
Le lendemain de ce dimanche pluvieux et festif, nous retentons la sortie de Toau, en vue de la passe je propose d’un air détaché au capitaine
– Je me demande si ça ne serait pas plus prudent de mettre les gilets de sauvetage ?
– Naaaan pas besoin … … … (tic tac) … va les chercher (le non est le premier réflexe du cerveau reptilien, puis le néocortex s’en mêle et raisonne le reptilien qui s’en va la queue entre les jambes devant la pertinence d’une proposition sensée)

Je me précipite comme s’il était crucial de trouver de l’eau pour éteindre un feu subit dans mes cheveux, sors à la hâte les gilets du coffre où ils sont rangés parce que le capitaine est déjà entré dans la passe, ma foi ça remue pas mal mais ce n’est rien à côté d’hier, en poussant bien le moteur ça prend le temps qu’il faut mais on sort de Toau tout gilets-de-sauvetagés, petit air satisfait du capitaine et béat pour moi, direction l’anse d’Amyot un peu plus loin, il pleut toujours mais plus de façon permanente, soudain, sa voix, que dis-je, un cri
– I DIT QUOI LE PILOTE DU BAS ?!
Je déboule devant la table à carte, regarde l’affichage du pilote et braille
– I DIT PLUS RIEN !
et puis un grand BIIIIIIIIP sonne l’alarme dans tout le bateau pendant qu’un message s’affiche en bas Bus en court-circuit, et un autre dans le cockpit : absence de maître ou un truc comme ça, le capitaine a pris la barre
– change de pilote !!
Grâce au ciel et à la prudence (maladive) du capitaine, nous avons 2 pilotes, alors je change de pilote, le met en route, BIIIIIIP, alarme qui tinte, bus en court-circuit et absence de maître, je coupe et passe une tête effarée dans le cockpit
– on fait quoi ?
Plus de pilote … la poisse, la guigne, la merde
– on file sur Tahiti pour réparer là-bas
Euuuuh … ça serait pas un poil précipité par hasard ?
– tu ne veux pas qu’on s’arrête à l’anse Amyot plutôt ? pour qu’on essaie de réparer ?
Je ne suis pas marin (devrais je écrire marine en bonne petite pensée inclusive ? pour ne pas paraître ennemie de la Femme ?) (c’est Delon qui disait, dans une interview, « j’aime la femme », j’en ris encore) mais je pense qu’une décision hâtive n’est pas de mise et qu’on peut tenter de réparer ça au mouillage, et puis on s’est levés tôt, j’ai la tête de traviole et pas envie de me farcir 200 miles nautique à brûle-pourpoint !
Sylvain et Isabelle d’Oxygen, qui nous ont suivi de peu, naviguent quasiment à côté de nous, on s’appelle à la VHF, Sylvain pense comme moi, on peut réparer, ça ne doit pas être bien compliqué, le sourcil froncé sous le poids de la réflexion, le capitaine abat d’un geste auguste pour aller sur l’anse Amyot, Oxygen filant sur Rangiroa nos routes se croisent, le capitaine se rapproche dangereusement d’Oxygen, moi je passerais plutôt derrière mais lui veut passer devant, aïe aïe aïe collision en vue !
– attention, tu vas lui couper la route !! m’émeus je
tandis qu’il hausse les épaules en se moquant de mes affres, non on ne se fera pas couper en deux par Oxygen
Du temps où le capitaine était champion de cata, il rasait tellement les bateaux en les doublant qu’il en a tapé certains, je lui ai demandé si c’était éliminatoire, oui, s’il s’est fait éliminé parfois, oui, le capitaine est un dur-à-cuire (personne froide et endurcie, qui ne se laisse désarçonner par rien)

Un peu plus tard Sylvain nous rappelle pour nous dire qu’il se déroute vers l’anse Amyot afin de nous y rejoindre et de filer un coup de main au capitaine, ça c’est de la belle entraide !
Si tous les gars du monde
Décidaient d’être copains,
Et partageaient un beau matin
Leurs espoirs et leurs chagrins ;
Si tous les gars du monde
Devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans main,
Le bonheur serait pour demain ! (Paroles de Marcel ACHARD – Musique de Georges-Eugene VAN PARYS) (laissez vous aller : https://youtu.be/QRwinIdlvbI)

Nous arrivons en slalomant dans le mouillage jusqu’à nous amarrer à une bouée, le capitaine va rejoindre Sylvain sur son cata pour regarder sur internet les manières de réparer ça parce qu’on s’est regardés, interdits : c’est quoi un bus ?

