciel au-dessus, et le bateau est bien vaillant quand il rue dans les brancards et que je me tiens à lui comme une cow-girl à des rênes en plein rodéo, et je ne sais raconter que ce que je vois et que je ressens, et si je ne parle pas beaucoup des gens que nous rencontrons, c’est que nous n’en rencontrons guère, ça se limite à des discussions ponctuelles, c’est quel plan ton bateau ? il est en alu ? date de mise à l’eau ? d’où tu viens ? tu vas où ? …je dois dire que mes propres questions au capitaine sont d’un niveau que je juge supérieur, constatez par vous-mêmes :
– Pourquoi il faut reprendre de la balancine quand on ouvre la voile pour prendre un ris ? (ha !)
Ou, lisant un forum de discussion sur le fait de prendre un ris au portant :
– Dis donc, ils disent tous qu’il faut remonter au vent, mais quand on a 40 nœuds et une mer forte, c’est pire que tout ! (double ha !)
Le capitaine lève les yeux au ciel, on en a pris une tripotée des ris au portant, et sans changer notre allure d’un iota, on en a tellement pris au portant que quand il a fallu en faire au près je ne savais même pas comment faire, ça a bien énervé le capitaine, une fois calmé il m’a tout bien expliqué, je n’ai plus qu’à tout bien retenir, je me récite des enchaînements de manœuvres comme on apprend ses tables de multiplication…
Nous avons tout de même vécu quelques mondanités, une fois sur le hard stand de la marina de Marsden Cove on a bu l’apéro avec le gars du bateau d’à-côté, un kiwi qui parlait tellement vite que nous avons passé une soirée à l’écouter sans tout comprendre, nos mimiques enthousiastes et nos of course et yes it is l’encourageant sans mesure, le gars il passe sa vie à retaper des bateaux qu’il achète une bouchée de pain tellement ils sont pourris, il les refait de fond en comble et ensuite il navigue un peu, il les vend et il recommence, alors il a donné des tas de conseils très avisés au capitaine (qui parfois a du mal mais bon, il écoute) et qui lui a prêté du matériel efficace pour bricoler sinon je crois qu’on serait encore en NZ, ou avec un couple d’écossais, charmants, ils parlaient un peu français et nous un peu anglais, suffisamment pour échanger des bases de civilités avant qu’un ange ne passe et ne finisse par s’attarder pour signifier la fin de la soirée (ils ont découvert et beaucoup aimé le Kombucha au gingembre) (et aussi le petit blanc français), et une troisième fois pour faire bonne mesure, invités à dîner, pas moins, sur le bateau d’un couple de kiwis, Graham et Jenny, fans d’un chanteur australien Guy Sebastian et du ténor aveugle, ils prennent carrément l’avion pour aller le voir en concert en Europe, ils nous ont mis les CD pour qu’on en profite, leur bateau c’est Elkouba, un bateau des années 70 qui a fait 2 fois le tour du monde et eu 7 proprios dont Lindsay Wright qui a fait un bouquin sur son périple au Spitsberg, toute une histoire, on a noté qu’il y a des gens qui achètent un bateau pour son histoire, moi ça ne me viendrait pas à l’idée, mais quand on est adulte et consentant on fait ce qu’on veut avec les bateaux n’est-il pas.

