
Tenerife, donc, beaucoup de monde dans la marina, et pour cause, il suffit de remonter le ponton ou quasi et on est … en ville ! pas besoin d’annexe à mettre à l’eau, un resto à portée de main si envie, un supermarché pour les courses pas loin si besoin, soit le luxe dans toute sa splendeur, avec ses à-côtés obligés, pollution, bruit, agitation, qui font du bien quelque part je dois dire parce que civilisation, têtes humaines, sol ferme … et du vert, et des arbres !
On est amarré sur une pendille, ce qui fait qu’on est côte à côte avec les autres bateaux, l’intimité n’est même plus le début d’une idée, le capitaine sort des bâches et les installe, le cockpit devient une véritable tente et on se croirait en camping, surtout quand il ferme les fermetures éclair, pour moi c’est le vrai souvenir du camping ce bruit


Je rencontre Michel, un Français (ouf parce que je suis très limitée au niveau des langues, ne parlant ni Espagnol ni Portugais, non que l’on parle Portugais aux Canaries, mais c’était le cas à Madère et ça le sera au Cap Vert, et quand je dis limitée je me vante) qui a dirigé une distillerie d’Huiles Essentielles, cependant il n’a pas travaillé dans les plantes médicinales mais dans les Huiles rares pour les parfumeurs car, m’a-t-il dit, ceux qui travaillent les plantes médicinales ne s’enquièrent pas de la qualité des odeurs alors que pour les parfumeurs c’est leur dada, que distiller de la lavande tout le monde sait le faire (moi pas), lui il a par exemple distillé la graine de carotte, qui l’eût cru qu’elle était recherchée par les parfumeurs (pas moi non plus), et pour la petite histoire il a aussi distillé le persil et se faisait rafler toute sa production par des américains qui en mettaient dans des gélules contre la mauvaise haleine, le persil est réputé pour ça – au passage je vous indique que les problèmes de mauvais haleine peuvent venir de différents déséquilibres énergétique que la Médecine Traditionnelle Chinoise traite parfaitement, car masquer une odeur par de l’H.E. de persil est une chose, mais traiter le fond pour que l’odeur ne revienne pas en est une autre
Bref
Nous partons en randonnée Michel, le capitaine et moi, à la découverte de Tenerife et un peu de sa végétation (1 400 espèces de plantes supérieures parmi lesquelles se trouvent de nombreuses espèces endémiques des îles Canaries (200) et de Tenerife (140)), quand il y a de la végétation : les Canaries sont des îles volcaniques et l’on passe de paysages désertiques à une végétation luxuriante et subtropicale, la végétation change de manière radicale en seulement quelques centaines de mètres car les différences d’altitude génèrent des microclimats (concrètement tu mets ton pull, tu enlèves ton pull, tu remets ton pull …)



Nous passons par le parc National du Teide, dans une installation dédiée au sauvetage génétique des plantes, et continuons notre chemin qui grimpe de plus en plus jusqu’à passer au-dessus de la mer de nuages, au loin nous voyons le nuage de cendres du volcan de l’île de La Palma






Le surlendemain, histoire de reposer nos mollets, autre randonnée dans le parc rural d’Anaga, nous passons près d’un … monastère tibétain ! incroyable !


Sans vouloir vous saouler, voici un peu, à peine ! de cette végétation et de ses propriétés
Le pin des Canaries, principale espèce forestière des Canaries qui a une faculté extraordinaire de résister ou de se régénérer après un incendie grâce à son écorce épaisse, ses rejets et ses cônes, il fait partie des rares espèces de pins résistant au feu. Cet arbre est monoïque, mâles et les femelles séparés sur la même plante (c’est pratique mais il faut bien s’entendre). Aux Canaries, il est d’une importance capitale car l’eau des brouillards nuageux de son habitat ruisselle sur ses feuilles et fournit l’eau d’irrigation.