Quand il revient, je ne sais pas s’il en a vraiment appris plus mais la solidarité masculine a fait son petit effet euphorisant, l’espoir est là, le capitaine confiant, le soir tombe et nous aussi, à chaque jour suffit sa peine, on réparera demain qui est un autre jour et puis voilà
La nuit a beau porter conseil, elle n’apporte pas la science infuse comme je l’ai espéré si souvent du temps de l’école, c’est donc tout aussi ignare que la veille que le capitaine se met à démonter les boitiers au fond d’un placard, boitiers que nous pensons, par déduction analogique (un bus transporte du monde et un boîtier beaucoup de fils) être les fameux bus dont un est en court-circuit, Sylvain et lui ayant vu sur internet que de toutes façons il faut tout démonter et remonter un à un pour voir ce qui déconne, ils ont vérifié sur tout un tas de sites s’il fallait vraiment en passer par là car l’homme est ainsi fait qu’il espère toujours une solution miraculeuse et instantanée au problème du moment, mais tout un tas de site a dit la même chose : il faut tout démonter

NB photo ci-dessus : encore une fois, les esprits affutés auront vu ce détail que je livre aux moins observateurs d’entre vous sur un plateau d’argent : les cheveux du capitaine sont bien coupés, et devinez qui les lui a coupés ? Il m’avait dit bien court ! alors je les ai fait bien court mais il a fait une drôle de tête quand il les a vu bien court à mon idée – là ils ont déjà repoussés, le capitaine retrouve sa tête de d’habitude, moi je l’aime bien tout court car il ne peut plus les coiffer en arrière, il pense qu’il fait négligé s’il n’est pas coiffé en arrière, c’est drôle le cerveau humain (surtout celui du capitaine)
J’ai fait un bon petit dèj pour donner du cœur au ventre au capitaine …

… mais ça grommelle sévère du macarelle par ci et du macarelle par là, pas facile de bricoler à 4 pattes dans un placard, encore moins quand nous y sommes à deux pour souder des fils, l’un tenant les fils (mal quand c’est moi) et l’autre le fer à souder (comme un manche quand c’est moi) (le capitaine sait encourager les troupes, à se demander par quel miracle il n’a pas pris un coup de fer à souder dans une narine), on a chaud, macarelle de diou c’est pas facile la vie d’artiste … je ne saurais vous dire si on avance bien ou pas, une chose est certaine cependant c’est que nous tâtonnons, lisons tous les modes d’emploi, espérons la bonne piste, relançons un pilote avant de l’éteindre aussi vite quand son BIIIIIP nous vrille les tympans, je donne prudemment mon avis au capitaine, c’est que : est-ce que ça ne vaudrait pas le coup de monter voir en haut du mât l’anémomètre parce que c’est lui qui a commencé à débloquer il y a déjà quelques temps aux Marquises, et comme on lit à droite et à gauche que les courts-circuits sont souvent dus à l’anémomètre, j’en tire une conclusion très nez au milieu de la figure, mais bon, le capitaine n’a cure de mon avis de blonde, manquerait plus que de s’abaisser à ça mortecouille ! on y passe deux jours, le pilote bipe à cœur joie, c’en est décourageant
Quand tout espoir semble vain et le moral des troupes au plus bas, le capitaine s’en va farfouiller dans tout le bateau avec une mine réjouie, on l’a perdu me dis-je, il craque … puis il ressort du fin fond d’un coffre et me brandit victorieusement sous le nez … euuuh
– un allume-gaz géant ?
– mais non isabelle ! c’est un 3ème pilote !
Cependant il tempère vite mon émoi, il s’agit d’un pilote de cockpit qu’il a récupéré d’un autre bateau, rien à voir avec les 2 autres pilotes en panne, c’est adapté très exactement « pour une navigation sur des bateaux de 6 à 7 tonnes et de longueur maximum de 12 mètres et dans des conditions météo estivales »… je lui rappelle, à cet oublieux, qu’on fait 12 tonnes et 14 mètres mais il me précise son idée géniale, ça peut nous filer un coup de main rien que pour aller pisser tranquille, je lui avais partagé mon interrogation existentielle, à savoir comment je ferais si je barre et qu’il dort et que j’ai envie de faire pipi ? Il m’avait répondu que je n’aurais qu’à faire pipi dans le cockpit, je m’étais préparée à ne plus boire une seule goutte jusqu’au départ (je me suis vue accroupie dans le cockpit, les genoux vers l’intérieur et la culotte sur les mollets, tenant la barre d’une main et mon teeshirt de l’autre, tête baissée pour viser entre mes godasses, le capitaine arrivant sur ces entrefaites … ne plus boire, donc)
Le capitaine, inconscient de ce qui se déroule dans ma tête et c’est tant mieux, passe une autre journée à bidouiller l’installation de ce pilote de fortune dans le coffre arrière entre les barres, je l’entends qui scie, souffle, sue sang et eau jusqu’à l’instant tant attendu de relier ce pilote à la barre …