Comme je vous l’ai dit, nous faisons un détour vers l’Ouest de manière à ne se faire que lécher par la dépression, même si les coups de langue sont vifs, nous devrions donc, à l’heure où je regarde les appareils de nav, faire un cap à 305, or je note que l’on fait du 330 et que nous allons droit dans la gueule du loup, à 330 on s’enfonce dans la dépression, or le capitaine dort, il faudrait empanner parce que je ne peux pas abattre plus, je trépigne mais n’ose le réveiller car il a besoin de toutes ses facultés pour nous amener à bon port, quand il se réveille enfin je lui saute dessus avec un grand sourire pour masquer mon impatience à empanner, il trouverait ça louche :
– Alors, on empanne ?
– Tut tut tut claque t’il sa langue avec un signe de dénégation
Mon corps se tasse d’un bon vingt centimètres, si j’insiste il va me dire que je n’ai qu’à prendre les commandes, je souris de plus belle (l’autre jour dans une baie, on allait droit sur un sec, plein vent arrière, on n’avait pas envie d’empanner juste pour l’éviter et puis réempanner juste après, je propose alors au capitaine de slalomer en lofant et abattant alternativement pour incurver notre cap sans empanner, il plisse les yeux et, agacé, me jette un tu vas m’apprendre à naviguer maintenant ? sidérée, je lui réponds que bien évidemment que non, que je fais juste une proposition et à lui de me de dire si c’est une bonne idée ou pas, que où on va si on ne peut pas exprimer une idée sans se faire renvoyer dans ses filets, il finit par grommeler que ça s’appelle faire ça à la bretonne quand on veut contourner un obstacle en fonçant dessus et en manœuvrant au dernier moment, et puis c’est ce qu’il a fait, il a conclu qu’il ne savait pas pourquoi on dit à la bretonne) (une fois je lui ai dit que j’allais finir par ne plus lui poser de questions quand il me répond comme ça, mais il m’a dit que si, que je continue, alors je continue, c’est plus rapide que d’ouvrir un bouquin)
– mais tu as écrit sur ton journal qu’on devrait faire du 305 et …
– va voir combien on fait
– du 330 j’te dis … (je descends vérifier) …méaaaaah là on fait du 310 ! Mais tout à l’heure c’était du 330 ! je t’assure !
– ouais mais le vent tourne un peu plus Est, alors pas besoin de manœuvrer, on y va tout seul
C’est décidément lui le capitaine et il est tout sourire que je me sois faite avoir.

Vendredi, 25/30 nœuds, rafales à 35/38, mer agitée, houle d’est, cap au Nord, 3 ris, trinquette, le bateau nous secoue dans tous les sens au point que nous ne pouvons rien faire, on reste à l’intérieur pour ne pas se faire mouiller quand les vagues finissent dans le cockpit, je suis enchifrenée, ça me donne envie de colorier, c’est ça, j’aurais dû emporter des coloriages comme quand j’étais malade et que je gardais le lit quand j’étais petite, j’ai hâte d’arriver …
Samedi, moins de vent, mais encore très largement pour avancer et arriver ce soir à Nouméa, le capitaine me dit qu’il n’a pas envie de passer une autre nuit en mer, je suis d’accord.

On aurait pu faire une route plus Ouest pour être plus au calme, mais la dépression descendait au Sud (les néo-zèdes ont encore morflé) et si on avait été moins vite on n’aurait plus eu de vent du tout pour finir, et croyez moi sur parole, c’est pire de ne plus avoir de vent et de se taper 2 voire 3 jours de mer en plus.

Résultat, à 22 heures 30 nous entrons dans la passe de Dumbea, le capitaine pilote en se fiant à Navionics devant la table à cartes parce que la nuit est si noire qu’on n’y voit que dalle, je suis dans le cockpit et je l’alerte, il y a des collines et on va droit dessus, il finit par daigner sortir pour voir et hausse les épaules, elles sont loin les collines et on s’en fout, je ne suis toujours pas faite à la perspective en mer et toujours infichue de dire si ce qu’on voit est à 1 mile ou à 5, regarde la carte est le réponse systématique du capitaine à mes angoisses existentielles ou autres, la solution ultime qui panse les plaies et guérit tous les maux.
13 miles plus tard, on est posés en bout du ponton C à la marina de Port Moselle.

