
Nous embarquons dans le ferry comme pour le Nouveau Monde, longues files d’attente de camions, caravanes, vans et motos, puis le cortège se met en branle, carrément deux étages pour les véhicules, il y a même un train qui dépose une file de wagons,
bien que je connaisse par avance la réponse du capitaine, je m’exclame, l’air dépassé
– Mais comment ça peut flotter avec tout ce poids dans le ventre ?!
Ça lui fait aussitôt comme un vent qui court sur sa peau, comme on voit au loin sur la mer une risée, je perçois son humeur qui va s’agacer, je le coupe avant même que son idée d’ouvrir la bouche pour me morigéner n’atteigne son cerveau
– Oui oui je sais, tu me l’as déjà dit, ça n’empêche pas de s’étonner ! (faudra que je révise)
Lui ça l’empêche, c’est comme ça un point c’est tout, que la lune flotte dans le ciel sans tomber par terre c’est normal puisque les lois de la physique l’ont démontré, quand je m’en émerveille il raille mon côté bon public
– Mais quand même, l’ai-je déjà exhorté à plusieurs reprises, tu n’es pas ébahi de voir à quel point notre planète est un prodige prodigieusement prodigieux ? Tous ces arbres, toutes ces plantes, ces oiseaux, ces poissons ? Nous ! tout ça rien que pour nous !
– Siiiiiiiii mais …
Pas de quoi en faire un plat.
On nous fait monter au dernier étage : salon, tables, chaises, bar, restaurant, ça se balade, ça discute, ça boit un coup ou ça mange, ça tapote sur son téléphone, il y en a tout de même qui regardent ce qui se passe dehors, je sors sur un des ponts, vent glacial qui me fait rentrer vite fait, les vagues commencent à se former, le ferry bouge à peine, si on était sur Cap de Miol on les sentirait rudement passer, 3h30 plus tard on débarque à Picton, tout ça a pris son temps, on trouve un resto pour manger un morceau avant de prendre la route, un fish&chips de plus, c’est ça ou hamburger/frites, parfois des plats que je commande sans comprendre ce que ça va donner, ce qui me fait découvrir des mets aussi improbables que peu raffinés, je repense à certaines boulettes végétariennes qui auraient rendue viandarde Gwyneth Paltrow , alors quand il y a des salades au menu, ceci bien que la Médecine Traditionnelle Chinoise le réprouve, je m’en prends une et je suis bien contente, et après j’ai faim comme il va de soi.
Kilomètres
Kilomètres
Kilomètres, nous sommes au pays des cônes, la Nouvelle Zélande entière est en réfection de routes, pour y faire fortune il suffit d’être fabricant de cônes, kilomètres, cônes, vaches, moutons, sapins, kilomètres, sapins, moutons, vaches, kilomètres, cônes…
Tandis que le capitaine roule, concentré de rouler à gauche, il est à ma merci et je peux lancer des discussions comme sur la pensée créatrice, c’est quoi ces couillandres, ce ne sont pas des couillandres regarde : on pense à faire un road-trip en NZ par exemple, on le met en œuvre et voilà on y est, mais c’est l’évidence ! oui, n’empêche que notre pensée est créatrice, aussi je lis à voix haute, afin qu’il en fasse son profit, des articles sur des sujets qui m’intéressent ou auxquels j’aimerais l’intéresser pour lui faire passer un message, c’est ainsi que je l’abreuve aussi bien de l’histoire de la NZ que de la différence des cerveaux masculins et féminins, thème qui ouvre au débat, parfois le regard qu’il m’adresse est totalement déserté, envolé pour d’autres sphères, je lui demande alors si ça l’intéresse et oui qu’il m’affirme en revenant habiter ses yeux pour découvrir que je suis là, alors je continue, j’enfonce le clou, je m’émeus sur la loi anti-tabac de la NZ moi qui ne suis pas fumeuse et râle quand une terrasse de bistrot est envahie de fumée au point de pousser les non-fumeurs à s’asseoir à l’intérieur afin de pouvoir respirer, le comble, mais qui milite pour la liberté, je trouve scandaleux qu’il ne soit plus possible pour les personnes nées après 2008 d’acheter des cigarettes en Nouvelle-Zélande et ce indéfiniment, dans quel monde vivra t’on si on n’a plus le droit de fumer un clope, boire un coup ou tromper son mari (j’avais écrit sa femme mais je me suis reprise, l’égalité des sexes sert -surtout- à ça) et d’autres sujets que j’évoquerai quand le moment sera venu, découvrir la NZ va aussi m’apprendre ses paradoxes quand je vais gratter le vernis de la carte postale …
En attendant, on file vers les Alpes du Sud, je ne me trompe pas, nous roulons vraiment vers les Alpes du Sud ou Southern Alps, plus précisément vers le glacier Franz Josef, auparavant nommé Victoria mais débaptisé par l’explorateur Allemand Julius Von Haast en 1865 en hommage à l’empereur François-Joseph d’Autriche, on appréciera, vraiment, de quoi j’me mêle.