Moralité de l’histoire : il aurait fallu installer le pilote entre la barre et la coque, mis dans le coffre c’est impossible de le relier à la barre …
Voilà à quoi ressemble un pilote de cockpit, autant dire que ça vous défigure un cockpit et que le capitaine n’aurait jamais pu s’y résoudre (et ça ressemble à un allume-gaz géant)

Graves, nous prenons la décision de rejoindre Tahiti sans pilote, 200 miles c’est pas la mer à boire, on ne verra pas Rangiroa ni les autres atolls des Tuam mais pas le choix, en plus on les a quand même bien visité les Tuamotu mais comme dit le capitaine on ne reviendra pas, alors il aurait aimé voir tout son programme, il est comme ça, sans rigueur le monde part à vau l’eau et lui en tête

La veille je prépare à manger pour 2 jours parce que soit je serai à la barre, soit j’aurai faim ou sommeil mais ni l’envie ni le temps de cuisiner, le lendemain on se lève avant l’aube, on prend un bon petit dèj et c’est parti, je ne vaux rien sans un bon petit dèj et le capitaine se demande en se regardant le nombril s’il n’a pas grossi avec mes bons petits dèj, c’est lui qui commence à barrer et moi je suis déjà crevée de m’être levée si tôt, ça promet !
On barre à tour de rôle, le capitaine qui est un homme bon, ou bien un marin qui a plus confiance dans sa façon de barrer que dans celle d’une équipière olé-olé, en fait plus que moi et je dois dire que j’en suis fort aise parce qu’au bout de quelques heures j’ai les trapèzes en compote et même tous les muscles de mon pauvre corps sont réduits à l’état de bouillie …
A ma décharge, j’ai les pieds dans le vide et la houle est forte, il me faut les deux bras pour barrer, le capitaine a insisté pour je mette mon gilet de sauvetage et que je m’attache au bateau de crainte qu’une vague m’emporte, au moins si je m’évanouis de fatigue je ne glisserai pas dans l’eau comme un plat de nouilles, en plus je suis habillée à faire honte à feu YSL, bref, c’est la totale
Par contre, lui (tiens, ça lui va bien « lui ») lui donc, LUI, sait s’installer confortablement et barrer à l’économie pendant que je récupère en haletant comme un caniche ayant traversé la France pour retrouver son maître qui l’a abandonné au bord de l’autoroute un 1er août (ce que c’est sot un caniche), et quand revient mon tour il m’abreuve de conseils de haut vol, je dois lofer ou abattre avant même que la vague ne soulève le bateau isabelle, et cela même si les vagues arrivent dans mon dos, je dois le sentir comprenez vous, je finis par dire dans un gros (un énorme) soupir que c’est la première fois que je barre dans ces conditions et que lui, combien il a d’expérience dans le domaine je vous prie ? 50 000 miles je pense qu’il me répond, bon bin voilà, va dormir et je me débrouillerai très bien, je le sais parce que la trace sur Navionics est bonne même quand c’est moi qui barre, CQFD
L’un des multiples dons du capitaine est de pouvoir dormir à peu près à chaque fois qu’il s’allonge sur un lit, cela lui permet de récupérer vite fait, il n’en est pas de même pour moi qui commence toujours à comater juste quand il faut que je prenne la relève, je me tasse donc sur moi-même comme une fleur se fane au fur et à mesure de la journée et baffre du sucre autant que je peux pour me donner un semblant d’énergie, surtout quand arrive la nuit, c’est à mon tour de barrer pendant que le capitaine mange au sien (de tour)
– ne regarde pas le compas (la bouche pleine)
– mais ! je ne vois que dalle devant c’est tout noir ! comment veux tu que je sache où je vais si je ne regarde pas le compas ?
– mais si tu le sens ! je ne veux pas que tu regardes le compas !
S’ensuit un long épisode durant lequel je regarde le néant droit devant quand je sens que le capitaine m’observe comme une mygale un arthropode pour son prochain repas, reviens promptement lorgner sur le compas et m’en éloigne vite fait avant de me faire choper, le capitaine rode dans le cockpit, se retourne soudain, je soutiens son regard avec un air de ravi de la crèche, j’étais imbattable à 1,2,3,soleil
Quand il va se coucher ça m’économise de l’énergie, je ne quitte plus le compas des yeux, cap 240, on avait d’abord navigué sous GV + génois tangonné en vent arrière, puis on a dû empanner et mettre le génois du même côté que la GV, une fois en vent de travers, j’ai dû m’habituer à barrer à bâbord puisqu’on a 2 barres, une à tribord pour quand on navigue tribord amure et une à bâbord pour quand on navigue bâbord amure, on a fait 85 miles en 9 heures, ça nous fait du 8.33 de moyenne, ça veut tout de même dire que je ne me débrouille pas si mal, re CQDF

