Sur notre route …

… se trouve Fuerteventura et je vous le demande : que feriez-vous à notre place ? hésiteriez-vous ? évidemment que non, vous savez très bien que vous ne voudriez pas louper l’occasion, la seule, l’unique de votre vie, de découvrir Fuerteventura, rien que son nom m’intrigue, c’est comme les noms de rues espagnoles, ça claque, ça fait grandiose, ça roule les r avec noblesse sur un air de tango (pfff qu’est-ce que je suis cliché) (n’empêche que ça me fait tout à fait ça), on ne peut qu’avoir envie d’en savoir plus … alors justement, en savoir plus c’est déjà savoir que Fuerteventura ne veut pas dire vent fort, ce qui serait tout à fait plausible, mais forte aventure, et si ça, ça ne vous donne pas envie, je m’appelle Albert

En chemin on s’arrête pour se baigner à l’île Lobos juste en face, l’eau est transparente et bleue comme sur les photos polarisées des magazines, je ne me suis encore jamais baignée dans une eau aussi pure de magazine, je peux vous dire que ça vaut son pesant d’or, on voit Fuerteventura en face, le vent soulève le sable de l’île qui envahit et trouble l’air, vision de désert, sublime, on repart et on arrive en fin d’après-midi à Puerto Del Rosario  … alors, quand j’ai dit au capitaine la différence entre un port de plaisance et une marina (déjà il le savait) il m’a précisé, tel un dictionnaire sur pattes, que dans une marina il y a des appartements pour les plaisanciers et que ça n’a rien à voir avec des douches ou pas de douches, mais que de toutes façons c’est pareil, qu’en France on dit port de plaisance et à l’étranger marina que ça soit avec ou sans appartements ou douches ou que sais-je … mais voyez où je veux en venir : à Porto Del Rosario on est amarré à un ponton, bon, comme dans une marina, soit, mais pas de douches ni de sanitaires … et bien pour moi ça fait toute la différence entre un port de plaisance (pas si plaisant que ça du coup) et une marina, et puis c’est tout, il faudrait bien revoir les définitions de tout ça pour tout mettre au clair une bonne fois pour toutes, à bon entendeur !

néanmoins (néanmoins de rien, c’est pour faire une liaison de journaliste en panne d’inspiration, ça me fait toujours délirer) on loue une voiture pour visiter Fuerteventura, il faudrait rester au moins deux semaines pour la découvrir mais on n’a pas le temps de rester si longtemps… on passe à Betancuria et à son musée d’art sacré (interdit de prendre des photos mais j’en ai pris en douce pour mon pote catho, alors je vous en fais profiter), au phare de la Punta de Tostón de la Ballena avec du sable si blanc et si fin qu’on croit marcher dans du talc, bien plus blanc et bien plus fin que les plages de sable qu’on veut nous vendre comme blanc et fin quand on s’adresse aux touristes (il y a toujours une connotation négative à touriste, le touriste c’est le pigeon, le bon con qui bouffe de la mauvaise pizza au prix de la peau de ses fesses et qui est tellement prêt à gober tout ce qu’on lui raconte qu’on lui raconte n’importe quoi), aux paysages sahariens si beaux que ça me donne envie d’aller au Sahara pour le comprendre, moi qui longtemps n’aimais que les forêts, je reste bouche bée devant la magnificence de ces paysages sélénites, je dis exprès sélénite parce que ça veut dire lunaire, qui se rapporte à la lune, mais en plus beau je trouve, ça vient de Séléné, la déesse de la Lune dans la mythologie grecque, ça donne tout de suite plus de relief isn’t it ?

Le phare
un bateau de pêcheur à Tuineje, je les trouve magnifiques ces bateaux

puis on reprend la mer avec notre coquille d’escargot pour aller au sud jusqu’à Morro Jable, qui se prononce morrorable puisqu’en espagnol les J se prononcent R, alors pourquoi des R me demandé-je pertinemment, sûrement que c’est une question d’accent, le capitaine m’a dit que le R se roule mais pas le R du J, du moins c’est ce dont je me souviens mais il arrive fort régulièrement que je me souvienne mal, comme quand on s’est trompé de route une fois et que lorsqu’on repasse par là, on ne sait plus, justement, si la route qu’on avait prise c’était la bonne ou la mauvaise, je remercie l’inventeur du GPS au passage (pour la petite histoire, ou la grande, si plusieurs hommes ont travaillé sur l’élaboration du GPS, c’est une femme, Gladys West, qui a mis au point le GPS des voitures, son histoire est racontée dans le très bon film « les figures de l’ombre »)