On se pose dans un camping pour souffler, demain on fait la rando de Roberts Point Track car de toutes les randos d’ici elle est donnée comme ayant le meilleur point de vue sur le glacier, étiquetée intermédiaire/difficile, on verra bien.
Ca démarre tranquille dans la forêt, parfait pour s’échauffer, et on arrive un peu plus tard au premier pont suspendu, il a l’air bien solide, du bon matos néo-zède, je m’y engage sans crainte, faudrait vraiment le faire exprès pour tomber
Puis un second où l’on ne doit s’engager qu’un par un, mais pas d’impression de vide car on surplombe des arbres et des fougères, je le passe les doigts dans le nez … le 3ème et dernier est beaucoup plus long, je dis au capitaine que je vais marcher juste derrière lui et regarder sa nuque, j’ai vu ça une fois dans un film et ça me paraît être une bonne idée, parce qu’il est bien long ce pont et ça balance pas mal, j’ai bien fait, tant qu’il y a des arbres sous le pont je pourrais danser la gigue dessus, mais à un moment donné il n’y a plus que le vide et ça me file chaud dans les mollets, c’est pas bon signe, le chaud dans les mollets c’est quand je suis à un doigt de capituler, j’avale ma salive, je le colle aux talons et regarde sa nuque à m’en hypnotiser, ça devrait aller, ça va, ça va passer, ça passe, c’est passé !




Et après 3 heures de marche, parfois acrobatique, on arrive sur la plate-forme avec vue sur le glacier, la récompense !

Glacier qui reste bien loin de là où nous sommes, pour le voir de près il faudrait se faire héliporter, ça coûte au moins 200$ NZ par personne, on oublie, il est loin parce qu’il fond, et ça à vue d’œil …

Je me tourne vers le capitaine pour lui partager ma pensée, à savoir que ça m’étonne que les hélicos soient autorisés, ce n’est pas très écolo, et plusieurs aspects ici me font tiquer, mais bon, si je voulais être vraiment écolo je ferais le tour de la NZ en vélo et pas en camper-van n’est-ce pas (ici ils ne comprennent pas de quoi on parle quand on dit camping-car, pourtant c’est bien de l’anglais que je sache, aaah e camper-van !)

Ce qui nous fait passer par le parc national du Mont Aspiring et entre les lacs Wanaka et Hawea, plus loin sur la route, en passant le long de la distillerie de Cardrona, nous apercevons une loooongue barrière de soutiens-gorge, le capitaine pile en laissant la moitié de la gomme des pneus sur le bitume, il veut voir ça de plus près nom d’un chien, mes idées sur le sujet vont aussitôt bon train
– sûrement que c’est une manifestation de nanas qui étaient moins bien payées que les hommes à la distillerie !
Il n’en sait rien, persuadé que les femmes sont aussi bien payées que les hommes pour un même poste et que les féministes exagèrent, que je prends un soin perfide à trier les informations que je lui présente en preuve de ce que toutes les études sur le sujet peuvent avancer, je ne désespère pas mais il va me falloir être pugnace pour ébranler ses certitudes