Avec la fatigue, je m’embrouille les idées, je ne sais plus si je dois lofer ou abattre quand une vague éloigne le bateau du cap, je ne fais que me répéter pousse la barre … tire la barre … pousse la barre … tire la barre … et des fois je me plante, je pousse au lieu de tirer parce que le cap est à 270 et je ne sais plus ce que je dois faire pour revenir à 240, lofer ou abattre, tirer ou pousser, en plus quand je barrais de l’autre côté c’était le contraire, j’essaie l’un ou l’autre et finis par ramener le bateau sur 240, la voix du capitaine ma parvenant du fin fond de sa couchette mais qu’est-ce que tu fabriques ?! parce qu’il sent les mouvements du bateau, et puis je ne l’entends plus, il a lâché prise en sombrant dans un sommeil plus profond, je pousse la barre, je tire la barre et surtout je le laisse dormir, le peu que je pense ne me prend guère d’énergie alors je tiens le choc jusqu’au lever du jour, j’avoue que ça fait une bonne heure que j’ai envie d’appeler le capitaine à la rescousse pour qu’il me relève mais que je me répète de tenir encore un peu … juste pousser la barre … juste tirer la barre … juste ça isabelle … et puis j’ai des bananes sèches dans une poche et j’en croque une bouchée de temps à autre comme on remet un litre d’essence dans sa deuche pour aller un peu plus loin, le capitaine se lève, je prépare un petit dèj sommaire, mange, le relaie pour qu’il mange à son tour et vais me jeter tout du long sur ma couchette, je ne sais plus si je dors un peu ou même pas, quand je me relève il fait déjà chaud, je reprends la barre, moins de vent, moins de houle, on se relaie avec le capitaine, que ce soit pour manger, barrer ou se reposer, il fait rudement chaud, et puis au loin … Tahiti … Tahiti ! TAHITI quoi !!! Jamais je n’aurais cru y aller un jour ! Tahiti ! la lune !
Je reprends la barre pendant que le capitaine prépare notre arrivée, je suis claquée alors je continue de fixer le compas qui m’hypnotise comme un métronome, j’en suis au point que je me fous complètement de ce que peut penser le capitaine, et puis je me dis que ça serait tout de même drôlement chouette d’être accueillis à Tahiti par des baleines, je lève mon nez du compas, me retourne sur Tahiti que nous longeons … pile à ce moment je vois passer une queue énorme et noire à une trentaine de mètres de nous, je hurle une baleine ! une baleine !!! le capitaine déboule dans le cockpit, je braille là ! làààààà ! en montrant du doigt, et la baleine ressort de l’eau, décrit un long et lent arc de cercle, noir sur le dessus et blanc en dessous, avant de replonger, on en reste sans voix et puis je m’exclame la chance ! la chaaaaaance ! mon dieu quelle chance !