C’est là qu’un vigile nous fiche sa lampe torche dans les yeux et nous demande ce qu’on fiche ici.
Alors ça, c’est bien la première fois que je vois quelqu’un se soucier d’une arrivée nocturne dans une marina, c’est bien notre chance, aveuglée je lui donne le bonsoir et lui explique que vu l’heure de notre arrivée nous n’avons pas eu la possibilité d’avoir quelqu’un en appelant la capitainerie, il y a des gens qui dorment monsieur, le capitaine prend le relai, le gars lui explique que nous aurions dû appeler le 16 et mouiller dans le mouillage devant la marina et attendre demain, demain étant dimanche attendre lundi, on sent gros comme un cargo chinois qu’il va nous faire déguerpir, le capitaine déploie tout son charme ce qui ne fait que rendre le vigile plus sourcilleux, on voit qu’il réfléchit rudement à l’intérieur et va jusqu’à entendre la voix forte et intelligible de son chef lui marteler de ne pas se laisser baratiner par le premier marin venu, j’ai un éclair de lucidité et apporte son portable au capitaine, il avait écrit à la marina qui lui avait répondu, nous sommes attendus dis-je en montrant les échanges d’emails, le vigile déchiffre laborieusement les mails tandis que le capitaine lui en explique les fondements et en rajoute une bonne couche en lui décrivant les affres de notre traversée depuis la Nouvelle Zélande, si ce n’est la raison, qu’au moins la pitié envahisse cette âme dubitative, enfin l’idée de quoi faire lui tombe dessus, il se décide à appeler son chef à la VHF, le son à fond, ça va réveiller toute la marina, grâce à cet échange d’emails le chef retrouve notre trace et donne son accord pour que nous restions là jusqu’à la visite phytosanitaire au bateau et qu’ensuite la capitainerie décidera de notre sort, le vigile attend encore longuement sur le catway jusqu’à ce que tout ce qui a été dit prenne un sens cohérent dans les tréfonds de sa boîte à comprendre, il s’éloigne enfin, d’un pas qui reste hésitant, il va se demander toute la nuit si rien ne lui sera reproché, dur métier, il est 1 heure du mat’, le capitaine a envie d’une bière, on est littéralement assommés mais on s’en partage une, glacée, qui fait mal là où elle passe et tellement de bien, une douche froide sur la jupe, une semaine sans douche je crois que ça ne m’était jamais arrivé, c’est encore meilleur que la bière, j’ai juste le temps de dire au capitaine que c’est bien, qu’il y a du boulot pour tout le monde après tout, et on s’endort comme quand on est tellement vieux qu’on s’en fout de mourir enfin.

Lendemain matin, ciel bleu, c’est cool, on se dépêche de prendre notre petit déjeuner et de manger quelques uns des fruits qui nous restent (on n’a pas beaucoup tapé dans nos réserves il faut dire), ici c’est comme en Nouvelle Zélande, il ne faut rien apporter de frais, c’est une nana charmante qui se pointe pour le côté phytosanitaire (en NC on dit ça plutôt que biosécurité, très policé, trop NZ), elle nous pose à peine quelques questions, embarque le reste des fruits et nous accorde de garder les 2 steaks sous vide à condition que nous les mangions à midi, promis, et c’est tout, on aurait pu avoir des saucissons planqués dans tous les recoins du bateau, elle n’en aurait rien su, le capitaine dégote un pass pour entrer et sortir de la marina et s’en va débrouiller nos affaires pour obtenir une place officielle dans la marina pendant que je file découvrir Nouméa :
Je m’ébahis d’avoir autant de chance quand je découvre du premier coup le quartier asiatique … tu parles, juste des magasins de tout à pas cher, valises à roulettes qui ne supportent aucun poids, pyjamas bébé qui peluchent au moindre courant d’air, ouvre-boîtes qui se tordent dès la première boîte et fleurs en plastique, pas l’ombre d’une échoppe d’onguents et autres poudres magiques, désolation, mais bon, c’est de la médecine kanak que je suis venue chercher ici.
Le soir venu, bien que nous ayons boooocoup de sommeil à récupérer, le capitaine m’emmène manger un morceau au Bout du Monde, tout est si bon après une telle nav’ que ça vaut le coup de se faire branler !