J’apprendrai que tous les bus et voitures qui passent par ici s’y arrêtent, que plein de nanas ôtent leur soutif pour l’accrocher à la barrière, certains disent que c’est pour la défense des femmes qui ont le cancer du sein, argument qui semble sorti d’un chapeau pour élever le débat car l’histoire c’est que des fermiers ont tout bonnement trouvé 4 soutiens-gorge attachés à la clôture entre Noël et Nouvel an 1999 (elles devaient en tenir une bonne) et les ont laissé, que l’info s’est répandue et qu’il y en a eu de plus en plus comme les cadenas sur le Pont Neuf, c’est devenu une mode, après des tentatives de les virer étant donné que certains trouvaient que c’était moche dans le paysage ou dangereux de distraire les conducteurs, un certain fermier John Lee, devenu gardien officieux du site, en a laissé une partie parce que c’est devenu l’attraction touristique la plus photographiée de la région, pas un mot de son côté sur le cancer du sein qui, à mon humble avis, n’a pas besoin de pub mais de fonds de recherche, bref, on veille à ce que la célèbre clôture passe à la postérité…(en même temps c’est gratuit, ce qui est rare en NZ)
Et nous voilà à Queenstown, la plus belle et charmante ville de toute la Nouvelle Zélande à mon goût, l’immense lac de Wakatipu avec les Alpes du Sud pour décor, une promenade au bord du lac avec des bars, des vrais restos, de l’animation et de la musique, le capitaine propose de m’inviter dans un Italien mais flûte, c’est complet, on déambule et c’est complet partout, on se fait refouler comme d’une boîte à la mode par un vigile peu accommodant, c’est comme ça dans les restos, quand ils sont pleins ils sont tout content de vous refuser l’entrée tellement ils sont courus, on finit par trouver des places dans un resto Thaï, à ma grande joie et à la déconvenue du capitaine, je commande un curry de légumes et lui un Pad Thaï, je me régale, il reste sur sa réserve congénitale qui englobe toutes les cuisines asiatiques sans exception.




La grosse prochaine étape n’est pas des moindres puisqu’il s’agit de Milford Sound ou le plus beau fjord de Nouvelle Zélande !
Sur la route qui nous mène à Te Anau, nous passons le long de champs entiers de faons, biches et cerfs, la Nouvelle Zélande est le premier producteur mondial de cerfs d’élevage pour la vente de leur viande vantée comme étant pauvre en graisse, en cholestérol et en calories, précision étant donnée que, grâce à ses pâturages, ce pays est naturellement idéal pour tout type d’élevage d’animaux, ici on vous affirme qu’en consommant la viande de cerf de Nouvelle-Zélande, vous prenez part à cette nature magnifique, le marketing n’a honte de rien.
Je m’insurge auprès du capitaine : comment peut-on parler d’écologie quand on voit ces élevages intensifs de bœufs, de moutons et de cerfs ?! Il faudrait qu’on m’explique, parce que d’un côté les Kiwis (les Néo-Zélandais) en ont plein la bouche de l’écologie, et de l’autre …

De l’autre, la Nouvelle Zélande est présentée comme une une terre préservée, sauvage, saine et pure, et vendue comme telle aux touristes, il est vrai que près d’un tiers de ses terres sont des aires protégées au sein de 13 parcs nationaux et que 80% de leur énergie est issue de sources renouvelables, mais, MAIS !! près de 50% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de l’agriculture et élevage dans le pays, contre 10 à 12% à l’échelle mondiale, la quantité et la qualité du sol en sont affectées, l’une des plus importantes conséquences est que la qualité de l’eau se dégrade, 62% des rivières néo-zélandaises dépassent les seuils sanitaires, 59 % des puits présentent un taux important de bactéries E. Coli, ce qui révèle une contamination fécale,13 % ont un taux élevé de nitrate, 57 % des lacs ont une mauvaise qualité d’eau, dans certaines régions à très forte concentration de fermes laitières, le gouvernement a même déconseillé aux femmes enceintes de boire l’eau du robinet, 76 % des poissons d’eau douce sont menacés d’extinction ou en voie de disparition tout comme 83% des oiseaux, reptiles, chauves-souris et grenouilles … leur slogan 100% pure New Zealand a sacrément du plomb dans l’aile …

C’est le capitaine qui fait les frais de toutes ces informations dont je lui fais une lecture effarée, c’est bien, ça l’empêche de roupiller au volant

Ma révolte ne nous empêche nullement d’arriver en fin d’après-midi à notre destination : Milford Sound !

Milford Sound est un fjord, il doit son nom au port naturel gallois appelé Milford Haven, je demande au capitaine pourquoi ici on appelle ça un fjord alors qu’ailleurs on dit que ce sont des îles, des îlots, des motu …
– quelle est la différence ?
– m’enfin Isabelle (yeux ronds) ! c’est parce que la mer arrive à l’intérieur des terres !
– mais … (il est con ou quoi) quand la mer passe entre différents îlots c’est pareil, les îlots c’est des monticules de terre plus hauts que la mer ne dépasse pas et c’est tout !
Je vous épargne la pénible discussion de sourds qui s’ensuit, je finis par lever la main en signe de temps d’arrêt pour m’en référer auprès du meilleur des arbitres, à savoir Google : c’est quoi un fjord (ça horripile le capitaine quand je dis c’est quoi, il me reprend, condescendant, on dit qu’est-ce que), j’ai ma réponse, un fjord ou fiord est une vallée unique érodée par un glacier avançant de la montagne à la mer qui a été envahie par la mer depuis le retrait de la glace, ça c’est de la réponse qui sait ce qu’elle raconte, je suis toute apaisée d’avoir compris, nous nous baladons en bateau sur ce qui fut jadis un glacier (les glaciers géants qui recouvraient le Fiordland ont commencé à fondre il y a 15.000 ans, c’est rien !), ce qui est assez fou quand on y pense, ça m’émerveille encore plus