Comme on est sous le vent de Tahiti, c’est calme, plus guère de houle, je lâche carrément la barre pour filmer et scruter l’océan afin de voir si la baleine ne va pas revenir, que dalle … on longe le port, il y a plein de maisons, même de loin on voit que ça vit comme on en l’a pas vu depuis des mois, ça fait drôle
Nous avons vu des atolls, comme Fakarava ou Makemo, des îles hautes sans barrière de corail comme aux Marquises et nous découvrons ici des îles entourées d’un lagon, c’est le cas de Tahiti, Moorea ou Bora Bora, donc il y a une passe pour entrer dans le lagon de Tahiti, j’appelle le capitaine pour qu’il prenne la barre mais il est occupé à je ne sais quoi et me dit d’y aller, c’est une autre dimension que les passes des Tuam, elle est hyper large et le problème vient plus des navettes et bateaux qui circulent dans tous les sens que d’un mascaret, inexistant par ailleurs, par contre le courant est bien là, c’est moi qui entre dans la passe de Tahiti, c’est de vous l’écrire que je me rends compte que c’est un peu la classe quoi … mais le naturel du capitaine ne tarde pas à revenir au galop, il trouve que je vais trop par ci ou pas assez par là et me reprend la barre, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même (il me laisse faire à bouffer pourtant), et nous arrivons dans la marina de Papeete, c’est là que le capitaine veut aller parce qu’il y a une autre marina près de l’aéroport mais c’est à perpète … on tourne au ralenti dans la marina, elle est blindée, pas une seule place dispo, on voit plus loin un bateau amarré le long d’un des quais du port, le capitaine décide de l’imiter, on est vendredi soir alors on a des chances que personne ne vienne nous demander des comptes avant lundi matin, je mets les pare battages et les amarres, le capitaine me fait prendre la barre pour arriver le long du quai
– euhhh t’es sûr ? tu ne veux pas plutôt que j’aille sur le quai et que tu prennes la barre ?
– mais y’a rien à faire ! tu coupes les gasses (les gaz, si vous le connaissez bien maintenant) et c’est tout !
bon, je coupe les gaz, je dirige le bateau, le capitaine a sauté sur le quai et nous amarre, welcome to Tahiti !

On a beau être morts ou quasi, on se prend une douche vite fait sur la jupe, on passe des fringues propres et on file faire un tour à Papeete, manger un steak dont on n’a pas vu la couleur depuis des semaines, frites pour le capitaine qui est un homme simple (c’est lui qui le dit quand j’entame des sujets de conversation qui le font chier) et salade pour moi, pas vu la couleur non plus depuis moult, j’apprendrai plus tard que le resto, qui s’appelle le Rétro, est celui où Joe Dassin est mort à l’étage en plein repas le 20 août 1980, à 42 ans près j’aurais pu le voir piquer du nez dans son assiette et devenir célèbre dans un cirque, la femme qui a vu mourir Joe Dassin

Après ça on pense dormir comme des anges mais c’est sans compter sur les bruits de la ville qui est à bout de quai … et quelle ville ! une vraie ville ! voitures, klaxons, sirènes d’ambulances, une voix féminine des passages piétons qui parle toute la nuit « rouge piétons – rouge piétons – rouge piétons » et sonne quand c’est vert bip-bip-bip-bip-bip + sonnerie du téléphone des taxis qui résonne dans la nuit … nous dormons d’un sommeil entrecoupé, après le silence désertique des Tuam c’est violent, et sommes réveillés avant même que le jour ne se lève car la vie ici démarre avec le soleil, et les bruits de la vie de Papeete qui démarre ça réveille bien