Jadis on faisait des boiseries avec le cœur de ces pins, maintenant ces pins sont protégés et on ne peut plus les abattre, on voit de ces boiseries notamment à La Laguna


Ah ! le Ficus Microcarpa, arbre de l’intendance ou laurier d’Inde, c’est le banian chinois, en ce moment mon arbre préféré de tous les arbres que j’ai rencontrés tellement il est magnifique et fait une ombre sans pareille. Les premiers banians chinois plantés aux îles Canaries sont revenus avec les immigrants espagnols en Amérique à leur retour de Cuba. Ils sont cultivés comme plante ornementale ou pour fournir de l’ombre dans les parcs et les places des villes. Il est très utilisé comme plante d’intérieur car on peut facilement le nanifier et lui donner des formes tarabiscotées, c’est un bonsaï facile à former

Au niveau médicinal, il a des vertus tonifiantes selon la médecine asiatique traditionnelle, c’est un très bon antioxydant selon les données occidentales. Il peut traiter des maladies telles que l’hypercholestérolémie, les troubles cognitifs, les problèmes cardiovasculaires, les maladies neurovégétatives ou encore le diabète, mais cela reste une plante qui possède une sève toxique et il ne faut absolument pas jouer à l’apprenti sorcier mais voir avec des pharmaciens ou des laboratoires qui ont préparé cette plante (ceci étant valable pour toutes les plantes d’ailleurs) (j’ai eu une patiente qui s’est dévasté le tube digestif à force d’avaler des Huiles Essentielles bonnes pour la santé)
Bon à savoir, cette plante capte les toxines de l’air et donc purifie l’air, d’où son intérêt en plante d’intérieur, sous couvert d’entretenir ses feuilles tout au long de l’année.
Et vu aussi en rando (qu’est-ce que c’est formidable de découvrir les plantes in situ) l’Artemisia Thuscula, soit l’Encens des Canaries, j’en ai cueilli et séché, à noter que la photo de la plante séchée est prise sur un des sets de table du bateau, set qui avait éveillé les soupçons du capitaine parce que je les avais moi-même achetés, mais comme moi-même n’étions pas suffisamment éveillée aux impératifs de la navigation, ils ne pouvaient qu’avoir été mal choisis, normal quoi (et puis finalement ils conviennent parfaitement, de l’aveu même du capitaine)


Les espèces d’Artemisia (près de 250 dans le monde, d’autres disent 400) m’intéressent particulièrement car on en utilise en Médecine Traditionnelle Chinoise, la plus connue étant sans conteste Qing Hao, à savoir l’Artemisiae Annuae, l’armoise annuelle, qui a fait couler beaucoup d’encre avec sa capacité de traiter le paludisme et sa supposée capacité qui en a découlé de soigner le coronavirus … je ne rappellerai jamais assez qu’en Médecine Traditionnelle Chinoise on traite une personne et pas une maladie, et que si une plante peut traiter des personnes pour une maladie, elle peut être inutile voire néfaste pour d’autres. Enfin quoi, voilà pourquoi ça m’épate de fouiner parmi les armoises.
Pour en revenir à cette armoise Thuscula, elle est décrite par Viera dans son dictionnaire sous le nom d’Artemisia Absinthium qui sont appelés mol sur l’ile d’El Hierro et encens verts sur celle de Ténérife. C’est une plante stomacale, fébrifuge, vermifuge, diurétique et … emménagogue, c’est à dire qui provoque ou régularise le cycle menstruel, ouiiiiii, nous y voilà !!!
Je termine ce petit tour avec les genévriers, particulièrement le Genévrier de Phénicie (Genévrier de Lycie ou Genévrier rouge) qui est le symbole végétal de El Hierro, autre île des Canaries, par laquelle nous finirons notre périple Canarien.
C’est une plante médicinale qui a des propriétés diurétiques, qui est utilisée pour certains problèmes urinaires, pour lutter contre la toux et qui a des propriétés antirhumatismales, carminatives, antiseptiques, antifongiques et antioxydantes. En Médecine Traditionnelle Chinoise on utilise les baies de Genévrier commun Juniperus Communus pour ses mêmes propriétés et les bourgeons qui sont un régénérateur hépatocellulaire, un détoxifiant et un protecteur rénal.