et c’est fou ce que c’est beau, on va jusqu’à la mer et on s’en retourne, ce qui gâche le plaisir du capitaine c’est que c’est hyper touristique, il y a beaucoup de monde, c’est sûr que si on était venus jusqu’ici en voilier, on aurait été plus tranquilles … mais on serait encore très loin d’y arriver
On a du pot, il fait vraiment beau quoique frisquet, ce n’était pas gagné car ici il pleut 182 jours par an, soit une pluviométrie 14 fois supérieure à celle de Paris, les Kiwis disent qu’ici il pleut deux fois par semaine : une première fois 3 jours et une seconde 4 jours, je me ferai tout de même rincer au retour car le bateau s’arrête sous une cascade, je suis aux premières loges et ris aux éclats, le capitaine évite soigneusement, ce genre de gaminerie n’est pas de son goût 😉
Et re-route, kilomètres, incroyable que ce soit si beau, comment deviner cette pollution devant ce spectacle permanent, impossible, au bout, Dunedin
Capitale de l’Otago, Dunedin est majoritairement peuplée par des Écossais, d’où son nom qui est une version anglaise de Dùn Èideann, le nom gaélique écossais d’Édimbourg. En 1881 un Australien trouve de l’or et c’est la ruée, la population explose et passe à 60.000 habitants dont 35.000 chercheurs d’or dans une ambiance de saloons, tripots et autres maisons closes, 25 ans plus tard plus un pète d’or, ça repart, Dunedin reste tout de même la 2ème ville la plus peuplée de Southland après Christchurch, elle abrite en son sein les plus beaux monuments de la NZ




Il y a même un jardin Chinois, Lan Yuan, un bel exemple du délire de notre monde, 7 millions de dollars, 1000 tonnes de roche du lac Tai importées de Chine pour sa construction (roche qui est une caractéristique importante de l’architecture chinoise depuis plus de 1000 ans, ah d’accord), structures en bois de sapin de Chine (ça c’est le summum, j’y reviendrai) … il a beau être beau ce jardin, ça me surleculte comme aurait dit papa … Quand je monte dans les tours sur de tels sujets, le capitaine ne comprend pas, et pourquoi on ne pourrait pas faire un jardin Chinois en Nouvelle Zélande s’il vous plaît
– mais on n’a qu’à aller en Chine pour voir un jardin Chinois !
Il hausse les épaules et s’éloigne l’air de rien, tel un ministre qui laisse à une stagiaire le soin de régler une affaire sans importance.


On ne verra pas la célèbre gare ni la rue la plus pentue du monde qui s’y trouvent, nous préférons aller sur la péninsule d’Otago …

… voir voler les albatros :


- PS : si vous avez bien tout regardé, dans le petit film qui nous mène à Dunedin et à la péninsule d’Otago, vous aurez de toute évidence remarqué une photo de cygnes noirs : originaire d’Australie, le cygne noir (Cygnus atratus) a été introduit en Nouvelle-Zélande où il est devenu nuisible comme beaucoup des autres espèces importées par l’homme, car leurs prédateurs naturels sont absents, le prédateur du cygne noir étant principalement le renard.
Merci Isabelle pour ce long et beau reportage. Etonnant oui la pollution je pensais le contraire comme quoi…. A la prochaine station. Bises
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup de partager votre périple
J’aimeAimé par 1 personne
Quant a moi, qui vis en NZ depuis 1995, je trouve Queenstown trop touristique et je prefere de beaucoup Dunedin, cote ville, Milford sound, etc, mais je dis ca, je dis rien, question de gout.
J’aimeAimé par 1 personne
merci Emmanuel 🌞🌈✨!
J’aimeJ’aime
oui, moi aussi je pensais que c’était un pays préservé … mais hélas, c’est une catastrophe 😱
J’aimeJ’aime
c’est comme pour tous les endroits touristiques, on préfère éviter les touristes quand on habite le coin 😉
J’aimeAimé par 1 personne