Comme c’est week-end on ne réussit pas à joindre le gars qui doit nous dépanner l’électronique NKE, alors le capitaine retente du bricolage, nous allons avoir la cruelle démonstration que l’électronique c’est 1 pas en avant, 3 pas en arrière … donc on se dit qu’après tout il faut relancer le pilote pour voir ce que ça donne avant de tout démonter à nouveau et là, et ça nous laisse pantois, ça se met à afficher des trucs à l’écran, ça bipe dans tous les sens mais les bips normaux, pas l’alarme, on se regarde comme si on avait gagné au loto (attendez, je vais vérifier parce que j’avais joué et je reviens) … (rien, nada, le capitaine n’est pas prêt d’avoir une machine à laver dans son bateau), on croit que c’est gagné et on se prépare à se taper les mains en signe de victoire quand un vérin se met carrément en route et CRRRAAAAAAAC ! énorme et sinistre ! La barre était attachée pour éviter les mouvements intempestifs au mouillage et elle a cassé sous la force du vérin qui voulait la faire tourner, crétin de pilote ! … le capitaine recoupe fissa l’électronique
– quel âne ! non mais quel âne ! (et ce n’est pas du pilote qu’il parle)
Il en est quitte pour réparer la barre, il faut la démonter, la scier, la remonter, ça lui prend un bout de temps durant lequel il ne cesse de se blâmer en se traitant encore et encore d’âne, on lui donnerait un fouet qu’il se flagellerait à genoux jusqu’au sang en invoquant le pardon de Saint Erasme … en plus, cerise sur le pompon, après ces soubresauts annonciateurs de son agonie, l’écran du pilote annonce de nouveau qu’il y a un court-circuit et pas de maître, j’abandonne le capitaine à son triste sort pour me balader, acheter à manger et constater que les clodos affalés et crasseux sous les porches font ressembler Papeete à la rue des Lombards le dimanche matin, la même odeur de poubelles embaumant l’air en prime, j’en conclus que c’est plutôt dans les rues qu’il faudrait balancer de l’encens le dimanche …
Le lundi, quand je reviens du marché …


… le capitaine a une bonne nouvelle (une fois n’est pas coutume) parce que, outre ce problème de pilote, on risque fort d’en avoir un autre, à savoir se faire déloger manu militari par les gars du port puisque nous n’avons pas le droit d’être amarrés sur ce quai, mais pendant que je flânais entre les bouteilles de monoï et les traiteurs chinois du marché, devant lesquels il y a un monde de dingue alors que les vendeurs de mangues et d’avocats se curent le nez pour passer le temps dans l’attente d’un client, pendant que je flânais donc, le capitaine a fureté dans la marina et de fil en aiguille s’est mis d’accord avec un charter pour lui prendre sa place quand celui-ci ira balader ses clients sur la mer, alors certes c’est provisoire mais nous avons tout le temps d’ici là de sympathiser avec l’autochtone de la capitainerie pour se voir octroyer une place à plus long terme, du moins ai-je la naïveté de le croire, le capitaine étant d’une nature moins optimiste fait la moue quand je lui exprime mon enthousiasme, mais je le sais tellement charmeur qu’il devrait savoir s’y prendre pour nous dégoter une place …
… et ça ne loupe pas ! dès le mardi après-midi nous prenons notre place officielle, celle de Moxie, le bateau d’un couple d’Anglais que nous avions déjà rencontrés à Hiva Oa et avec qui le capitaine avait échangé (il se fait tout un réseau de connaissances en mer et ça finit toujours par servir), une fois l’affaire dans le sac, le capitaine va prévenir le gars de la capitainerie qui lui dit qu’il aurait pu lui demander d’abord mais laisse filer, parce que le capitaine il est comme ça, il se fait tout de suite un tas de copains … en tous cas nous voilà installés à Papeete, le gars de NKE doit venir le mercredi de la semaine suivante, ça me laisse du temps pour découvrir Tahiti et sa botanique, ô joie !

Si vous avez lu jusque là, bravo ! vous pouvez continuer !
- A brûle-pourpoint : brusquement, sans préparation. Qui veut dire aujourd’hui « brusquement, sans qu’on s’y attende ». L’expression a d’abord signifié « tout près, au point de pouvoir brûler le pourpoint » en parlant d’une arme à feu dont on pointe le canon sur l’adversaire : tirer sur qqn à brûle-pourpoint (on dirait aujourd’hui : à bout portant).
- But du jeu 1 2 3 Soleil : le joueur face au mur tape trois fois en criant 1, 2, 3 Soleil et lorsqu’il dit SOLEIL, il se retourne vers les joueurs. Pendant que le meneur de jeu crie 1, 2, 3 Soleil, les joueurs doivent essayer d’avancer le plus vite possible et s’immobiliser quand le meneur de jeu se retourne après avoir dit soleil ! pour ne pas perdre.
- Une mygale mange des arthropodes (des insectes, souvent de grande taille, des scorpions, d’autres araignées…), et des vertébrés : petits reptiles (petits serpents, lézards, geckos…), amphibiens (grenouilles, crapauds), petits mammifères (rongeurs)