journée mémorable s’il en fut : il y a du vent, 20 à 25 nœuds tranquille, et on est au portant, trop de vent pour mettre le spi, alors le capitaine décide de tangonner le génois … tangonner le génois ! C’est le genre de truc que je range dans la catégorie aller sur la lune, sauter en parapente depuis l’Empire State Building ou grimper l’Annapurna sans oxygène, un truc de malade quoi, pour moi en tous cas, parce que le capitaine me regarde d’un air fort étonné de me voir si excitée de mettre les voiles en ciseau, pour lui c’est comme s’il s’ébaudissait de me voir utiliser une mandoline en cuisine, il oublie que je ne suis qu’une bleue de la marine, que j’ai tout à apprendre (et qu’il est mon idole)(parfois)(souvent quand-même)(en mer, toujours)

on a tangonné le génois !

jen reviens à Morro Jable, pourquoi diable vous parler de Morro Jable, où nous ne passâmes qu’une petite nuit avant de continuer notre route ? Y aurait-il quelque chose à raconter ? du croustillant de l’inédit de l’incroyable ? Eh bien oui, vous avez gagné, il y a quelque chose à raconter, vous jugerez si ça en vaut la peine et dans quelle catégorie placer cette anecdote

 Morro Jable c’est un port de pêche avec un ponton qui peut accueillir des bateaux de plaisance, mais ni douches ni chiottes, ça fait donc comme …. comme quoi dites-moi voir ? … comme un port de plaisance, oui, bravo, nous sommes sur la même longueur d’ondes 😉 !

Il y a là plusieurs bateaux, des comme nous qui ont la bonne idée de passer la nuit amarrés vu comme ça bouge en mer, et il reste seulement une place, le long du ponton, entre deux bateaux, avec juste ce qu’il faut pour un bateau si on arrive à s’y mettre, ça revient à faire un créneau de voitures en entrant par l’avant, les paris sont ouverts… le capitaine m’explique comment on va s’y prendre, je suis désolée mais je n’ai pas retenu, je me suis lyophilisée au fur et à mesure que l’eau de mon corps s’évaporait sous la surchauffe résultant de la concentration, pour finalement que mon rôle se résume à regarder ce qui se passe afin de prévenir le capitaine si ça ne se passe pas comme il le voudrait, mais comme je n’ai pas tout compris à ce qu’il veut, autant dire que je ne servirai à rien, j’en fais mon deuil, mais une fois de plus je la boucle pour économiser la salive du capitaine (il a tendance à s’emporter quand il doit me répéter des trucs qu’il m’a dit une fois, j’ai beau lui expliquer qu’on n’apprend pas en ayant entendu une seule fois, il s’évertue à croire que c’est possible, d’où nombre de désillusions que je serais pourtant ravie de lui épargner, mais tant pis pour lui)… la nana d’un des bateaux arrive au triple galop sur le pont de son bateau en nous voyant glisser vers elle de travers, comme un crabe, elle nous hait déjà, imaginant son bateau fichu, son voyage reporté sine die, le capitaine fait soudain marche arrière, repart, on voit le soulagement de la nana qui pense qu’on abandonne, qu’on a compris que c’est trop risqué, mais son visage se crispe aussitôt qu’elle nous voit revenir de plus belle, le matou revient le jour suivant (le matou revient il est toujours vivant 🎼🎶🎵) le capitaine ne lâche jamais l’affaire, ja-mais, il arrive en rasant le bateau de la nana de plus belle, ralentit car il ne faudra pas aller taper dans l’autre bateau devant, tout en gardant assez de vitesse pour pouvoir manœuvrer, stratégie stratégie, il glisse, il glisse, il glisse encore, il glisse toujours, la nana se retient de nous ordonner péremptoirement de ficher le camp, les oiseaux se taisent, tout le monde regarde ce qui va se passer et reste aux premières loges pour assister au drame qui s’annonce, je n’ai pas le temps de voir mais si ça se trouve certains ont déjà sorti leur smartphone pour filmer la scène … ça y est ! le capitaine passe à ras du bateau de la nana, se pose le long du ponton et met un bon grand coup de marche arrière pour s’arrêter pile avant de taper dans l’autre bateau, au centimètre près, la nana le salue d’un « perfect ! Really perfect ! » d’admiration, en levant son pouce comme pour épargner la vie du gladiateur, j’ai envie d’applaudir à tout rompre, je me sens fière comme un bar-tabac (les fans de San Antonio apprécieront), mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur l’exploit, je saute sur le ponton pour accrocher l’amarre que le capitaine a préparée, vite avant que le bateau n’avance ou ne recule, le nœud de chaise que le capitaine a fait n’est pas assez serré et se défait, nobody’s perfect et ça me soulage de le constater, je le refais si vite que je n’en crois pas mes yeux (depuis j’arrive même à faire un cabestan d’une seule main, même de la gauche, plus besoin de faire l’école du cirque j’ai un numéro tout trouvé), ouste j’amarre le bateau en refusant poliment mais fermement l’aide d’un monsieur, le capitaine n’aime pas quand on vient nous aider à amarrer parce que ça n’est jamais comme il a décidé, qu’on se le tienne pour dit …