Et j’avais envie de vous raconter cette anecdote : le véritable symbole d’El Hierro, c’est le genévrier appelé La Sabina, c’est un très ancien genévrier de Phénicie dont le vent a façonné le tronc et la couronne de feuillage. La conservation de La Sabina a été mise en péril par des touristes anglais attirés par la photographie de cet arbre caractéristique sur la pochette d’un disque de Brian May, le guitariste du groupe pop Queen mondialement connu depuis les années 70
Ce disque de Brian May, sorti en 1998, s’appelle « Another World »
Sa chanson-titre homonyme (dont il a écrit les paroles très simples alors qu’il passait un moment personnel difficile) est dédiée à El Hierro. L’île est présentée telle une alternative au monde actuel et il y a avec un autre paysage insulaire, celui de la Roque de la Bonanza, sur le verso de la pochette.

Et tenez-vous bien, en dînant dans un restaurant avec Michel, il a commandé un poisson que j’ai tout de suite reconnu même cuit : le poisson qui nous a mordu le capitaine et moi à Selvagem Grande avec son œil jaune (si ce n’était lui c’était son frère), c’est un poisson baliste qui est réputé pour son agressivité et qui mord les baigneurs, j’aurai eu le fin mot de l’histoire !

J’ai aussi fait un tour dans une herboristerie médicinale au marché, quel plaisir et quel bonheur de vivre dans un pays où l’herboristerie est autorisée ( légalement, le métier d’herboriste n’existe pas en France. Supprimé en 1941 par Pétain, il a été gommé du paysage médical français. Avant cette date, ils étaient environ 4500 selon l’Association pour le renouveau de l’herboristerie)



Après Ténérife nous avons filé à La Gomera, mouillage à Valle Gran Rey devant une falaise immense qui a fait sa réputation en s’écroulant en partie le 14 novembre 2020 (à un an près on y était !) . Il a été précisé à l’époque par Ángel Víctor Torres, le chef du gouvernement des Canaries, que le site était « dangereux et interdit d’accès » car la présence de fissures pourrait provoquer un nouvel effondrement… nous quand on y était il y avait du monde et aucune précaution prise, je me suis demandée ce qu’on pourrait faire si un autre pan s’effondrait en déclenchant une énorme vague, avec notre ancre bien ancrée (c’est le but), le bateau ne serait pas soulevé sur la vague, je crois bien qu’on aurait été mal … mais ce que je retiendrai de La Gomera, c’est son accès au quai, on a dû amarrer l’annexe à un quai haut de plusieurs mètres et monter sur une échelle verticale pour sortir de là, impressionnant !

Et puis autre randonnée, autre dénivelé de plus de 500 mètres en une heure et demie (le capitaine va finir par me crever), on a juste croisé 3 personnes dont un couple anglais qui nous a assuré que c’était very, very, very difficult, mais le capitaine vous dira que ça l’est peut-être pour les autres mais pas pour nous (et moi je pense pas pour LUI !)

On se lève le matin du départ, le bateau est plein de cendres du volcan de La Palma, le capitaine peste et lave le bateau à grands coups de seaux d’eau de mer
En octobre, les concurrents de la Mini Transat Euro Chef 2021 qui sont allés à La Palma au terme de la première étape de cette transatlantique en solitaire, ont eu, eux, leurs bateaux vraiment recouverts de cendres !


Et avant de rejoindre les îles du Cap Vert, ce qui nous prendra plusieurs jours de navigation, nous avons passé 3 jours à El Hierro, dans la marina, pour dormir comme il faut parce que les mouillages c’est toujours plus ou moins instable et qu’on dort toujours plus ou moins bien, faire le plein d’eau en plus de celui de sommeil, et aussi pour que le capitaine carène le bateau et le passe à l’eau douce pour finir de le nettoyer des cendres du volcan