Dès le jour suivant, je commence à organiser le road trip que nous allons faire pour découvrir cette île et ses usages, l’odeur de mon cahier neuf me transporte à l’heure chaude de la sieste pendant laquelle je faisais des devoirs de vacances …

Il y en a tellement des choses à savoir !
- El Niño et La Niña sont des caractéristiques du climat dans le Pacifique, j’en parle parce que le phénomène météorologique la Niña a touché à sa fin au début du mois de mars après une durée exceptionnellement longue de trois années, et c’est à cause de lui qu’il y a eu ce temps en Nouvelle Zélande, avec ces pluies diluviennes et le cyclone Gabrielle, entre autres. Explications : les alizés sont des « vents lisses », en ce sens qu’ils sont passablement constants. D’ailleurs, en anglais, on utilise l’expression trade winds (vents du commerce) pour les décrire, car compte tenu de leur stabilité, ces vents permettaient aux grands voiliers – comme les navires commerciaux des 18e et 19e siècles – une navigation plus sûre et plus stable, et, par le fait même, très profitable au commerce maritime. En convergeant vers l’équateur, les alizés poussent les eaux plus chaudes (les eaux de surface) vers l’ouest le long de l’équateur. Ces eaux s’accumulent donc vers l’Indonésie et le nord de l’Australie, et une vaste pente apparaît à la surface de l’océan. Cela provoque, à l’autre extrémité de l’océan (par continuité), une remontée d’eau plus froide, qui provient en grande partie des profondeurs, vers les côtes équatoriennes et péruviennes, et qu’on appelle aussi upwelling côtier. Lorsque les alizés prennent de la vigueur, l’apport d’eau chaude vers l’ouest augmente. Ainsi, l’étendue du courant plus froid près des côtes de l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale prend de l’envergure. C’est La Niña, la petite sœur d’El Niño. Inversement, lorsque les alizés faiblissent (voire tombent totalement), l’eau chaude accumulée vers l’ouest reflue vers l’est. Ce courant d’eau chaude vient alors s’étaler vers les côtes d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. C’est El Niño, le petit enfant, le petit enfant Jésus, car il atteint généralement son maximum vers Noël. Sachant que La Niña et El Niño altèrent les vents (près de la surface et en altitude) dans le Pacifique, et jusque dans l’Atlantique, il existe une relation étroite entre ces derniers et la fréquence et l’intensité des ouragans. En fait, cette perturbation du vent se fait surtout à la verticale en modifiant ce qu’on appelle le cisaillement. Le cisaillement décrit la variation de la vitesse et de la direction du vent avec l’altitude. Lorsque le cisaillement est fort, les bandes orageuses s’étirent et se désagrègent, et l’ouragan ne peut se développer. Un fort cisaillement freine donc la formation des ouragans. Durant un épisode de La Niña, la saison des ouragans est plus active dans l’Atlantique – le cisaillement est plus faible – et moins active dans le Pacifique (cisaillement plus fort). Avec El Niño, c’est l’opposé, soit une saison moins intense dans l’Atlantique et plus forte dans le Pacifique.


- Vous prendrez bien un peu de Guy Sebastian pour l’apéro ? https://youtu.be/gKKvhA2-j6Y
- Les cahiers de vacances ont été inventés il y a plus de 90 ans par Roger Magnard, représentant en papeterie installé en Creuse dans les années 1920. Ayant perdu de l’argent après la crise de 1929 qui avait bouleversé tous les marchés dont celui de la papeterie, et ne vendant rien pendant quelques mois juste avant les grandes vacances, il a eu l’idée de booster ses ventes pendant l’été en créant ces cahiers, avec l’aide de professeurs. Roger Magnard a créé ainsi sa maison d’édition. Les premières collections de manuels ont vu le jour après la guerre, avec notamment la méthode de lecture « Rémi et Colette » si ça vous dit quelque chose 🙂