voilà où on est garé, vous pouvez voir, au passage de mon travelling, le bras du capitaine et son polo bleu (ça c’est croustillant n’est-ce pas 😉 )

… bateau amarré, nuit paisible, le lendemain cap vers Las Palmas de Gran Canaria … Gran Canaria ! le poumon économique des Canaries en conclus-je tellement que bin mince alors, on croirait arriver au Havre ou à Gibraltar… cargos ancrés un peu au large, ferries qui vont et viennent, pollution, et ça fait drôle de soudain respirer des odeurs de fumée après des semaines d’air océanique pur, sirènes, voiliers au mouillage et marina blindée, activité intense, ça fait drôle aussi tout ce monde et ce mouvement, nous ne sommes plus habitués, nous nous ancrons dans le mouillage du port, mettons l’annexe à l’eau et partons visiter Las Palmas, peu d’intérêt pour nous dans toute la partie moderne de la ville, par contre le vieux Las Palmas a un charme certain, jugez-en vous-même :

arrivée
à
Las Palmas de Gran Canaria
le capitaine qui revient au bateau en annexe en respirant cette fâcheuse pollution
la promenade, de l’autre côté
un gars faisait ce château de sable inouï !
on va à terre alors on prend l’annexe et on passe par la marina que je vous montre parce que quand je voyais passer des gens en annexe dans un port, je rêvais d’être à leur place et puis ça y est, je suis à leur place

Aaaah, le jour suivant est un grand jour, je vais à Tejeda pour récolter des données au jardin de plantes médicinales de Gran Canaria ! Non sans mal parce que c’est un casse-tête pour trouver une voiture à louer, avec la crise sanitaire et la baisse du nombre de touristes, on nous a expliqué que les loueurs de voitures ont dû vendre leur parc et qu’il y a un manque de voitures à louer, et selon la loi de l’offre et de la demande, les tarifs se sont envolés, là où on payait 50 € pour une semaine de location, on se retrouve à en avoir pour 100€ par jour, en plus on doit aller la chercher à l’aéroport, ça prend du temps mais au moins on a une voiture et on file à Tejeda, je me retrouve avec des tonnes de données botaniques à éplucher, on dirait que mes cours de latin vont finir par me servir, sait-on jamais ce que la vie nous réserve ! Je vous en dirai plus dans le prochain article 😉

Et comme nous avons cruellement besoin de marcher parce qu’en bateau, même si on a une activité physique avec les manœuvres, la marche est plus que limitée, nous allons jusqu’au Roque Nublo au centre de l’île, un des plus grands rochers naturels du monde, très jolie balade vers ce monolithe en basalte de 80 mètres de haut posé sur un sommet de 1814 mètres, quand nous y arrivons… il est dans les nuages ! 

J’insiste pour passer à Maspalomas et ses dunes, on doit rendre la voiture à 17h30 à l’aéroport et il est déjà 17h10, on n’a pas le temps mais le capitaine me dit d’aller faire un tour sur les dunes et qu’il m’attend, je lui avais assez répété que j’avais vraiment envie de les voir, si je n’y vais pas maintenant je n’irai jamais, hop je balance mes shoes et saute dans le sable, cours comme une gamine en dévalant les dunes, et puis on retourne à l’aéroport pour rendre la voiture et prendre un bus qui nous ramène au port de Las Palmas

puis nous repartons du mouillage de Las Palmas, on va jusqu’au petit Puerto de la Sardina pour y passer la nuit avant de filer sur Tenerife

on passe devant le phare de la Sardina, une belle houle comme on aime !
seuls au mouillage et pas de pollution