Pour caréner le bateau, le capitaine a enfilé sa combi et son barda de plongeur et il a passé un heure sous la coque pour la passer à l’éponge, ensuite il a fallu trouver un magasin de plongée pour remplir la bouteille d’air comprimé que le capitaine avait vidée parce qu’il avait la flemme (il dit « la cagne ») de sortir tout le matériel entassé dans le gros coffre arrière pour trouver le compresseur enfoui au fin fond du coffre, alors on a été jusqu’à la ville de la Restinga, qui est blindée de clubs de plongée parce qu’il parait que le site de plongée situé là est le plus beau des Canaries. On s’est fait jeter des clubs un par un, en nous disant qu’ils ne remplissaient que les bouteilles de leur club, et puis on a tenté encore notre chance parce que j’ai vu un autocollant de fédération française de plongée sur une porte, et bingo, on est tombé sur un Belge qui a rempli la bouteille du capitaine pour 5 € et le capitaine m’a offert un tee-shirt avec une pieuvre et une raie dessus, pour que le gars du club ne se soit pas dérangé juste pour 5 € (on avait dû appeler sur son portable pour le faire venir), alors c’est certain que l’intention n’est pas la même que pour me faire plaisir, en même temps, en dehors de cette circonstance, j’aurais été bien médusée de me voir offrir ce tee-shirt de pieuvre … de l’art de la séduction … (je le mettrai pour me porter chance en navigant)
Sur la route on s’est arrêté pour voir cette improbable œuvre d’art de Rubén Armiche, faite avec des trucs de récupération … bon …

Et puis il fallait bien partir des Canaries, il y a des gens qui ont l’idée de partir faire le tour du monde à la voile et qui s’arrêtent là pour toujours, je peux comprendre … mais nous on a décidé de continuer alors on va continuer 🙂

La réponse à vos questions !
- c’est quoi s’amarrer sur pendille ? C’est un système d’amarrage avec une forte chaîne mère qui court sur le fond, parallèlement au quai. Les pendilles sont des chaînes de mouillage qui se détachent à intervalles réguliers de cette chaîne mère. L’extrémité libre des pendilles se prolonge d’une amarre, reliée au quai, permettant leur récupération. La règle veut qu’avec la présence d’une pendille on s’amarre « cul à quai ». Il faut alors passer un bout de la pendille dans un maillon de la chaîne pour l’amarrer sur un taquet, à l’avant du bateau (faut pas se louper)

- Caréner son bateau consiste à nettoyer la coque du bateau et passer une ou plusieurs couches d’antifouling qui sert à repousser les coquillages et les algues qui adhèrent au bateau et le ralentissent (nous on a passé l’antifouling avant de partir donc cette fois le capitaine a juste nettoyé la coque)
Bonsoir Isa, merci pour les photos. Je suis allée à Las Palmas en janvier 2016, temps très agréable. Bonne continuation bises
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C’est toujours un plaisir de te lire, de voir où vous êtes rendus (vous avancez drôlement bien! Déjà au sud du Maroc! Sentez-vous quelques habitudes s’installer? Un certain rythme marin?) Et toujours de superbes photos et même des odeurs de plantes….hum! Pour Johnny, non c’est pas ça du tout! Mais l’encens des Canaries, très joli sur ce set de table!
Merci encore de partager cette aventure avec nous tous! Bisous bisous, Marithé
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merci de tout cœur Marithé 🙂
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Merci Isabelle pour ces nouvelles et photos ! J’ai trouvé magnifique, ce sein qui culmine à 3715m, tout comme la mer de nuages ! Quant au nuage de cendres, c’est impressionnant !
Les graines de carotte (sauvage, ancêtre de nos carottes cultivées), je ne les distille pas, je les mange ! C’est délicieux, tout comme les fleur et les feuilles !
Ici aussi (Suisse, France), nous avons de l’armoise (artemisia vulgaris), la plante d’Artémis qui présidait aux naissances, assistait les femmes en couche et protégeait les sage-femmes. On dit que c’est la plante des femmes et la couleur rouge de sa tige est la « signature » du sang car elle facilite la venue des règles et en atténue la douleur, régule le cycle menstruel (bon, j’en ai deux pages sur l’armoise, si ça vous intéresse ! Je ne suis pas botaniste mais je m’intéresse à la botanique depuis 50 ans !!) Dans la famille Artemisia, on trouve aussi l’absinthe, le génépi et l’estragon, plantes fortement aromatiques.
Ah que si, moi je lui trouve aussi une ressemblance avec Johnny !
Bonne continuation, continuez à nous faire rêver !!
Je vous embrasse
Catherine
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Bonjour Isabelle,
Fidèle de votre chaîne YouTube depuis des années, c’est bien agréable et intéressant de vous suivre à présent dans votre périple autour du monde. Quelle chance vous avez !
Je vous souhaite de merveilleuses découvertes !
Belle continuation,
Martine
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merci beaucoup Martine, pour votre message et votre fidélité qui me touche 🙂
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