- Une deuche : surnom populaire donné à la 2 CV de Citroën – j »ai acheté une vieille deuche
- Saint Erasme ou Saint Elme est le saint patron des marins
- La baleine à bosse peut mesurer jusqu’à 14 m de long, et peser 25 000 kg. Son nom vient d’une bosse de graisse discrète placée devant la nageoire dorsale. Il s’agit d’un mammifère avec deux nageoires pectorales qui peuvent faire le tiers du corps entier de l’animal, soit 6 m pour les plus grands spécimens. La baleine n’a pas de branchies, puisque c’est un mammifère. Quand elle plonge, elle est donc en apnée. Elle doit remonter régulièrement à la surface pour reprendre son souffle. Elle peut rester jusqu’à 30 minutes sous l’eau sans respirer. La baleine à bosse ne possède quasiment pas d’odorat et elle ne voit pas grand-chose. Par contre, elle a une ouïe exceptionnelle et elle communique en utilisant l’écholocation, c’est-à-dire qu’elle envoie des sons et écoute leur écho pour se repérer dans l’eau. Comme elle ne nage pas très vite, elle récupère de nombreux parasites, dont elle a du mal à se débarrasser. Pour tenter de les éjecter, elle se projette hors de l’eau jusqu’à 5 m de hauteur et retombe de tout son poids à la surface. Chaque année, la baleine à bosse pratique la migration. Elle se déplace de sa zone d’alimentation située en eau froide vers son aire de reproduction en eau chaude. En une année, elle peut parcourir jusqu’à 10 000 km. Et comme elle peut vivre 60 ans, elle en aura parcouru, des kilomètres. La saison des amours s’échelonne d’avril à septembre, durant l’hiver austral. Le mâle rejoint alors la femelle (qui est plus grande que lui, ce qui est rare dans le monde des mammifères). Après avoir été fécondée, la femelle entre en gestation pendant 338 jours. À la naissance, le baleineau mesure plus de 4 m et pèse environ 700 kg. Il tète sa mère pendant 6 mois et gagne en moyenne 40 kg par jour. Avec sa taille impressionnante, la baleine à bosse a peu de prédateurs. Les requins-tigres et les requins à pointe blanche raffolent des baleineaux. Ils tentent leur chance quand ils croisent une baleine isolée avec son baleineau. Et les orques s’attaquent parfois aux baleines blessées. Mais le plus grand prédateur des baleines reste les humains. Jusqu’au siècle dernier, les baleines à bosse étaient très convoitées. Les baleines à bosse faisaient partie des 9 espèces chassées intensivement par les baleiniers. On estime que 9 baleines à bosse sur 10 ont été décimées au cours du 20e siècle. La graisse des baleines était utilisée pour alimenter les lampes à huile.



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bonjour Isabelle, je vous aime ; vous me faites rêver ! bonne route ou plutôt bonne mer, au plaisir de lire vos aventures,Annie
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Merci Isabelle pour ce magnifique récit, qui me fais rêver, et donne cette impression d être un peu à vos côtés..
Bravo pour le sens de la narration, on vit, tremble, rit, quelle fluidité dans le texte…. De beaux moments partagés..
Quelle aventure !
Bon vent ! Belle mer…. On attend la suite.. Ou le livre ! 🙏🙏💫💫😉
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ah moi aussi je vous aime Annie, de me le dire si spontanément fait que mon cœur va vers vous ! je vous embrasse 🤗🥰😘❤️
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merci Marie Noëlle, et à bientôt pour la suite 😉🤗❤️!
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Merci Isabelle pour ce partage! C’est toujours un régal de vous lire:-) J’espère que la réparation s’est bien passée finalement…et les dessins sont sympas, vraiment, j’adore! 😀
bonne continuation
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et moi je m’amuse grave à faire ces dessins, j’aimeras avoir plus de temps pur laisser libre cours à ma créativité 😄
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