quand on part il fait grand beau et il est tôt, vraiment tôt je veux dire, quand il faut vraiment qu’on parte tôt on sait le faire, on prend le petit déjeuner une fois en mer et bien sur le cap, et puis au fur et à mesure que l’on avance, on voit devant nous le ciel s’assombrir méchamment, si des scientifiques me lisent je peux témoigner que cette vision a un effet un tantinet diurétique, voire laxatif certain … on se rassure en se disant qu’en regardant les prévisions météo sur le GRIB il n’y avait rien de méchant d’annoncé, on plaisante mais on ferme les écoutilles et on enfile un ciré, on prend quelques gouttes et le vent se lève, ça pour se lever il se lève, et puis finalement plus de peur que de mal, même pas de quoi laver le bateau à l’eau douce avec si peu de pluie, on finit par arriver à Santa Cruz de Tenerife sans encombre et on s’amarre … dans une marina ! youpi !

Pour tout savoir c’est par ici :

  • Le tangon est une barre en métal qu’on installe pour utiliser le spi. On peut l’utiliser pour tangonner le génois afin d’avoir les voiles en ciseau et avancer plus vite et sans stress au portant.
  • Le voilier est au portant quand le vent vient de l’arrière, donc le portant regroupe les allures de travers à vent arrière, le bateau fait un angle compris entre 90 et 180° par rapport à l’axe du vent
  • Fière comme un bar-tabac : expression déformée par Bérurier, personnage truculent des San Antonio (tout ce que j’ai appris pendant mon adolescence grâce à San A !), l’expression originelle étant bien entendu « Fier comme Artaban » qui est une locution proverbiale de la langue française dépeignant une « fierté poussée à l’extrême », et proche du ridicule (j’assume)
  • Une écoutille est une ouverture rectangulaire dans le pont d’un bateau, destinée au passage ou au chargement ou déchargement des marchandises et provisions de bord. Nous on a fermé les capots et les hublots, mais j’avais envie de dire écoutilles alors je l’ai fait, ça mange pas de pain

Publié par isabelle centre tao

Je suis thérapeute, conférencière et formatrice en Médecine Traditionnelle Chinoise MTC, j'ai fondé la chaîne du Centre Tao sur YouTube pour que vous puissiez apprendre le langage de votre corps et de ses énergies, vous rééquilibrer et vous soigner avec la MTC (diétothérapie, plantes, points d'acupuncture et plein de trucs magiques) en m'adressant particulièrement aux femmes et en leur destinant plusieurs de mes formations. Aujourd'hui je me lance dans une nouvelle aventure : découvrir les plantes du monde destinées aux femmes lors des différentes étapes de leur vie, afin d'aider toutes les femmes, où qu'elles soient, car même si la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise est la plus riche de la planète, il existe partout dans le monde des plantes qui peuvent traiter les douleurs de règles, l'infertilité, les problèmes liés à la grossesse ou à la ménopause et aider les femmes qui n'ont pas accès aux plantes de la Pharmacopée Chinoise. J'ai décidé de faire ce blog pour vous faire vivre cette aventure, et je vous raconterai aussi bien mon quotidien sur le bateau et dans les différents mouillages, que mes rencontres d'herboristes, sorcières et sorciers, chamanes, tisaneurs et all these kinds of people !

17 commentaires sur « Sur notre route … »

  1. Trop bien ces reportages, la lecture est très plaisante. À Tenerife j’ai adoré le Teide, j’ai eu l’impression d’être sur la lune! Bonne continuation. Evelyne

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  2. Bonjour Isabelle, encore une escale intéressante ! Toujours bon pied bon œil dirait-on ! Dommage que tu n’aies eu le temps de t’attarder sur les dunes de Maspalomas; c’est magique et tu aurais pu communiquer avec les varans 😉 J’en ai fait l’expérience et à vrai dire, je ne faisais pas la fière ! Mais tu vois et tu verras tellement de choses fabuleuses … J’attends la suite avec impatience. Merci pour ces riches partages. Bises

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  3. Bonjour Isabelle je suis trés heureuse de vous lire pour moi votre périple est si merveilleux si surhumain que je vous félicite vivement Bien cordialement Andrée Jannin

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  4. Merci Isabelle pour votre récit plein d’humour, pour les superbes photos et videos!
    Merci de partager généreusement toute la beauté de vos aventures! Que le meilleur vous accompagne dans cette expédition!

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  5. Merci J’aime vous pour ce beau voyage où vous nous emmenez ! J’aime vous lire et rire aussi, car la lecture sur votre voyage ma plaît beaucoup. Comment ne pas être avec vous dans vos recherches des plantes médicinales où j’adhère à 200%. Bien à vous

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